- Dans cette tour, nous allons recevoir un gaz à décarboner. Et l'objectif, c'est vraiment de séparer d'un côté le gaz sans CO₂ et de l'autre côté le CO₂. Et après le mettre sur une forme dans laquelle il puisse être transporté et stocké par exemple dans la mer du Nord.
L'enjeu est de taille pour l'industriel ArcelorMittal. L'usine sidérurgique de Dunkerque produit chaque jour assez d'acier pour construire 3 tours Eiffel. Une usine comme celle-ci émet chaque année autant de gaz à effet de serre qu'une grande métropole. Soit quelque 12 millions de tonnes. Ce projet pilote de captation de carbone est une des premières expérimentations en France.
- Le procédé DMX est un procédé de captage de CO₂ pour des fumées ou des gaz comme ici dans le cas d'ArcelorMittal. L'objectif, après cette unité, c'est de pouvoir faire des vraies unités industrielles qui vont aider les émetteurs français à capter leur CO₂. Et là, on parle plutôt d'1 million de tonnes de CO₂ capté par an. Le démonstrateur, c'est pour nous une petite unité parce qu'elle permet de capter 0,5 tonne de CO₂ par heure, pour valider le procédé.
C'est une technologie controversée à l'équation économique incertaine qui cherche encore à faire ses preuves. Pourtant, le captage et stockage de CO₂ prend une place croissante dans les politiques climatiques pour atteindre l'objectif de neutralité carbone. La neutralité carbone d'ici à 2050 suppose que les Etats membres de l'Union européenne ne rejettent pas plus de dioxyde de carbone dans l'atmosphère que les puits naturels : forêts, sols, ou les technologies de stockage ne peuvent en absorber. Et ces technologies sont désormais mentionnées dans les rapports de l'Agence Internationale de l'Énergie ou du GIEC. Au regard de l'ampleur de la réduction des émissions de CO₂ à réaliser et de l'échec des politiques de changement de trajectoire. Ici à Dunkerque, la demande est grande. Les 16 millions de tonnes de CO₂ émis sur la zone portuaire représentaient 20 % des émissions industrielles nationales en 2020.
- Concernant le procédé DMX, dans une chaîne qui va du captage jusqu'au transport et au stockage ... Si on fait une analyse du cycle de vie, de toutes les émissions de CO₂ et de tout ce qui est nécessaire pour construire les usines, etc., on a une efficacité globale de 97 %. Une efficacité de 100 %, ça voudrait dire que tout le CO₂ qui est émis serait capté. La mise en place de cet essai industriel est l'aboutissement de 15 ans de recherches sur le procédé DMX basé sur un solvant aminé. L'un des enjeux était de démontrer que ce procédé pouvait fonctionner en continu, 24 heures sur 24.
- Le captage de CO₂ est fait par la mise en contact d'un gaz dans lequel il y a du CO₂ avec un liquide. Le liquide va avoir une forte affinité avec le CO₂ spécifiquement. Et donc, ce liquide-là va transporter le CO₂ jusqu'à une autre colonne dans laquelle, sous l'effet de la température, on va le libérer. Dans le procédé DMX, et dans le projet ici avec ArcelorMittal, l'idée c'était de récupérer par exemple la vapeur qui est utilisée pour générer le solvant sur le site d'ArcelorMittal. Sur ce site, il y a de la chaleur un petit peu partout, de la chaleur fatale qu'on peut transformer en vapeur. Et dans les études qu'on a faites, nous arrivons à récupérer la totalité de la vapeur nécessaire pour une unité industrielle capable de capter 1 million de tonnes. Cette solution permet de conserver le solvant durant 10 ans et devrait permettre de réduire de 30 % les coûts de captage du CO₂ par rapport aux techniques actuelles. On estime aujourd'hui que les usines équipées d'un système de captage de carbone émettraient 80 à 90 % de CO₂ en moins, mais consommeraient 10 à 40 % d'énergie en plus. Les procédés de première génération étaient des procédés qui étaient très consommateurs en énergie. De plus, on a un solvant qui se dégrade fortement en présence d'impuretés. Chaque émetteur a un type de gaz, un type de fumée à traiter. Sur un cimentier ou un incinérateur par exemple, on va plutôt traiter des fumées. Une fumée va avoir des impuretés qui peuvent être responsables de la dégradation du liquide que nous utilisons pour séparer. C'est le cas, par exemple, de l'oxygène, des SOx, des NOx. Le CO₂ que nous produisons ici, il est quasiment à 100 % de pureté, mais il y a quand même quelques petites PPM de contaminants, notamment de l'eau. On peut avoir aussi des petites quantités de composés qui sont déjà dans le gaz de charge. Donc on est à plus de 99 % de pureté. Mais pour un stockage dans la mer du Nord par exemple, les sites de stockage nous exigent d'avoir une pureté qui est très proche de 100 %. Ce qui fait qu'à la suite de l'unité type DMX à l'étape de compression, il faut ajouter des blocs pour enlever davantage ces impuretés, ce qui va avoir à un coût. Réduire le prix est un enjeu de taille puisque le coût total du captage et du stockage du CO₂ varie entre 50 et 150 € la tonne. Au moins la moitié de ce coût est liée au captage. Le projet pilote DMX coûtait 20 millions d'euros, financé aux trois quarts par l'Union européenne. D'ici 30 ans, il faudra créer des milliers de nouvelles unités si l'industrie veut remplir sa part du contrat. Les grands industriels devront ainsi être capables de capter de 4 à 5 milliards de tonnes de gaz à effet de serre.
- Donc il y a toute cette chaîne-là qui est en train de se mettre en place. Ici à Dunkerque, nous sommes dans un endroit idéal parce que très proche de la mer du Nord, très proche des sites de stockage. En fait, si nous voulons que les industriels puissent avoir des unités de captage, le transport et le stockage, toutes ces infrastructures doivent se mettre en place. Et ça donnerait de l'assurance aux émetteurs pour avancer. Si les puits de stockage aujourd'hui en activité se trouvent en mer du Nord, en France, le gouvernement veut aussi développer le stockage sur le sol national et prévoit de reconvertir des puits d'hydrocarbures en puits de carbone. Mais de nombreuses questions demeurent. L'une d'entre elles notamment, que la perspective incertaine de capturer du carbone à grande échelle soit utilisée comme alibi pour continuer d'émettre autant sans réduire les émissions à la source.