AU TABLEAU !
Bernard Laponche
Comment est-ce que le système énergétique de production et de consommation s'adapte ou répond aux besoins du développement économique et social ?
Depuis le début de la Révolution industrielle au milieu du XIXe siècle, ou en tout cas son développement très puissant en particulier dans l'industrie lourde, la conception de ce rapport entre système énergétique et croissance économique était relativement simple. Il y avait une demande économique et sociale qui était l'augmentation de la production industrielle des transports, de – du confort, et la production d'énergie devait répondre, répondre de façon presque automatique à cette demande en produisant plus. C'est-à-dire, pratiquement, la production d'énergie devait suivre la croissance économique. Si celle-ci était de 10 % par an, ou de 7 % par an, la production d'énergie devait suivre. Et puis, donc ça, ça a duré pratiquement un peu plus d'un siècle, et en fait le coup de semonce a été donné dans les années 70 avec des chocs pétroliers qui ont montré que – deux choses : d'abord qu'il pouvait y avoir des augmentations très brusques des prix du pétrole avec des conséquences importantes sur l'économie ; et aussi, et surtout, la prise de conscience que les ressources fossiles, en particulier pétrole, gaz, charbon, étaient limitées, parce qu'extraites de la croûte terrestre et que par conséquent il fallait faire attention et voir si on pouvait consommer différemment. Est apparu quelque chose qui apparaît de façon très logique aujourd'hui, c'est-à-dire qu'on n'a pas besoin directement d'énergie, c'est pas comme l'eau dont on a besoin directement. L'énergie, en fait, est un vecteur pour faire des choses et pour obtenir ce qu'on appelle le service énergétique, c'est-à-dire des besoins tels que le confort, l'alimentation, la santé, l'éducation, la production industrielle, les déplacements, les transports de marchandises, etc. Et ce service énergétique, pour l'obtenir, j'ai besoin d'une certaine quantité d'énergie, mais cette quantité d'énergie, on va voir qu'elle dépend de plusieurs facteurs qui permettent d'obtenir ce service énergétique.
Ce premier facteur c'est ce que j'appelle le contexte. Le contexte c'est, par exemple, le climat. Dans un climat froid, à priori j'ai besoin de plus de chaleur pour chauffer les logements. C'est aussi la géographie. S'il y a de très grandes distances, j'aurai besoin de plus d'énergie pour les transports. C'est aussi la qualité des villes. Des villes concentrées comme Paris ou Barcelone consomment moins d'énergie que des villes très étalées comme Los Angeles pour le transport. Et donc – et aussi ce qu'on peut appeler le style de vie qui comporte aussi un autre facteur qui est le comportement. Le comportement, c'est-à-dire : Est-ce que j'ai besoin d'une température de confort de 19 °C (ce qui est très bon pour la santé) ou de 23 °C ? Est-ce que j'ai besoin forcément de prendre une voiture pour les courtes distances au lieu d'aller à pied ou à vélo ? Est-ce que j'ai une politique d'achat un peu prudente et j'ai pas besoin de trois télévisions et de deux 4x4 ? Donc cette question de comportement va s'allier à la question du contexte puisque l'aménagement du territoire va jouer, mais aussi le comportement des consommateurs individuels.
Et troisième facteur, ce que j'appelle l'appareil ou l'équipement. C'est-à-dire avec quoi j'obtiens ce service énergétique ? Par exemple le confort, c'est la maison. La maison, si elle est bien isolée avec des doubles – des doubles fenêtres, elle consommera deux fois moins qu'une maison construite il y a 40 ans ou 50 ans et sur lequel – sur laquelle on ne faisait pas du tout attention à la consommation d'énergie.
Et donc en jouant sur le contexte, le comportement, et l'appareil, c'est-à-dire l'aménagement du territoire, le comportement des consommateurs mais aussi des dirigeants et la qualité technique de l'appareil, on peut diviser par deux, (dans la situation actuelle mais avec un certain temps), la consommation d'énergie finale, c'est-à-dire consommation des activités finales dans nos vies et dans nos activités professionnelles.
Alors ce qui est très important c'est que, la conséquence, si je diminue la consommation finale, je vais diminuer aussi l'utilisation des sources primaires, c'est-à-dire notamment des combustibles fossiles et du pétrole. Et donc j'ai comme conséquence, je dirais, positive, j'ai trois grandes conséquences.
La première c'est la diminution de la consommation d'énergie donc moins de contrainte énergétique. Deuxièmement, la diminution des risques environnementaux, que ce soit les pollutions ou les déchets ou les accidents. Et troisièmement, je vais favoriser un développement économique puisque je vais avoir des chantiers d'amélioration des transports par le développement des transports collectifs, d'amélioration des bâtiments par la construction de bâtiments neufs plus efficaces et surtout la rénovation des bâtiments existants, etc. Et on voit que du fait de cette nouvelle politique qui va agir sur la demande, c'est-à-dire une nouvelle conception, un nouveau paradigme énergétique, j'ai de nouveaux acteurs. C'est nouveaux acteurs ce sont d'abord le fait que la moitié de la préoccupation énergétique échappe aux grandes compagnies énergétiques mais viennent dans les sociétés de construction, les sociétés de transport, les sociétés d'aménagement du territoire. Deuxièmement, les économies d'énergie qui vont être faites peuvent être faites partout, à tous les niveaux, au niveau de chez moi, au niveau de ma ville, au niveau de ma région ou mon pays. Et donc il y a d'une part une importance croissante de ce qui est local et territorial, c'est-à-dire les autorités, les collectivités locales ou territoriales qui vont développer des programmes sur les bâtiments ou sur les transports, par exemple. Et aussi un rôle plus important du citoyen qui passe de consommateur passif qui paye sa facture à citoyen qui peut participer à cet effort de réduction des consommations d'énergie, tout en assurant un système énergétique plus adapté à la demande économique et sociale.