Le squelette du mammouth de Durfort s'est refait une beauté
Publié le - par Le blob.fr, avec l'AFP
Le squelette du mammouth de Durfort, exemplaire exceptionnel d'une espèce disparue il y a environ un million d'années, trône en majesté depuis mardi au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) à Paris, après une restauration complète. A l'étage de la Galerie de paléontologie et d'anatomie comparée, au-dessus du cortège immobile et silencieux des squelettes de vertébrés, le mammouth domine la salle dédiée aux fossiles, grands et petits. Maintenu dans son corset de fer noir, il en impose jusqu'au diplodocus qui accueille le visiteur. « C'est l'emboîtement de trois histoires », raconte le président du MNHN Bruno David, en présentant le proboscidien (ordre des mammifères avec une trompe). Et d'abord celle du mammouth méridional, une espèce « plutôt glabre » et particulièrement imposante, à plus de quatre mètre au garrot et une dizaine de tonnes. Dont l'exemplaire domine largement celui du mammouth laineux placé à ses côtés. C'est aussi l'histoire de sa découverte par « deux amis en calèche », sur un chemin du Gard, en 1869 près de Durfort. Le morceau de canalisation aperçu dans un fossé était en fait une molaire. Avec des fouilles interrompues par la guerre de 1870, le squelette « passera deux ans sur place » après son excavation.
La dernière histoire est celle de son séjour au muséum, depuis sa présentation au public en 1898 jusqu'à la décision de sauver ses restes, abimés par la pollution, le chauffage au charbon ou le tripotage des visiteurs. « Sa restauration, comme celle d'un vieil appartement, a réservé des surprises », raconte Bruno David. Au fil des décennies, plâtre et bois, cires et vernis, ont été appliqués comme autant de cautères ou de cache-misère. « C'était un patchwork structurel et visuel » confirme Catherine Crocq, cheffe du projet de restauration chez Aïnu, l'entreprise de services muséographiques sollicitée pour la rénovation.
Embourbé dans les marais
Dans ce « métier de l'invisible », où le résultat du travail doit être imperceptible à l’œil, décision a été prise, par Bruno David, de conserver des artifices de qualité, comme certaines côtes faites de bois. La restauration a permis aussi de corriger des aberrations anatomiques, comme un cou trop long ou la courbure de la queue. Ou encore remettre l'animal dans sa démarche d'amble, comme celle des éléphants.
En revanche, le muséum n'a pas réussi à faire plier l'architecte en chef des monuments historiques sur la forme du crâne, sérieusement remodelé au XIXe siècle, et plutôt caractéristique de celui d'un éléphant d'Asie... Une tomographie, réalisée avec l'aide du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), a permis sa numérisation en 3D et révélé les matériaux utilisés pour la reconstitution. Les travaux, qui ont impliqué une pléiade de spécialistes et techniciens trois ans durant, ont aussi revisité le site des origines du mammouth. « Jusqu'à aujourd'hui on sait seulement qu'il vivait il y a entre 800.000 et 1,2 million d'années », rappelle Régis Debruyne, paléogénéticien au MNHN.
Le scientifique a effectué deux missions près du gisement d'origine et trouvé sur la même strate des dents d'hippopotame, dont l'analyse radio-géochronologique, toujours en cours, devrait permettre d'affiner l'âge du fossile. Notre mammouth a vécu à une période interglaciaire, dans un paysage de prairies et forêts méditerranéennes continentales, se nourrissant de fruits et d'herbes. Il est mort « assez jeune, à environ 25 ans, alors qu'il aurait pu en atteindre peut-être 75 », selon Cécile Colin-Fromont, muséographe responsable de la Galerie de paléontologie et d'anatomie comparée. Remarquablement conservé, « il vivait près d'un grand marais, où il a fini ses jours embourbé ». Pour quelle raison ? Maladie ? Blessure ? Manque d'attention ? Nul ne le sait.