Bonjour et bienvenue à la Cité des sciences et de l’industrie pour ce nouveau numéro du journal des sciences. Au programme cette semaine :
- Des tatouages difficiles à effacer
- Du bon sens chez les robots
- Un faussaire dans le monde de l’archéologie
- Et des oiseaux qui cogitent comme les humains.
Indélébile…
Au vu de la vogue actuelle des tatouages, on peut penser que les « détatoueurs » ne manqueront pas de travail dans les décennies à venir. Une découverte française pourrait leur faciliter le travail.
Pendant longtemps on a pensé que les tatouages teintaient les cellules du derme de la peau. Plus récemment des chercheurs ont suggéré que les macrophages de la peau, des cellules spécialisées résidant dans le derme, intégraient le pigment du tatouage. Dans ces deux cas, on pensait que la cellule porteuse de pigment vivait éternellement, permettant ainsi au tatouage d’être permanent.
Mais cette hypothèse vient d’être remise en question par des chercheurs du centre d’immunologie de Marseille-Luminy. Ces chercheurs ont développé une souris génétiquement modifiée capable de tuer les macrophages résidant dans son derme. Au cours des semaines, les chercheurs ont observé que les cellules détruites avaient été remplacées par de nouveaux macrophages.
Malgré la mort des macrophages, l’apparence du tatouage ne changeait pas. L’équipe en a conclu que les macrophages morts libéraient le pigment dans la zone environnante avant d’être réabsorbé au cours des semaines suivantes par de nouveaux macrophages. Ce cycle de capture, libération et recapture du pigment se produit continuellement dans une peau tatouée.
Cette découverte ouvre la voie à des techniques de détatouage plus fines que celles utilisées aujourd’hui. Actuellement, les tatouages sont effacés par des impulsions laser qui provoquent la mort des cellules cutanées et la libération et fragmentation de leurs pigments. En ciblant et en éliminant temporairement les macrophages présents dans la zone tatouée, les particules de pigment seraient probablement plus facilement et plus complètement évacuées par les vaisseaux lymphatiques qui drainent la peau.
Un peu de bon sens
Si les intelligences artificielles ont fait leurs preuves dans certains domaines, il leur manque une chose essentielle : le bon sens, celui qui nous permet, à nous humains, de résoudre tous les microproblèmes du quotidien. Pour éduquer les machines au sens commun, un gigantesque projet vient d’être lancé : le projet Alexandria.
L’intelligence artificielle excelle aujourd’hui dans bien des domaines : la reconnaissance d’image, de la parole, la traduction… Mais il manque à ces programmes ce que même un enfant de dix ans maîtrise parfaitement : du bon sens ! Celui qui fait qu’on sait qu’une main comporte 5 doigts, qu’un éléphant est trop gros pour passer par une porte, ou encore que, si on se rapprochait du Soleil, on serait vaporisé…
Toutes ces notions, nous les tirons de notre expérience dès notre plus jeune âge. Mais de l’expérience, les machines n’en ont pas. Et, jusqu’à présent, toute tentative pour leur en donner a été vaine.
Pour combler cette lacune, Paul Allen, l’un des fondateurs de Microsoft, vient de lancer – à travers sa fondation – le projet Alexandria. L’idée est de constituer une bibliothèque universelle du sens commun, une base de données gigantesque qui sera nourrie par trois sources : une analyse des milliards de textes disponibles aujourd’hui au format numérique ; une analyse des vidéos et photos disponibles en ligne ; et comme tout n’est pas disponible sur internet, certaines questions seront tirées directement d’échanges avec des humains. L’ensemble constituera une base de référence dont pourra bénéficier toute la communauté scientifique travaillant actuellement sur le développement de l’intelligence artificielle.
À terme, les robots et autres assistants vocaux devraient ainsi se rapprocher un peu plus du comportement humain…
Crédit : Allen Institute for Artificial Intelligence
Tout faux !
