En Irak, l'agonie du Tigre, son fleuve phare asséché par le chamboulement climatique
Publié le - par LeBlob.fr, avec l'AFP
Il a arrosé le jardin d’Eden, irrigué Sumer et abreuvé Babylone. Mais dans l’Irak d’aujourd’hui, le Tigre se meurt. Entre activité humaine et chamboulement climatique, l’agonie du fleuve menace d’emporter la vie qui s’y est implantée il y a des milliers d’années.
Considéré par l’ONU comme un des cinq pays les plus exposés aux conséquences du changement climatique, l’Irak ne compte plus les maux qui l’accablent : températures en hausse, désertification galopante, précipitations en baisse, tempêtes de sable qui s’enchaînent, recouvrant le pays d’une fine pellicule orange.
Et le Tigre, qui traverse l’Irak sur 1 500 km ? Il ne rugit plus. En raison du manque de pluie et des barrages construits en amont, en Turquie, où il prend sa source.
Un vidéaste de l’AFP a arpenté les rivages du fleuve, de la source au nord à la mer au sud, pour rendre compte du désastre qui oblige les habitants à changer leur mode de vie.
À Fichkhabour, dans le Kurdistan irakien, « depuis deux ou trois ans », note l’agriculteur Pibo Hassan Dolmassa, 41 ans, « l’eau diminue ».
Les statistiques officielles le confirment : le niveau du Tigre, quand il arrive de Turquie, n’est cette année qu’à 35 % de la quantité moyenne qui se déversait en Irak au cours des 100 dernières années.
Bagdad somme régulièrement ses voisins, la Turquie et l’Iran de libérer plus d’eau. Mais les experts dénoncent aussi mauvaise gestion des ressources hydriques et gaspillage d’eau.
Dans la province centrale de Dyala, « on va être contraints d’abandonner l’agriculture et de vendre nos bêtes », dit Abou Mehdi, agriculteur de 42 ans.
Cette année, à cause de la sécheresse, le gouvernement a réduit de moitié les zones cultivées en Irak. Et comme à Diyala, il n’y a pas assez d’eau, Diyala ne cultivera pas.
À Bagdad, cet été, le niveau du Tigre a été si bas que des jeunes jouaient au volley-ball au milieu du fleuve.
C’est la faute aux « dépôts sableux », explique le ministère des Ressources hydriques. N’étant plus charriés vers le sud faute de débit, ces dépôts se sont accumulés au fond du Tigre et le fleuve, où les habitants de la capitale déversent leurs eaux usées, a les plus grandes peines à s’écouler.
À Ras al-Bicha (sud), aux confins de l’Irak, de l’Iran et du Koweït, où le Chatt al-Arab, principal chenal du delta commun au Tigre et à l’Euphrate, se jette dans le Golfe, Molla al-Rached, 65 ans, s’inquiète pour ses palmiers qui « ont soif ».
Avec la baisse du niveau d’eau douce, les eaux de la mer s’engouffrent et remontent dans le Chatt al-Arab s’infiltrant dans les sols désormais salés.
Dans l’extrême sud, pieds nus sur sa barque qu’il pousse à l’aide d’un bâton, Naïm Haddad, 40 ans, rentre d’une journée de pêche sur le Chatt al-Arab.
Comme tous les habitants de Bassora, il s’inquiète aussi de la salinisation du fleuve : des poissons d’eau douce, très prisés, ont déserté le Chatt al-Arab.