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Le Mayflower 400, bateau autonome, vogue au large de Plymouth, le 27 avril 2021 © AFP Ben Stansall

Voguant dans la baie de Plymouth, au sud-ouest de l’Angleterre, le Mayflower 400, premier navire intelligent, coupe ses moteurs et active un hydrophone, conçu pour écouter les baleines. Le tout sans aucune intervention humaine. Capable de prendre des décisions et de naviguer en totale autonomie, ce petit trimaran de quinze mètres de long et pesant neuf tonnes, couvert de panneaux solaires, se prépare à traverser l’océan Atlantique seul. Il pourra étudier l’environnement en analysant la présence de plastique dans l’eau ou en traquant les mammifères marins.

L’océan « est la force la plus puissante de la planète en jeu dans le climat », explique à l’AFP Brett Phaneuf, fondateur de l’association ProMare et architecte du projet. Mais plus de 80 % des océans restent inexplorés, en raison de leur immensité et des dangers encourus. « La mer est un environnement impitoyable, donc avoir un bateau sans personne à bord, cela permet vraiment aux scientifiques d’élargir la zone d’étude », souligne Rosie Lickorish, spécialiste des technologies émergentes chez IBM, l’un des partenaires qui ont rejoint le projet depuis ses débuts, il y a quatre ans. 

Lorsque l’idée a émergé, « d’autres fournisseurs de technologie ont commencé à nous aider », raconte Brett Phaneuf, ainsi que plusieurs « centaines » de personnes de l’Inde aux États-Unis, en passant par le Japon ou la Suisse.

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Brett Phaneuf, à l’origine du projet de navire autonome, le 27 avril 2021 au port de Plymouth © AFP Ben Stansall

Sans cet « effort mondial », le projet « aurait coûté des dizaines de millions » de dollars au lieu « d’un peu moins d’un million de dollars » investis au final par ProMare, qui mettra gratuitement à disposition les informations récoltées. Le grand départ vers les Etats-Unis est prévu aux alentours du 15 mai, en fonction de la météo et de l’autorisation, pour l’instant incertaine, des autorités britanniques. 

Le bateau devrait mettre environ trois semaines pour atteindre un autre Plymouth, dans le Massachusetts, reproduisant la traversée du Mayflower originel il y a plus de 400 ans, en 1620, lorsqu’une centaine de pèlerins, des dissidents religieux anglais, étaient partis pour le Nouveau Monde. 

Mais pour ce futur voyage, qui a été retardé par la pandémie, « personne ne tombera malade » et « on pourra prendre tout le temps qu’on veut pour les expériences scientifiques », précise M. Phaneuf sur le port anglais. À ses côtés, assis sur les quais, trois informaticiens contrôlent les équipements depuis leurs ordinateurs tandis qu’une étudiante ingénieur de 21 ans, Meirwen Jenking-Rees, vérifie les moteurs avant un entraînement.

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Le navire Mayflower 400 vogue au large de Plymouth, le 27 avril 2021 © AFP Ben Stansall

La construction du trimaran, entièrement robotisé – du gouvernail au groupe électrogène diesel qui complète l’énergie solaire – a pris un an. Le développement de son « capitaine virtuel », une intelligence artificielle qui a commencé par apprendre à identifier les obstacles maritimes en analysant des milliers de photographies, a pris encore plus de temps. Les programmeurs ont également appris au Mayflower 400 à éviter les collisions. 

Forte de ces connaissances, l’embarcation est partie en mer pour un apprentissage dit « supervisé » : « On peut lui dire quelles sont ses bonnes et ses mauvaises actions, ce qui est dangereux ou non », explique Ollie Thompson, ingénieur en robotique. Puis « on passe au stade où le bateau est capable de se corriger lui-même », c’est-à-dire de « penser » grâce à un système informatique qui simule la manière dont un cerveau humain analyse les informations. « Il continue d’apprendre par lui-même », en utilisant ses « yeux », un système sophistiqué de six caméras, et ses « oreilles », c’est-à-dire son radar, ajoute M. Thompson.

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L’ingénieur Meirwen Jenking-Rees sur le trimaran Mayflower 400 lors d’essais au port de Plymouth le 27 avril 2021 © AFP Ben Stansall

Cependant, en raison des règlementations sur la navigation sans personne à bord, qui est inédite, le Mayflower 400 n’a pas encore pu « sortir sur une mer agitée, avec de grosses vagues, du vent, de la pluie », soit le « pire scénario », celui d’une violente tempête, regrette Meirwen Jenking-Rees. À la place, le trimaran s’est entraîné à affronter des vagues de 50 mètres à l’aide d’un simulateur. 

Il utilisera son intelligence artificielle pour mener des expériences scientifiques, explique Rosie Lickorish. Il a par exemple « été entraîné à l’aide de milliers d’heures d’enregistrement audio (…) à détecter les mammifères marins, les reconnaître et nous apprendre des choses sur la répartition de leurs populations ». 

Analyser la composition chimique de l’eau, mesurer le niveau de la mer et prélever des échantillons à la recherche de micro-plastiques figurent parmi ses autres missions, une collecte de données similaire à celle que font des robots dans l’espace depuis des décennies. 

Malgré son autonomie totale, l’équipe surveillera le bateau 24 heures sur 24 depuis l’Angleterre, prête à intervenir à distance en cas de danger.