Parmi les mollusques et les néogastéropodes marins, les cônes constituent un groupe très diversifié présent dans tous les océans. Ces beaux coquillages ont développé des particularités anatomiques et des venins spécifiques. Comment ces substances naturelles pourraient-elles nous être utiles? L'ensemble des néogastéropodes actuellement c'est 15 000 espèces décrites quasiment exclusivement marins, et qui ont tous la particularité d'être des prédateurs. Ce n'est pas l'image d'un prédateur classique comme le lion ou le requin, mais ce sont des prédateurs. Ils se nourrissent d'autres animaux. La plupart se nourrissent d'autres mollusques, de vers, certains se nourrissent même de poissons. Les néogastéropodes les plus connus, ce sont les cônes. Les cônes, ce groupe au sein des néogastéropodes, contient actuellement 1000 espèces décrites. Ces espèces sont présentes sur toutes la zone tropicale et subtropicale et on les trouve de zéro mètre de profondeur jusqu'à 1000 mètres de profondeur environ. Et il y a globalement deux techniques de chasse différentes. Il y en a une où le cône va être enterré dans le sable à l'affût et dès que sa proie va passer, il va sortir ce qu'on appelle son proboscis. C'est comme une extension de la bouche au bout de laquelle il y a cette petite dent qu'on appelle une radula. Et donc c'est vraiment un outil qui va leur permettre d'harponner leur proie, d'injecter le venin à travers ce petit tube directement dans le corps de leur proie pour la paralyser. Et comme il y a un harpon, la proie ne peut pas s'échapper et ils n'ont plus qu'à tirer sur cette dent en quelque sorte pour ramener la proie dans leur estomac. D'autres espèces de cônes ont développé une autre technique, là ils vont s'approcher de la proie tranquillement et le poisson ne va pas forcément fuir parce que le cône a déjà relargué des toxines dans l'eau qui paralysent le poisson. Et ensuite il s'approche tranquillement du poisson et il va l'englober dans sa bouche. Et ensuite, il n'aura plus qu'à digérer tranquillement sa proie. Alors le venin des cônes, on sait que chaque espèce de cône a un ensemble de toxines qui lui est propre. C'est-à-dire que les toxines qu'on trouve dans une espèce vont être différentes des toxines qu'on trouve dans une autre espèce. Et maintenant on estime que chez les cônes, on a des centaines de milliers, voire des millions de toxines différentes produites par les différentes espèces de cônes. Les biologistes qui étudient ces coquillages sont de plus en plus nombreux. Ils s'intéressent aux multiples molécules produites par ces organismes à des fins médicales et thérapeutiques. Donc pour la partie découverte des toxines, biodiversité, Les techniques qu'on va utiliser, c'est essentiellement des techniques de séquençage. En une série de séquençages, on est capable d'avoir une idée assez complète de l'ensemble des toxines qui, à un moment donné, il était prêt à injecter dans sa proie. En fait, dans l'étude des toxines, il y a plein de métiers qui sont impliqués. Moi, par exemple, ce qui m'intéresse, c'est d'identifier les toxines, d'estimer leur diversité et d'essayer de comprendre comment la diversité de ces toxines peut éventuellement expliquer la diversité des cônes. Moi, je m'arrête à peu près ici. Ensuite, c'est d'autres personnes qui vont prendre le relais, qui, elles, vont essayer de comprendre. effectivement, au niveau cellulaire, au niveau moléculaire, comment ces toxines fonctionnent. Quelles sont les cibles? Quel effet ça va avoir sur la proie? Quel effet ça va avoir sur telle cible moléculaire qui elle-même peut être impliquée dans telle maladie, ou telle autre maladie chez l'homme. Ensuite, c'est les laboratoires pharmaceutiques qui vont entrer en jeu. Eux, ils vont reprendre les résultats qu'on a obtenus sur ces toxines et ils vont dire "Ah, ça a été montré que telle toxine avait un effet potentiellement pour telle maladie. Nous, on va essayer de voir effectivement si on peut transformer ça en médicaments." Donc en fait, actuellement, il n'y a qu'une seule toxine de cône qui a été transformée en médicament, qui est commercialisée. Donc c'est un antidouleur, un analgésique extrêmement puissant, sans effet de dépendance, sans effet d'accoutumance. Donc c'est vraiment un médicament extrêmement intéressant. Ce médicament là, la molécule est exactement la même que la molécule produite par le cône. On n'a pas eu besoin de la modifier. On n'a pas réussi à l'améliorer. Le produit de l'évolution, cette toxine qu'on a trouvée chez le cône, c'est exactement le médicament tel qu'il est utilisé actuellement. Le seul problème de ce médicament, c'est qu'il doit être injecté directement dans la moelle épinière des patients. Donc c'est vraiment utilisé pour traiter des douleurs chroniques très importantes. C'est le seul médicament actuellement sur le marché issue d'une toxine de cône. Il y en a quatre ou cinq autres qui sont actuellement en phase de test. On a déjà identifié en fait un certain nombre de maladies où potentiellement les toxines pourraient être utiles, pas forcément pour soigner cette maladie, mais en tout cas pour réduire ses effets. Les maladies telles que Parkinson Alzheimer et également les cancers. Ça fait 40 ans qu'on travaille maintenant sur les toxines de cônes. En 40 ans, on a développé qu'un seul médicament, donc ça peut paraître effectivement un peu décevant. Mais le potentiel est vraiment là. On a des millions de toxines potentiellement qui ont un effet sur la physiologie de leur proie, potentiellement un effet sur l'homme. Mais même si 1 pour 100, 1 pour 1000, ou même 1 pour 10 000 de ces toxines-là seront un jour transformés en médicaments, le réservoir est énorme. Cette diversité unique est le résultat de longues années d'évolution. La biodiversité de l'océan recèle des milliers de molécules médicales dont on commence tout juste à s'inspirer. C'est pourquoi il est urgent de mieux la protéger.
Réalisation :
Thomas Marie
Production :
Universcience, CNRS, La Belle Société Production, MNHN, Ademe, Cerema, Région Normandie, Région Nouvelle-Aquitaine, Institut des Futurs souhaitables, Ceebios, avec la participation du Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires
Année de production :
2023
Durée :
5min33
Accessibilité :
sous-titres français