À sa naissance, Opale n'entendait pas, mais depuis quelques mois, l'ouïe lui est revenue. Elle est atteinte d'une forme de surdité liée à la mutation du gène OTOF. Cette mutation perturbe la production d'une protéine, l'otoferline, qui est essentielle à l'audition. Sans elle, les signaux nerveux de l'oreille interne ne peuvent pas atteindre le cerveau et en conséquence, impossible d'entendre. Mais grâce à un essai clinique de thérapie génique mené à l’hôpital Addenbrooke's au Royaume Uni la production d’otoferline a pu être restaurée chez Opale. Cette avancée n’aurait pas eu lieu sans des travaux préalables publiés en 2019 et réalisés par une équipe internationale de chercheurs montrant que des souris sourdes dues à l'absence de la protéine otoferline récupéraient l'ouïe grâce à une injection dans l'oreille interne d'une version fonctionnelle du gène OTOF.
- Le gène, on l'avait découvert à Pasteur en 1999. Et donc on a identifié le gène, on l'a caractérisé, on a fabriqué une souris modèle pour comprendre la pathologie de la surdité parce que chez l'homme, l'oreille est inaccessible. Dans l'imagerie de de l'oreille, la résolution est assez pauvre. On ne peut pas deviner quelle partie de l'oreille est atteinte. Donc, c'est comme ça qu'on a fabriqué une souris modèle pour pouvoir avoir accès vraiment à l'organe, le regarder sous toutes les facettes en microscopie optique ou électronique, même en biophysique. Et donc on a réalisé qu'avec la mutation, c'est comme si l'oreille était congelée : tous les acteurs sont là mais il n'y a pas de communication électrique entre le cerveau et l'oreille. Et donc ça, c'était encourageant puisqu'il n'y avait pas de dommage structurel des cellules de l'oreille interne. Elles sont là, il faut juste rajouter le gène manquant qui est l'otoferline. Imaginons que notre génome est comme un livre. Dans un livre, il y a des pages, des paragraphes, des chapitres, des phrases. En génétique maintenant, avec les technologies que nous avons, on peut changer une page, un paragraphe, une phrase et même une lettre. Et donc, dans ce cas là, c'était juste une phrase dans le génome qui était mal écrite. On l'a remplacée par une phrase qui était bien écrite. Et donc la phrase est devenue compréhensible. Les limites de la thérapie génique pour l'oreille ? Il faut que l'organe soit là. Si une mutation aboutit à une malformation des cellules sensorielles auditives, on ne peut pas reconstruire les cellules. Il y a une fenêtre temporelle thérapeutique de laquelle dépendra le résultat de la thérapie. Et aussi, il n'y a pas que l'audition : comprendre la parole, analyser le signal... Quand le cerveau n'a pas été éduqué très tôt à comprendre les paroles, ça, c'est un obstacle à une thérapie efficace. Dans le domaine de l'audition, on a beaucoup de retard à rattraper, par rapport aux autres organes, comme les maladies métaboliques, ou même la vision. L'oreille, c'est un organe très performant, très compliqué. Il transforme un signal mécanique, c'est à dire l'onde sonore en un signal électrique qui est transmis au cerveau pour analyser, pour pouvoir comprendre ce que je vous dis. Ça, c'était très compliqué à établir par rapport à d'autres domaines. Et là, je pense qu'on arrive à un stade où l'on a quand même cerné pas mal des problèmes liés à la surdité acquise ou génétique. Je pense que la thérapie génique va, dans les années à venir, être proposée comme une option de traitement à côté d'autres traitements médicamenteux. Maintenant, on montre qu'elle peut fonctionner. Vu le succès de ces thérapeutiques, on a maintenant des industriels qui franchissent le pas alors qu'avant ils étaient hésitants, et nos tutelles aussi, l'Inserm, l'Institut Pasteur... Ils commencent à voir la thérapie génique pour la surdité comme quelque chose de possible. Et évidemment, dans le futur, elle va se développer d'une manière importante.