Jusque dans les postes électriques, chasser le gaz réchauffant
Publié le - par Le Blob.fr, avec l'AFP
Le SF6 n'est pas le plus connu de tous et pourtant c'est un gaz à effet de serre ultra réchauffant, que les équipementiers électriques tentent désormais d'éliminer des postes d'électricité, où partout dans le monde il faisait - presque - merveille depuis 50 ans.
Au centre de R&D de Schneider Electric, à Grenoble, le sourire est de mise : les ingénieurs ont mis au point un substitut et ce printemps voit le lancement d'une gamme de postes sans hexafluorure de soufre (SF6). « C'est dix ans de travail et une rupture technologique », estime Christophe Prévé, responsable de ces recherches. Alors par quoi remplacer ce gaz ? Par de l'air, comprimé à un niveau précis, répond Schneider.
L'objectif n'est pas anodin : le SF6, visé dès 1997 par le Protocole de Kyoto sur le climat, a un potentiel de réchauffement 23 000 fois supérieur à celui du CO2 et reste dans l'atmosphère jusqu'à 3 000 ans. C'est le plus puissant des gaz à effet de serre, même s'il en représente une petite part.
Pour son pouvoir isolant, il sert par exemple dans la production de magnésium et s'est un temps retrouvé dans les doubles vitrages ou des semelles de baskets. Pas besoin de lui dans les disjoncteurs de particuliers. Mais dans les appareillages de moyenne tension, qui livrent l'électricité aux immeubles, hôpitaux, sites industriels et autres aéroports, le SF6 sert d'isolant essentiel à la sécurité : quand le courant doit être coupé, il permet d'éviter les arcs électriques. Sa présence permet de réduire la distance entre les phases et donc de miniaturiser les postes.
Mais le SF6 peut fuir, à sa production en usine chimique ou du poste électrique quand la cuve, dans laquelle il est enfermé avec les phases, montre une défaut d'étanchéité. Surtout, il peut finir dans la nature une fois le poste au rebut, s'il n'est pas pris en charge et traité.
Réglementations en vue
« Pour tout électro-technicien, le SF6 était fantastique de par ses propriétés », note Philippe Sauer, directeur Power systems France de Schneider. « Mais il faut s'en affranchir. Aujourd'hui c'est pour nous un devoir de proposer des équipements les plus verts possibles ». Et l'enjeu ne peut que croître avec la transition énergétique, qui annonce un boom de l'électricité, avec une demande accrue (transports, chauffage...) et une montée des renouvelables.
Chez tous les industriels, la course au sans-SF6 est lancée depuis des années. A Grenoble, le laboratoire flambant neuf d'essais moyenne tension, construit sur le site historique de Merlin Gerin, ancêtre de Schneider Electric, a été le théâtre d'innombrables tests : résistance des matériaux à la corrosion ou aux chocs, impacts de la foudre...
Et in fine, ce fut la solution de l'air, couplé à de petites ampoules de céramique à vide où la déconnexion peut se faire à grande vitesse, le tout encapsulé dans une cuve de quelques dizaines de centimètres dont le volume reste similaire aux anciens modèles. Car il fallait que ni la taille du poste ni son mode d'emploi ne changent pour le rendre acceptable, note l'industriel.
Ce sera pour le client un surcoût de quelques milliers d'euros (pour un poste d'une durée de vie de 30-40 ans, dont le coût total n'est pas précisé). Alors le sans-SF6 convaincra-t-il ? « Il y a les arguments environnementaux et en terme d'image » pour l'acheteur, souligne M. Sauer. « Mais aussi à partir du moment où des solutions technologiques existent, il y aura plus de contraintes réglementaires, voire un jour un bannissement » du SF6.
GreenAlp, le distributeur d'électricité de Grenoble, teste l'équipement depuis fin 2019.
« C'est le sens de l'histoire », dit Sébastien Julien, de GreenAlp. « Et la présence de SF6 est une contrainte technique et financière : il y a toujours un risque de fuite, on doit apprendre à manipuler, recycler... »
La Californie veut interdire le SF6 dans les équipements moyenne tension en 2025. L'UE pourrait prochainement renforcer son règlement sur les gaz fluorés. A cette fin, un rapport de la Commission publié fin 2020 note que les alternatives au SF6 émergent du côté des industriels, pour un coût additionnel de 5% à 30%. Du fait du surcoût, note-t-il, « des mesures réglementaires seront sans doute nécessaires pour impulser la transition ».