VOIX-OFF-1
L’avenir du spatial européen se cacherait-il dans la forêt normande ? C’est ici, dans l’Eure, à Vernon, sur le site d’ArianeGroup, que va s’allumer pour la première fois le moteur Prometheus, un programme de l’ESA dont ArianeGroup est le maître d’œuvre. Ce moteur équipera les futures fusées européennes, étage principal, supérieur ou propulseurs d’appoint. Le premier prototype est en cours d’achèvement… Prometheus a été conçu pour être moins couteux à produire : plus de la moitié du moteur sera construit en impression 3D et il brûlera, non pas de l’hydrogène comme les moteurs actuels d’Ariane, mais du méthane.
Pamela Simontacchi
Le méthane comme ergol cryogénique est beaucoup plus simple à gérer que l’hydrogène qui nécessite de descendre à des températures beaucoup plus faibles. Avec un moteur à méthane, on peut avoir un certain niveau de simplification de l’architecture du design qui va dans ce sens : réduire la masse et réduire les coûts de production.
VOIX-OFF 2
Pour un coût de production 10 fois inférieur à celui du moteur Vulcain 2, qui équipe Ariane 5, Prometheus est - grande nouveauté - réutilisable en plus d’être « low cost ». La réutilisation… c’est-à-dire la récupération d’une partie de la fusée, sa remise en état, puis son re-lancement… intéresse l’Europe, comme le reste des acteurs spatiaux. Le CNES, l’agence spatiale française et ArianeGroup ont initié ArianeWorks, une entité au fonctionnement novateur, chargée de plancher sur la réutilisation dans le domaine des fusées.
Jérôme VILA
C’est une unité originale montée il y a 3 ans, qui fonctionne comme une PME interne et dans laquelle on a retiré certaines frontières organisationnelles : entre ArianeGroup et le CNES, il y a des ingénieurs issus des 2 entités ; et puis autour de nous sont arrivés d’autres partenaires industriels pour dynamiser l’apprentissage de la réutilisation sur les fusées en Europe.
VOIX-OFF :
Qui dit réutilisable, dit flexibilité économique, mais pas forcément bas coût, car l’équation économique n’est pas si simple. Car, il faut un nombre de lancements annuel suffisant. De plus, un lanceur réutilisable perd en performance, puisqu’il doit embarquer du carburant et les équipements pour redescendre et se poser. Cela réduit donc la masse disponible pour les satellites à mettre en orbite. Et ce n’est pas tout…
Jérôme Vila :
A chaque fois que vous réutilisez, vous récupérez du matériel qu’il faut remettre en état et ce n’est pas gratuit. La fusée est un peu plus compliquée donc un peu plus chère qu’une fusée consommable. Donc il y a un curseur qu’il faut ajuster très finement pour que l’équation soit toujours positive. L‘idée est d’amener un accès à l’espace à l’Europe avec l’équation qui est celle d’Ariane depuis le début : servir des missions publiques, scientifiques, militaires, d’environnement, (Copernicus, Galiléo,…) d’amener ce service sociétal tout en s’adossant à un marché commercial qui permet de rendre cela encore moins cher pour le citoyen.
VOIX-OFF 3
Le marché institutionnel, en gros le lancement des satellites scientifiques et militaires, est porté par les États, qui privilégient leur propre lanceur. Le marché commercial, lui, concernent essentiellement les satellites de télécommunications, il est porté par le secteur privé…Et dans ce marché férocement concurrentiel, l’Europe s’active pour rester compétitive. On le voit avec Ariane 6 par exemple, dont ArianeGroup assure la maitrise d’œuvre : les coûts de production ont été réduits de plus de 40% par rapport à Ariane 5, et les coûts d’exploitation optimisés. Ou encore à Kourou, où la base de lancement des anciennes fusées Diamant s’apprête à accueillir des mini-fusées privées… Prometheus entre bien-sûr dans cette dynamique, tout comme Themis, un démonstrateur d’étage de fusée bas cout et réutilisable, utilisant le moteur Prometheus. C’est aussi un programme de l’ESA et dont ArianeGroup est le maître d’œuvre. Et Themis est pour l’heure expérimenté ici à Vernon.
Olivier Gogdet
La réutilisation a plusieurs intérêts : on va essayer de démontrer qu’il y a effectivement un gain économique, notamment si on arrive à refaire voler sans beaucoup d’opération. Il y a un intérêt opérationnel en termes de flexibilité : si une année on veut faire beaucoup plus de lancements, il y a juste à augmenter le nombre de vols par étage. Il n’y a pas à faire une 2e usine qui ne servira qu’une année.
Thémis est un programme itératif où l’on veut aller à des démonstrations très rapidement. On prévoit une démonstration majeure chaque année. On prépare pour 2023 ce qu’on appelle des « up-tests », des vols à faible altitude, une centaine de mètres. L’étape d’après, à partir de 2024 : on va opérer le véhicule en Guyane avec des vols à haute altitude et à grande vitesse et on va commencer les opérations de récupération, à la fois avec une barge en mer mais aussi avec un retour sur la zone au Centre Spatial Guyanais.
VOIX_OFF 4 :
Dans cette nouvelle conquête spatiale, l’Europe veut affirmer sa présence dans le secteur des lanceurs. Et conforter sa souveraineté. Elle réfléchit même désormais aux vols habités, car aujourd’hui, l’Europe reste tributaire des Américains et de Russes pour envoyer des astronautes dans l’espace.