- Je mime une émotion, devine laquelle ! - Il s’énerve ? - Oui, c’est ça. Trop fort !
S’il y a bien un public qui peut bénéficier de robots dotés d’intelligence artificielle, ce sont les enfants atteints d’un trouble du spectre autistique.
- L’une des caractéristiques de l’autisme, ce sont des difficultés à communiquer avec d’autres individus humains. En supprimant cette composante humaine, en faisant interagir les enfants et adolescents avec un robot équipé d’intelligence artificielle, on facilite grandement la communication.
On l’a observé avec « l’attention conjointe » : la capacité à porter son attention sur le même objet que son interlocuteur. Les enfants autistes sont plus attentifs quand c’est un robot qui leur montre un objet, plutôt qu’un être humain.
- On s’est demandé pourquoi. Une hypothèse, c’est que la machine, contrairement à l’humain, ne juge pas l’enfant qui s’exprime. Une autre hypothèse, c’est la prévisibilité des robots, Ce qui semble faire peur aux enfants et adolescents avec autisme, c'est l’imprévisibilité dans la relation avec l’autre. Ce que les robots n’offrent pas car ils sont parfaitement prévisibles. Grâce à l’intelligence artificielle, le robot reconnaît son interlocuteur et s’adapte à son environnement, mais aussi programme des situations d’interactions contrôlées et standardisées, laissant peu de place à l’imprévu.
- Est-ce que je suis triste ? ou effrayé ? - Effrayé. - Bravo.
- La prosodie du robot, l’intonation de la voix, les réactions du robot en cas d’erreur ou de réussite seront souvent les mêmes. Et ça permettra à l’enfant de mieux apprendre par cette répétition, et par ce conditionnement.
Avant de tester des robots en situation réelle auprès d’enfants et adolescents autistes, faisons un détour par les laboratoires. À l’université de Lorraine, à Nancy, le professeur de psychologie Jérôme Dinet et son équipe ont tenté de répondre à une question élémentaire : quelle apparence doit avoir le robot pour être accepté par un partenaire humain, en particulier des enfants autistes ? Pour cela, il mesure l’activité cérébrale de participants tout venant grâce à un électro-encéphalogramme, pour étudier notre capacité d’empathie face à différents types de robots. Ils utilisent aussi un oculomètre un instrument permettant de suivre l’exploration visuelle que l’on fait d’une image, et analysent ainsi la façon dont différents participants réagissent face à plusieurs types de robots. Cet outil a permis de montrer que les enfants autistes n’hésitent pas à plonger leur regard dans celui du robot ce qu’ils ne font pas avec un partenaire humain.
- Nos études confirment que l’apparence humanoïde semblait plaire mais jusqu’à un certain point. Si le robot est trop proche de l’humain, il suscite plutôt de la méfiance ou de la peur. Deuxième résultat, c’est que les enfants avec TSA ont des préférences nettes pour des robots d’apparence plutôt mignonne, plutôt ludique, avec une centration importante sur le visage et l’expression des émotions par les yeux.
À quelques kilomètres de là, l’expérience de terrain menée avec l’association Jean-Baptiste Thiéry, un centre pour personnes en situation de handicap, s’est appuyée sur ces recherches pour savoir quelles apparences de robot éviter et lesquelles privilégier. Le docteur en psychologie Armand Manukyan teste ainsi depuis trois ans, différents robots assistés d'intelligence artificielle auprès d'enfants et adolescents autistes âgés de 3 à 18 ans. Le but : utiliser les robots comme médiateurs entre les enfants et les éducateurs afin d’améliorer leur attention, leur compréhension des consignes et leurs compétences sociales.
- Un trouble du spectre autistique, c’est un trouble neuro-développemental caractérisé par 2 types de symptômes : les troubles de la communication sociale et les troubles des intérêts restreints. On parle de spectre car les symptômes peuvent varier en intensité et en nature. Un même type de robot ne convient pas à tous les profils. Il y a un spectre de la robotique autant qu’il y a un spectre de l’autisme. On a donc sélectionné trois robots aux caractéristiques internes et externes assez différentes, d’un robot complètement humanoïde à un robot pas du tout humanoïde, de façon à spécifier les cas d’usage en fonction des profils d’enfants.
- Le coude, il est... Et où est le coude de Nao ? Il est là, oui. Il en a deux, c’est vrai.
- Le robot Nao a des membres supérieurs et inférieurs. Avec lui, on va pouvoir travailler l’imitation du mouvement moteur, le schéma corporel de l’enfant, et on va aussi travailler sur la compréhension de consignes et de tâches à réaliser. À côté, c'est le robot Leka, qui est très sensoriel. Il peut se mouvoir dans l’espace. Il peut tourner, vibrer, faire de la lumière... On interagit avec lui avec une tablette. À côté, c’est Buddy. Il est tactile. On va travailler l’expression des émotions, mais aussi la reconnaissance de cartes avec un QR code, donc d’un lexique donné. On travaille la généralisation du langage, la compréhension des mots...
- Tu montres à Buddy ? Bravo, c’est cheval ! Super, t’es trop forte.
Pour mesurer l’efficacité des robots en situation réelle, la doctorante en psychologie Marie Rychalski observe et comptabilise certains comportements des enfants pendant les activités avec les robots.
- Les comportements qu’on veut observer, c'est l’attention conjointe, si l’enfant regarde dans la même direction que l’adulte ; l’attention générale, pour voir s’il reste concentré et s’il réussit sa tâche ; le pointage, pour voir s’il pointe la bonne image ; l’imitation motrice, savoir si l’enfant va imiter le robot ou l’adulte. Les comportements observés depuis 3 ans révèlent de très bons résultats. Les robots permettent une meilleure compréhension des consignes, une plus grande rapidité d’exécution des tâches et une meilleure imitation des mouvements moteurs notamment avec Nao.
- On observe que Leka correspond davantage aux enfants avec un trouble sévère et une déficience intellectuelle, car il est plus sensoriel, il a un répertoire d’actions plus limité, mais est aussi plus simple d’interaction avec les enfants.
- Nos travaux sont prometteurs car on arrive à démontrer que les enfants développent des compétences communicationnelles en présence du robot, et qu’ils transfèrent ces compétences face à d’autres êtres humains, avec leurs camarades dans la cour ou leur famille chez eux. In fine, le robot n’est qu'un outil qui complète des dispositifs existants pour favoriser l’inclusion scolaire mais aussi sociale de tous ces jeunes. La prochaine étape est d’intégrer à ces robots des logiciels d’IA plus sophistiqués afin de créer des interactions plus naturelles tout en réduisant la marge d’imprévisibilité. Cela leur permettrait de s’adapter en temps réel à d’éventuels imprévus, et aussi de s’adapter de façon plus minutieuse aux spécificités des enfants avec autisme.
- Avertissement 802 : j’ai vraiment besoin de recharger ma batterie !