Pourquoi chez-vous ? Patrick Curmi – Médecin chercheur en biologie moléculaire - Genopole
Pour moi, ça a commencé avant même que je fasse de la recherche. J’ai toujours été un enfant excessivement turbulent. Presque renvoyé de l’école. Le monde des adultes me faisait peur. La régularité, la ponctualité, la routine.Quand j’ai fini ma médecine, avant même de finir, j’ai commencé mes études scientifiques, et il était inimaginable pour moi de m’installer comme médecin et d’appliquer des recettes. On fait des recherches qui continuent aujourd’hui sur l’utilisation du diamant en biologie. Ce n’est pas tout à fait intuitif. Il n’y a pas de différence dans la composition chimique entre un diamant qui est sur votre plus belle bague aujourd’hui et puis la banane que vous êtes en train de manger. C’est du carbone aussi. Quand on fait de la recherche, on est toujours à la frontière d’un monde. On est sur le bord, on est toujours en déséquilibre, prêt à tomber. Il faut aussi avoir cette capacité de se relever. Donc la qualité d’un chercheur c’est d’avoir un esprit critique, se dire que là, il y a sûrement des choses à découvrir, et puis quand on tombe, avoir, mais ça, on ne le décide pas, avoir une capacité à se relever et à repartir sur peut-être des idées à 180 degrés. C’est un peu difficile à décrire mais vous savez déjà que vous allez trouver dans cette direction-là. C’est une histoire d’amour qui vous fait peur, et vous risquez votre vie. Quand vous faites une expérience, c’est une grande minutie et une grande émotion. C’est une expérience entière, émotionnelle, dramatique. On a une existence dramatique mais quand vous faites des sciences expérimentales, c’est un drame qui se joue devant vous. Quand vous faites de la recherche, c’est du matin jusqu’au soir. C’est quelque chose qui vous envahit, qui vous occupe, qui vous préoccupe, qui parfois vous enlève un peu du monde, mais ça ne s’arrête jamais. Quand bien même vous cherchez à vous en défaire, c’est une espèce d’obsession permanente. Il faut laisser du temps à l’observation. Il faut passer du temps sur le microscope. C’est les sciences du silence aussi. C’est les sciences de la patience. Et quand on descend dans la structure intime de la matière vivante, on se rend compte qu’il n’y a pas de finalité. Une molécule ne pense pas. Une molécule n’a pas envie d’aller dans une direction donnée. Elle va le faire effectivement à l’échelon collectif, c’est ce qu’on va observer, mais ça découle de lois statistiques et de lois de biophysique. C’est une douleur en même temps de se dire qu’on est le fruit d’une certaine organisation dont la part du hasard est capitale. Quand vous avez une belle molécule, qu’elle a une belle structure, qu’elle a des formes, qu’elle a des rondeurs, vous pressentez quelque chose de très très passionnant. Tomber amoureux d’une molécule, c’est tomber amoureux d’un édifice atomique, qui par son articulation, par ses embranchements, par sa diversité locale, par sa rigidité ailleurs fait que vous pressentez que là, elle fait des choses absolument merveilleuses. Donc on peut tomber amoureux d’une molécule. Il n’y a pas de problème.