Progestatifs et tumeurs au cerveau : des risques enfin mieux connus
Publié le - par Le blob.fr, avec l'AFP
Androcur, Lutényl, Lutéran : ces traitements, prescrits à de nombreuses femmes, se sont révélés favoriser l'apparition de tumeurs au cerveau. Mais qu'en est-il d'autres médicaments de cette catégorie, les progestatifs ? Le risque existe pour certains mais pas pour tous, montre finalement une vaste étude.
« L'utilisation prolongée de promégestone (Surgestone 0,5 mg), de médrogestone (Colprone 5 mg), ou d'acétate de médroxyprogestérone (Depo Provera 150 mg / 3 ml) est associée à un surrisque de méningiome », a annoncé lundi l'agence française du médicament, l'ANSM. Ces trois médicaments sont des progestatifs. Essentiellement destinée aux femmes, cette catégorie de traitements vise à traiter une large catégories de problématiques : pathologies féminines comme l'endométriose, infertilité, accompagnement de la ménopause... Ils servent parfois aussi de contraception.
Or, depuis les années 2010, certains progestatifs se sont révélés favoriser l'apparition de méningiomes. Ces tumeurs au cerveau sont parfois qualifiées de « bénignes », car elles ne sont pas susceptibles de dégénérer en cancers mortels, mais elles peuvent provoquer de graves handicaps neurologiques. C'est d'abord le médicament Androcur (acétate de cyprotérone) qui a été mis en cause. Théoriquement indiqué contre une pilosité excessive, mais prescrit pendant des décennies par de nombreux médecins bien au-delà de ces indications - par exemple contre l'endométriose -, son lien avec les méningiomes a été clairement établi en 2018.
Deux autres traitements ont suivi le même chemin : Lutéran (chlormadinone) et Lutényl (nomestrol). Pour ces trois médicaments, qui n'ont pas pour autant été interdits vu leur intérêt dans certaines indications spécifiques, les prescriptions ont chuté. Mais « évidemment, on craignait pour un certain nombre d'autres progestatifs », a expliqué le chercheur et médecin Alain Weill, qui a supervisé pour l'ANSM et l'Assurance maladie une vaste étude rétrospective sur une centaine de milliers de patientes.
Des éléments rassurants
Conclusion de cette étude : Colprone, Surgestone et Depo Provera multiplient bien les risques de méningiome, respectivement par 4,1, 2,7 et 5,6, quand ils sont pris pendant plus d'un an. Le risque augmente en effet progressivement avec la durée du traitement. Sur le plan collectif, c'est surtout Colprone qui pose problème. Surgestone n'est plus commercialisé depuis deux ans et Depo Provera est très peu donné. En revanche, Colprone est actuellement prescrit à plusieurs dizaines de milliers de femmes. Et il l'est de plus en plus, car il sert d'alternative à des patientes ayant justement abandonné Androcur, Lutényl ou Lutéran à cause des risques de méningiome.
Reste qu'à plusieurs titres, l'étude se montre aussi rassurante. Certains traitements, comme Utrogestan (progestérone) et Duphaston et Climaston (dydrogestérone), ne présentent pas de risques alors qu'ils sont prescrits à des centaines de milliers de patientes. Surtout, il n'y a pas de risque lié à l'usage d'un stérilet délivrant des progestatifs. Un dispositif probablement utilisé par plus de 500.000 femmes en France, selon les chercheurs. Un doute, enfin, demeure sur un traitement, le diénogest. Il n'a pas été suffisamment prescrit pendant les années sur lesquelles portait l'étude (2009-2018) pour tirer des conclusions fiables sur le plan statistique, mais il est beaucoup plus donné depuis les années 2020. « Il y a toujours une incertitude qui plane sur ce médicament alors qu'il est présenté par des gynécologues comme un traitement miracle », notamment de l'endométriose, a regretté Emmanuelle Mignaton, présidente de l'association Amavea, qui regroupe des patientes atteintes de méningiomes après la prise de progestatifs.
Mais, dans l'ensemble, le soulagement domine pour Mme Mignaton qui, comme nombre de patientes, reproche aux autorités sanitaires d'avoir trop tardé voici quelques années face aux premières alertes sur l'Androcur. « Là, vraiment, l'agence (du médicament) prend les choses en main d'une manière qui me semble bien, rigoureuse et rapide », a-t-elle estimé. « C'est un soulagement que la situation s'éclaircisse de plus en plus, de voir quels médicaments sont un risque et lesquels ne le sont pas », a conclu Emmanuelle Mignaton.