Ce travail a livré de nouveaux fossiles. On a pu mieux comprendre l'anatomie des hommes de Jebel Irhoud qui se basait sur plusieurs spécimens trouvés dans les années 60. Là, ils ont trouvé une dizaine de nouveaux restes avec des caractères anatomiques qui permettent de reconnaître l'espèce à laquelle appartiennent ces fossiles. Des caractères classiques qu'on retrouve chez Homo sapiens, en particulier la forme de la mandibule. Une mandibule complète a été trouvée. Sa forme rappelle ce qu'on observe chez Homo sapiens avec la présence d'un menton osseux. L'autre partie anatomique importante, c'est une face. Ils ont trouvé une partie du maxillaire et de la partie de l'os frontal au-dessus des orbites qui ressemblent beaucoup à Homo sapiens. On est les seuls à avoir une petite particularité. C'est une forme discontinue du relief osseux qui est au-dessus de notre œil alors que chez Homo erectus ou d'autres, c'est une grosse barre osseuse. Sur le spécimen qui vient d'être découvert, on retrouve la forme commune d'Homo sapiens avec des reliefs osseux marqués, ce sont des fossiles robustes. Mais il y a une discontinuité, une zone particulière qui est la même que chez Homo sapiens. Une découverte comme celle de Jebel Irhoud nous renseigne sur l'origine très ancienne de notre espèce. Permet-elle de clore les discussions sur les modalités de notre évolution ? J'en suis pas sûr. Certains chercheurs disent encore qu'Homo sapiens est apparu dans différentes régions du monde à partir des autres groupes humains présents dans ces régions-là. Là, visiblement, on remonte dans le temps pour l'Afrique. Ça n'empêchera pas certains de penser qu'en Asie ou aux portes de l'Europe, d'autres populations ont pu donner les Homo sapiens locaux. Ce qui est certain, c'est que l'ensemble des données anatomiques que l'on a prêche plutôt pour une évolution en un point, une apparition d'Homo sapiens en Afrique. Et pas pour une évolution multirégionale. Ces fossiles ne permettront pas de clore le débat, mais ça montre que notre espèce s'ancre loin dans le temps en Afrique et c'est pas le cas ailleurs. Le recul dans le temps de cette découverte et le passage de fossiles de 200 000 ans à des fossiles de plus de 300 000 ans est important, ça change l'échelle de temps que l'on a. Mais il faut relativiser. On avait l'impression que notre espèce datait d'il y a 200 000 ans, mais c'était basé sur peu de fossiles. Deux trouvés qui dataient de 195 000 ans, et un qui datait autour de 160 000 ans. On ne connaissait aucun fossile jusqu'à environ 100 000 ans. L'ancienneté de notre espèce était basée pour la moitié de son histoire par seulement trois fossiles. On vient d'en trouver qui rappellent l'anatomie d'Homo sapiens à 300 000 ans. Ça augmente l'échelle de temps. Mais ça s'inscrit dans un cadre où on avait si peu de données que ça augmente la distance dans le temps sans tout révolutionner. C'était envisageable, la preuve, on les a trouvés.
Réalisation :
Yseult Berger
Production :
Universcience
Année de production :
2017
Durée :
3min35
Accessibilité :
sous-titres français