Depuis sa découverte, la grotte Chauvet était fermée au public pour en conserver les trésors. Les chercheurs eux-mêmes se limitent à un réseau de passerelles éloignées des dessins. D'où l'importance de réaliser une copie informatique de la cavité, appelée modèle 3D. Conçu en 2010 et 2011, cet outil 3D est le fruit d'un long travail.
- En 1997, j'ai fait les premières visites avec Jean-Marie Chauvet, pour faire les premières acquisitions de données, pour effectuer les premiers plans topographiques. L'outil 3D va servir à construire le fac-similé de la grotte Chauvet-Pont d'Arc, prévu pour 2014. Une réplique qui permettra au public de découvrir enfin les principaux panneaux ornés. La réalisation du modèle 3D débute par l'enregistrement du volume des parois grâce à un appareil scanner.
- Le scanner a une capacité de réflexion sur les parois. Il renvoie une information tridimensionnelle : x, y, z. En plus, il y a une possibilité de capture de la luminescence, du retour d'information de lumière sur le support en fonction de sa couleur et sa nature. Résultat de cette acquisition : un nuage de 16 milliards de points, avec leurs coordonnées spatiales. Un nuage qui restitue au millimètre près tous les volumes de la cavité. De retour au laboratoire, ces données sont traitées pour aboutir à l'outil 3D. Un traitement qui nécessite des milliers d'heures de travail et de calcul. Première étape : la triangulation, qui consiste à relier les millions de points entre eux. Puis ces segments sont assemblés à leur tour pour former une surface continue. Dernière étape : superposer sur cette peau informatique les 6 000 photos en haute définition prises dans la grotte. L'outil 3D obtenu est une copie informatique parfaite de la paroi que l'on manipule à volonté. En l'éclairant, par exemple, pour faire ressortir certains détails. Autre avantage, on peut étudier les peintures sur le modèle 3D encore mieux que dans la grotte.
- On va pouvoir mesurer les distances sur les peintures, chose qui est totalement interdite dans la grotte Chauvet, de manière à obtenir la taille de chacun des animaux. Ce rhinocéros, de la corne à la queue, fait 87 centimètres.
- On est dans une réalité informatique. Tous les outils vous permettent de tourner autour du modèle, de rentrer dans le modèle, de s'approcher des parois. La qualité photographique donne des informations sur la puissance de la couleur, la qualité des dessins, toute l'organisation de la grotte. Il y a 36 000 ans, les reliefs et éclairages intimistes de la grotte Chauvet ont inspiré les Michel-Ange de la préhistoire. Aujourd'hui, la 3D ressuscite leurs chefs d'œuvre et ouvre une ère nouvelle pour la recherche.
- Le gros avantage de la 3D, c'est aussi de pouvoir illustrer et imager ce qui se passe quand on est dans une grotte, c'est-à-dire qu'on est porteur de lumière, on crée les formes en jouant avec les éclairages. On va pouvoir à nouveau le faire de manière expérimentale. Et surtout, on n'est pas obligé de le faire in situ. On peut le faire devant son ordinateur, en laboratoire, avec d'autres types d'outils extrêmement adaptés. On va mettre en évidence au mieux les œuvres. Vraiment, j'insiste beaucoup : c'est ne plus avoir la contrainte du temps et de la pénétration dans le site, avec le problème de pollution dans des sites avec des problèmes de conservation, qui sont très fragiles. Pouvoir travailler autant qu'on veut, en labo, avec des outils numériques, c'est une autre ère qui s'ouvre devant les archéologues.
- L'image est susceptible de transmettre une émotion. C'est un des paramètres majeurs. Elle va nous permettre de voir et de ressentir. Étant donné qu'elles sont en trois dimensions, elles recréent la réalité. Ça a un très grand intérêt pour faire avancer la recherche. C'est ce qui m'intéresse le plus, bien entendu, pour mieux comprendre, et également pour mieux transmettre, donc vis-à-vis du public. Les gens qui ne peuvent pas entrer dans cette grotte ont le droit de la voir. Et évidemment, la technique 3D est la meilleure puisqu'elle rend la réalité dans sa complexité.