En Allemagne, selon un dicton, tout commence et tout finit autour d’une bonne bière. Le village de Mendig, dans le sud-ouest du pays, n’échappe pas à la règle. Sauf qu’ici, la bière locale est issue d’une brasserie un peu particulière… « la brasserie du volcan ».
Voxpop : « Elle est délicieuse. (homme 1) - Oui, très bonne. (femme 1) - C’est l’une des meilleures qu’on connaisse ! » (homme 1)
Voxpop : « Elle est fraîche, pleine de goût. (homme 2) - Elle est volcanique ? (moi) - Oui, évidemment ! (femme 2) - On se sent fort comme un volcan, ensuite. (homme 2) - Enfin, ça dépend combien on en boit. » (homme 3)
Et les volcans ici ne sont pas que de simples mots sur une devanture. Car nous sommes dans l’Eifel, à proximité de la France, du Luxembourg et de la Belgique. Cette région concentre des dizaines de volcans, de vieux cratères, dont certains ne sont pas considérés comme éteints, mais en sommeil... Et l’un d'entre eux est peut-être même en train de se réveiller… L’accusé, le voici : le Laacher See, le volcan du lac de Laach. Wolfgang Kostka, guide dans la région, connaît bien les 3 km carrés de ce cratère rempli d’eau, qui pour ainsi dire, mijote par endroits.
Son Wolfgang Kostka - Guide touristique : « On peut voir les bulles, si vous regardez par là. Et là dans le coin, vous avez les bulles les plus grosses. Ça veut dire qu’il y a des gaz qui montent du manteau de la Terre. Et ce sont des bulles d’origine volcanique. »
Ici, il y a donc de l'eau dans le gaz... ou plus exactement du gaz dans l'eau. Des émanations toxiques, de dioxyde de carbone, synonymes d’un volcan encore en activité. La question, c’est de savoir s’il va à nouveau entrer en éruption.
Son Wolfgang Kostka - Guide touristique : « On ne sait pas quand ça arrive… Demain ou dans des milliers d’années peut-être… Si on demande aux vulcanologues, ils répondent : « dans les 3 prochaines années, non », et ils font un clin d’œil. »
Problème : une récente étude a jeté le trouble… À partir de données GPS très précises, des géologues ont mis en évidence une déformation anormale du sol de la région. La zone gagne en moyenne 1 mm par an à la verticale comme à l’horizontale : une situation unique dans toute l’Europe. Alors pour mieux comprendre ce qui se passe exactement sous terre, les scientifiques multiplient les mesures. Comme avec cette station, capable depuis quelques années de détecter des séismes très profonds, jusqu’à plus de 40 km sous le sol.
Bernd Schmidt – Sismologue : « Actuellement, c’est assez calme. Durant l’été, on a eu beaucoup. Une bonne trentaine, et dans un laps de temps assez resserré. Ce qui est intéressant avec ces tremblements de terre très profonds, c’est qu’ils ont une signature sismique très différente des séismes de surface. En surface, les vibrations sont beaucoup plus resserrées, car les mouvements de la croûte terrestre sont très saccadés. »
Beaucoup plus étendues, les ondes des tremblements de terre profonds renseignent un peu plus sur la nature des événements qui ont lieu sous Terre.
Bernd Schmidt – Sismologue : « C’est un signal sismique indiquant qu’en profondeur, il y a des éléments fluides, comme du magma, ou des gaz, qui bougent. »
Il semble donc bien que ça bouge dans les sous-sols de l’Eifel... Cette zone intrigue, d’autant qu’on y trouve un vulcanisme particulier. Il ne s’est pas formé au lieu de rencontre de 2 plaques tectoniques. Au contraire, ces volcans, dits intra-plaques, sont dus à l’existence d’un point chaud, c’est-à-dire à une remontée de magma, au beau milieu d’une plaque. La dernière éruption du Laachersee remonte à près de 11000 ans. Les traces sont encore bien visibles, avec un peu partout ces édifices faits de pierre noire, le basalte craché par le volcan. Ou encore, cette impressionnante superposition de couches de cendres de 60 mètres de haut. Le musée local raconte ce cataclysme.
Son Wolfgang Kostka - Guide touristique : « Ici, on est à Mendig, près de Coblence. On a retrouvé des poussières du Laachersee jusqu’en Suède, et au sud, jusqu’en Italie. La quantité crachée était telle qu’ici, autour du cratère, tout a été enseveli sous 20 mètres de pierres en moyenne. Là, vous avez quelques exemples d’éruptions comparables à celle du Laachersee. Vous avez là le Pinatubo, c’était en 1991 ; ou encore l’éruption du Mont Saint-Helens. »
Les vulcanologues estiment que cette éruption explosive a propulsé dans l’air une colonne de cendres de 30 km de haut. Une puissance bien supérieure à celle du Vésuve, qui a enseveli Pompéi dans l’Antiquité. Actuellement, les experts ne croient pas à l’imminence d’une nouvelle éruption, car selon eux, les signaux perceptibles sont trop faibles pour l’instant. Mais un danger n’est pas écarté : celui d’un séisme. La région en subit régulièrement. Le musée de Mendig garde une trace sonore de l’un d’entre eux.
Son Wolfgang Kostka - Guide touristique : « Cela a été enregistré à Heilsberg, près de Cologne. Il y a eu un tremblement de terre de 5,9. Pour notre région, c’est assez fort. On a chaque année 3, 4, 5 tremblements de terre, mais beaucoup moins forts. Moins de 1 ou 2, ça dépend. Mais il y a toujours des tremblements de terre dans notre région, c’est normal. »
Et si pour l’instant, les volcans de l’Eifel restent assoupis… Certains phénomènes géologiques de la région confirment la persistance d’une activité souterraine. À une dizaine de kilomètres du Laachersee, à proximité du Rhin, Christian Stotz fait découvrir tous les jours à ses groupes de visiteurs un phénomène paradoxalement rare ET très régulier : un geyser, qui jaillit toutes les 2 heures.
Sonore Christian Stotz – Guide et géographe : « Vous voyez l’eau jaillir. Elle est très mousseuse. Cela vient du fait que 96% de ce qui sort est du C02, pour seulement 4% d’eau. »
« Pendant longtemps, on a dit que ces sorties de gaz visibles dans l’Eifel étaient le dernier signe d’un volcanisme en train de disparaître. Aujourd’hui, on ne dit plus ça. C’est en réalité un signe du fait que le volcanisme est présent ici. La dernière éruption remonte à près de 11000 ans. Cela peut sembler beaucoup, mais d’un point de vue géologique, c’est à peine un clignement d’œil. »
Ainsi, l’Eifel n’en a peut-être pas terminé avec ses volcans, en particulier avec le Laachersee. Impossible toutefois prédire la date de son éventuel réveil, selon les experts. Mais de nouvelles études ont été lancées. Et si le Laachersee sortait de son sommeil, les dégâts seraient alors considérables, et atteindraient très probablement les pays limitrophes, dont la France… Lors de sa dernière éruption, ses cendres sont allées au-delà de la vallée de la Loire.