AU TABLEAU !
Ségolène Aymé
Chacun d’entre nous connaît des gens qui ont une maladie génétique ou savent que ces maladies génétiques existent et elles sont toujours vécues comme des mauvais coups du destin car ce sont des maladies chroniques invalidantes et à l’origine d’énormément de souffrance. Alors finalement, pourquoi ces maladies et quelles sont-elles ?
Ces maladies sont des maladies qui sont liées à des mutation de notre molécule d’ADN, mutations qui sont malheureusement inévitables car liées au processus d’évolution du monde vivant et donc, elles se produiront toujours, elles se sont toujours produites mais on peut essayer bien entendu quand même d’alléger la souffrance de ceux qui en sont atteints.
Combien y a-t-il de maladies génétiques ? Eh bien, il y en a probablement 5 000. On en découvre tous les jours de nouvelles, sachant qu’à la fin, on a environ 21 000 gènes et que donc on pourrait imaginer qu’on va pouvoir encore en découvrir un certain nombre. Et ces 5 000 maladies touchent au moins 1 % de la population mondiale, ce qui fait que chaque maladie est très rare mais toutes ensemble, elles ne sont pas si rares que ça.
Les mutations sont des changements brusques et définitifs, ce qui veut dire que quand le code génétique est changé, eh bien la personne qui a ce changement, cette mutation, va forcément transmettre cette mutation à ses descendants. Ceci dit, il y a un jour où cette mutation se produit chez quelqu’un donc ça ne veut pas dire que toujours elle a été transmise par les parents. Il y a des gens qui ont ce qu’on appelle des « mutations fraîches » qui se sont produites chez eux mais après, elles vont se transmettre.
Comment se transmettent ces mutations ? En fait, il y a deux grands modèles. Le premier modèle, c’est les mutations dites « récessives », le deuxième modèle étant le modèle des mutations dites « dominantes ». Le modèle récessif est le plus fréquent. Dans une mutation récessive, qu’est-ce qu’il se passe ? Il y a en fait en chacun de nous, pour chaque caractère, deux gènes : un qui vient du père et un qui vient de la mère. Et donc nous sommes amenés à être le résultat de cette combinaison des gènes transmis par notre mère et par notre père.
On va faire un petit tableau de transmission, tout simple. On va mettre ici l’ovule maternel et ici, on va mettre le spermatozoïde et on va prendre un caractère au hasard, qu’on va appeler « A » quand il est normal et qu’on va mettre en rouge quand il a une mutation anormale. Imaginons qu’une femme ait donc dans un de ses ovules une mutation pour un caractère et que son conjoint a également un gène « A » tout à fait normal et par malchance, un gène « a » rouge avec la mutation. Eh bien ce couple-là, qui va très bien parce que la mutation est récessive, c'est-à-dire que le « A » suffit à assurer la fabrication de la protéine nécessaire donc peu importe qu’il y ait un « a », peut avoir quatre types d’enfants. Des enfants « AA » ou des enfants qui auront en réalité un « A » et un « a » et puis ils auront également la possibilité, malheureusement, d’avoir des enfants qui seront « aa » et ceux-là seront malades parce qu’ils n’ont pas de « A » pour compenser et donc la protéine ne sera pas fabriquée ou la protéine fabriquée sera très anormale et ne remplira pas sa fonction. Et de ce fait-là, la maladie sera visible soit à la naissance, soit plus tard dans la vie si c’est un enzyme parce qu’il faudra un certain temps pour que les dégâts faits par l’absence de cette enzyme par exemple, soient visibles.
Donc ces maladies récessives sont surtout vues dans les populations qui sont assez consanguines puisque la probabilité que deux personnes aient la même mutation, sachant que les mutations sont rares et se font au hasard n’importe où dans le génome, cette probabilité de rencontre est faible quand on se marie avec n’importe qui pas par parenté, pas la même population, pas le même village. En revanche, quand on est dans des tous petits groupes humains, ces maladies sont assez fréquentes.