En 2012 disparaissait l’archéologue britannique James Mellaart, connu pour avoir co-découvert, dans les années 50, la cité antique de Çatalhöyük. Or, en inspectant les archives du disparu, la fondation Luwian Studies vient de se rendre compte que nombre des documents mis au jour par le chercheur anglais était des faux construits de toute pièce.
Découverte en 1951 dans le sud de la Turquie, la cité de Çatalhöyük, vieille de 9000 ans, est considérée comme l’un des plus grands sites néolithiques du Proche-Orient. L’archéologue britannique James Mellaart, co-découvreur du site, y a consacré toute sa vie, mettant au jour des bâtiments entiers, des poteries, des peintures et même des hiéroglyphes en langue louvite.
Disparu en 2012, James Mellaart avait donné comme consigne à ses successeurs de continuer à publier ses découvertes, et notamment un manuscrit de 3200 ans faisant référence à la ville de Troie citée dans l’Iliade.
Fin février, la fondation Luwian Studies a eu accès à l’appartement londonien de l’archéologue et a pu mettre la main sur ses archives. Les chercheurs sont allés de surprises en surprises. Ils ont indiqué avoir trouvé de nombreuses preuves – notamment des brouillons – montrant que le fameux manuscrit était un faux monté de toute pièce par le chercheur. James Mellaart avait toujours dit ne pas connaître la langue louvite. Il semble au contraire qu’il la maîtrisait parfaitement. Les chercheurs ont également retrouvé de nombreuses esquisses de peintures et de gravures ayant servi de base à des prétendus vestiges retrouvés à Çatalhöyük.
Atterré par cette découverte, Eberhard Zangger, président de la fondation, estime que James Mellaart a produit des faux tout au long de sa vie et qu’il est difficile de savoir pour l’instant quelles pièces sont authentiques. Cela ne remet cependant pas en cause l’existence de la civilisation louvite et de la cité de Çatalhöyük qui, encore aujourd’hui, est loin d’avoir livré toutes ses secrets.
https://luwianstudies.org/james-mellaart-forged-documents-throughout-life/
Crédits : Eberhard Zangger/ Luwian Studies Foundation
Des oiseaux qui nous ressemblent
À l’instar des primates ou des cétacés, les oiseaux témoignent d’une grande intelligence. Afin de comprendre en quoi celle-ci était différente de la nôtre, des chercheurs américains et canadiens ont confronté à une batterie de tests deux espèces d’oiseaux. L’une s’en sort très bien, l’autre un peu moins. Pourquoi ?
Certains animaux sont capables d’innovation dès lors qu’il s’agit d’obtenir de la nourriture. C’est notamment le cas du Pèrenoir de Barbarde, une espèce endémique des Caraïbes, dont la patience et l’inventivité lui permettent de résoudre bien des problèmes. Étonnamment, le Cici verdinère, une espèce pourtant très proche et vivant dans le même habitat, est incapable de faire preuve d’autant d’innovation.
Pour comprendre ces différences, des chercheurs américains et canadiens ont étudié les deux espèces en laboratoires. Pas de doute : aux différents tests qui leur ont été proposés, seul le Pèrenoir de Barbade s’en sort la tête haute.
En analysant le génome des deux oiseaux, les chercheurs ont compris pourquoi. Bien que très proches, les deux espèces présentent de grandes différences au niveau de gènes liés à la plasticité neuronale et synaptique. Le Pèrenoir de Barbade montre notamment un taux de neurotransmetteurs au glutamate bien plus élevé que chez le Cici verdinère. Or on sait que, chez les mammifères, ce taux est en corrélation avec les capacités d’apprentissage, de mémoire et de cognition.
Au-delà des différences entre les deux espèces, cette étude montre que l’l’intelligence de certains oiseaux emprunte des mécanismes très comparables aux nôtres, et ce, malgré la distance qui sépare les oiseaux des mammifères dans l’histoire du règne animal.
Voilà, ce journal est terminé…