En tout point de la planète, on va être dans des conditions de vie qui ressemblent à une vie en ville. Des emplois industriels vont avoir plus d'intérêt à se mettre à bonne distance des villes, parce qu'on peut payer moins cher les employés, parce que les travailleurs y seront moins organisés, on peut polluer plus aisément qu'à proximité des villes. Cela va faire que l'emploi va se déplacer vers la campagne et que ces campagnes vont se transformer en ville. On va distinguer deux cas : il y a la Chine où la croissance urbaine se fait beaucoup par migrations de travailleurs vers les villes. À l'inverse, dans un pays comme l'Inde, de façon structurelle depuis plus de 40 ans, il y a beaucoup de villages qui deviennent villes parce que les gens restent et transforment ces campagnes. Après, il y a aussi l'Afrique subsaharienne qui est dans un régime de croissance qui est encore différent, de forte croissance démographique, qui est un mix de croissance sur place et de migration vers les villes. Il y a également un besoin de thésauriser autour du foncier dans des contextes où les systèmes bancaires sont faibles et que c'est un moyen de maintenir son capital en contexte d'inflation. Donc on achète du foncier autour des villes, on se loge ou on anticipe la possibilité qu'on pourra se loger, et ça se traduit par une expansion au moins des friches et du recul des espaces agricoles et naturels. Par exemple, la Chine est très marquée par cela. On a une forte expansion des villes qui est énormément spéculative, c'est-à-dire de construction de villes nouvelles, qui ne sont pas forcément habitées mais qui comptent dans l'économie urbaine très fortement. Le déversement de l'urbanisation concerne les grands deltas, les terres les plus fertiles, parce que les grandes villes et les espaces les plus urbanisés étaient autour de ces bassins fertiles dans le monde. Et ça, c'est une vraie problématique en termes d'alimentation et d'alimentation des villes et des populations. Les paysans ou les propriétaires terriens ne sont pas passifs par rapport à cette dynamique et d'une certaine façon, ils l'anticipent, voire ils l'incitent au sens où ils sont touchés par les changements climatiques, les crises météorologiques et autres inondations, sécheresses et aussi coût des intrants, coût de la main d'œuvre dans l'agriculture. En conséquence, ils ont tendance à vendre plus aisément leurs terres agricoles. On crée de plus en plus de défrichage ou de nouvelles friches à travers cet étalement de l'urbanisation et donc une proximité beaucoup plus importante entre ces espaces délaissés et des populations, avec des risques accrus d'émergence de nouveaux virus, mais aussi d'espaces où peuvent vivre les moustiques qui vont transporter la dengue, toutes les maladies à vecteur. Et là, il y a un énorme défi qu'on commence juste à comprendre au sens où on pensait beaucoup plus à distance ces zoonoses alors qu'elles sont aux portes des villes aujourd'hui. C'est une organisation qui va vite, qui dépasse complètement les cadres administratifs et les capacités des états à encadrer ces dynamiques urbaines et en particulier à amener des infrastructures en conséquence, ou encore mieux, à les anticiper. C'est-à-dire que les réseaux d'assainissement, les réseaux d'eau, etc, ne suivent pas au rythme de cette expansion urbaine, et ça pose évidemment d'énormes problèmes en termes sanitaire, d'accès aux soins, d'accès à l'éducation, qui sont en partie compensés par des initiatives privées. Les villes d'Afrique et d'Asie du Sud sont les plus menacées, en plus grand péril. Tous les moyens vont dans la réponse aux crises, aux inondations successives, aux effets de submersion, aux grandes sécheresses, aux besoins en eau... Donc, il n'y a pas de capacité à anticiper les transformations qui viennent en lien avec le changement climatique. La question de l'eau est de plus en plus centrale pour la viabilité de cette ville. D'une part, on peut voir, comme au Pakistan très récemment, le phénomène des inondations, donc le trop plein d'eau, la non-maîtrise de l'eau du fait essentiellement de l'artificialisation des sols. C'est-à-dire que l'eau glisse et vient stagner dans les points les plus bas. Et d'autre part, les sécheresses, les périodes de "non pluie", la raréfaction de l'eau dans les nappes phréatiques. Cela fait qu'il y a des périodes où il n'y a plus d'eau dans les villes, en régions tropicales pour le moins. Et aussi les phénomènes de pollution des nappes phréatiques en lien avec les activités humaines concentrées dans ces villes. Le phénomène des nappes phréatiques qui se vident - on a vu très récemment l'exemple de grandes villes comme Shanghaï - se traduit aussi à proximité de la mer par le déplacement de l'eau de mer vers les nappes phréatiques et donc une salinisation des eaux qui est parfois irrémédiable. On n'est pas sans solution. L'une des solutions simples et peu coûteuse qui est mise en œuvre, c'est le retour à la perméabilisation des sols : la capture des eaux de pluie et leur renvoi dans les sols. C'est-à-dire enlever du bitume, enlever du béton, réouvrir les sols... Et d'autre part, à une plus grande échelle et avec un coût qui est très différent, au moins pour les villes côtières : la désalinisation, qui est quand même de plus en plus développée avec un coût moindre. Des villes d'Inde ont accès maintenant à ce type de production d'eau. On pourrait imaginer qu'il n'y a que des villes du monde arabe, des grands émirats, qui peuvent se payer ce type d'accès à l'eau. Or, ce c'est plus le cas. Donc il y a aussi des transformations. Il ne faut pas sous-estimer la capacité à créer de nouveaux moyens de produire de l'eau. À l'horizon 2100, il est difficile d'anticiper une croissance de la qualité de vie tant on parle de situations très différentes, voire divergentes. Par exemple, si on crée ici des voitures plus propres, les voitures plus sales vont en partie partir en Afrique parce qu'il y a un second marché qui se trouve en Afrique pour ces voitures qui ne vont pas toutes être détruites. Donc ça va créer de nouvelles capacités de déplacement dans ces villes africaines certes, mais aussi de nouvelles pollutions, donc des transitions à des rythmes très différents et qu'il ne faut pas du tout penser en termes de rattrapage de l'un par rapport aux autres. On a longtemps pensé dans ces termes-là. Aujourd'hui, c'est plus compliqué. Chez nous, on a des choses qui ne s'améliorent plus et à d'autres endroits sur la planète, ça va s'améliorer plus vite. Par exemple, aujourd'hui, si on pense économie propre, le pays qui crée le plus d'emplois dans le secteur de l'écologie, de la transition énergétique, etc, c'est la Chine. Or, la Chine va rester le pays le plus polluant encore pour une trentaine d'années, parce que c'est un pays gigantesque. Mais malgré tout, il est aussi celui qui va le plus vite dans sa transition énergétique avec des villes où, dès à présent, il n'y a plus de véhicules à deux roues non électriques, où on travaille déjà au moteur à hydrogène à l'échelle industrielle. Donc c'est aussi quelque chose qui est très mixte dans ses possibilités à l'échelle de la planète.