Le deuxième modèle, c’est le modèle dominant. Là, c’est complètement différent. Dans le modèle dominant, la mutation est tellement forte qu’à elle toute seule, elle produit les dégâts. Et donc peu importe qu’il y ait de l’autre côté un gène normal, de toute façon, dès qu’on a cette mutation, on est malade. L’exemple, c’est par exemple l’achondroplasie qui est un nanisme qui est assez visible dans la population parce que c’est... il a une fréquence de survenue de mutation fraîche qui est élevée. Donc dans ce modèle-là, si on redessine le même tableau, on a également quatre possibilités, sauf qu’en fait, il n’y a que deux types d’enfants qui vont être produits. Donc imaginons que ce soit la maman qui a dans ses ovules un gène dominant mais qui est anormal, donc je le mets en rouge, et puis un gène, le gène normal, qui lui malheureusement, n’arrive pas à compenser. Et puis, dans les spermatozoïdes, il va y avoir deux gènes normaux « a » et « a » bleus qui vont parfaitement fonctionner chez l’homme et quand on va regarder les enfants, on va voir que ce couple-là peut n’avoir que deux types d’enfants, soit des enfants atteints comme leur maman, puisque le gène « A » est dominant, soit des enfants strictement normaux. Et comme les enfants seront strictement normaux, ils n’auront aucune chance de transmettre la maladie à leurs propres enfants. Et donc dans ce cas-là, on voit que c’est une transmission verticale dans les familles et quand on dessine des arbres généalogiques, - on va mettre des carrés pour les garçons et des ronds pour les filles - s’ils ont trois enfants par exemple, imaginons, on verra un arbre généalogique où le père ou la mère - on l’avait dessinée là, c’était la mère - a la maladie et puis il y a un de ses enfants qui a la maladie. Donc c’est une transmission verticale. Et donc là, c’est évident pour tout le monde qu’il s’agit bien de génétique. Tandis que dans ce modèle-là que j’ai dessiné tout à l’heure, on est dans me modèle récessif et à ce moment-là, les parents n’ont absolument aucune anomalie donc c’est un couple qui semble très bien se porter, qui n’a aucune raison de s’inquiéter et qui pourtant peut avoir plusieurs enfants atteints de la même affection du fait du hasard et on a donc des histoires familiales avec par exemple deux enfants atteints. C’est par exemple le modèle de la mucoviscidose.
Donc en-dehors de ces deux grands modèles, il y a un troisième modèle qui est lié au fait qu’il y a des mutations qui sont portées par le chromosome X, qui est le chromosome sexuel, qui donc vont avoir un effet différent selon que la mutation est chez l’homme ou chez la femme parce que l’homme et la femme ne transmettent pas de la même façon à leurs enfants leurs chromosomes sexuels, l’homme transmettant l’Y et la femme son X. Et donc... mais dans les mutations liées à l’X, sur le chromosome X, ces mutations sont soient dominantes soit récessives donc en fait, ça revient à un modèle comme ça. Mais dans le modèle lié à l’X, ce sont les mamans qui généralement transmettent la maladie puisque les mutations sont sur le chromosome X et ce sont les garçons qui sont atteints parce qu’ils n’ont qu’un X et donc ils n’ont pas le deuxième X pour compenser donc même si la mutation est récessive, malheureusement, les garçons sont atteints. Ça, c’est la myopathie de Duchenne.
Donc la transmission des maladies est variable d’une maladie à l’autre. Il y a beaucoup de complexité derrière tout ça car il y a encore d’autres modes plus mineurs de transmission. Donc quand on a une maladie génétique dans sa famille, la sagesse, c’est d’aller en discuter avec un généticien qui expliquera les possibilités de traitement, les possibilités de diagnostic prénatal, les possibilités de transmission aux autres... des autres membres de la famille et donc clarifiera toute cette complexité pour le bien de chacun.