AU TABLEAU !
Pascal Bernard
Dès qu'on a un séisme quelque part on peut se demander « à quand le suivant ? » et « est-ce que ce séisme n'a pas été déclenché par un séisme à l'autre bout de la planète il y a un an ? »
Eh bien pour tenter de répondre à ça il faut comprendre ce que – ce que c'est qu'une faille. Une faille en fait c'est une cassure qui est très compliquée, qui en fait se branche, c'est plusieurs cassures qui vont se connecter plus ou moins bien. C'est en fait plutôt un système de failles, un système de fractures dans la croûte terrestre. Et lorsqu'on parle d'un grand séisme, autrement dit une grande magnitude, eh bien on pense à un séisme qui casse une grande faille, et quand on parle d'un petit séisme, eh bien ça casse une petite faille. Et ce que l'on constate, c'est que les grands séismes heureusement sont rares. Les petits séismes sont extrêmement nombreux. Et lorsqu'on compte le nombre de séismes d'une certaine magnitude ou la dépassant, « N », eh bien lorsqu'on passe à la magnitude M+1, eh bien le nombre de séismes est divisé par 10. Et par exemple si on compte le nombre de magnitude 6 en une année à la surface de la planète ou en profondeur, eh bien vous avez à peu près 150 événements sismiques qui dépassent la magnitude 6. Et lorsqu'on passe à la magnitude 7 et plus, vous n'en avez plus que 15, et la magnitude 8, vous n'en avez que 1, voire 2 par an. Et sur 100 ans, vous multipliez par 100 pour avoir la statistique de ces séismes.
Alors comment peut-on expliquer cette décroissance du nombre de séisme avec la magnitude ? Eh bien simplement en constatant que les grands morceaux de faille il y en a pas tant que ça, les petits morceaux de faille il y en a beaucoup et donc les petites magnitudes sont plus fréquentes. Une autre façon de le voir, c'est de faire un modèle plus mécanique et de considérer que cette, cette zone de faille elle est segmentée en blocs, ici, et on va prendre ici des blocs réguliers qui sont posés sur un socle. Ces blocs réguliers représentent la croûte terrestre d'un côté de cette grande faille, et le support, le plan ici représente la croûte terrestre de l'autre côté de ce plan de faille. Et donc vous avez des blocs qui vont représenter donc les deux côtés de la faille. La faille étant représentée par la zone de contact qui est ici. Donc c'est cette segmentation de la faille. Et évidemment pour manipuler le système, pour représenter la tectonique des plaques, donc le grand mouvement qui va finalement produire des séismes, eh bien il faut tirer sur ces blocs. Et comment on tire sur ces blocs ? Eh bien on va simplement tirer avec des petits ressorts ou des petits élastiques, de manière simultanée, avec une grande tige ici, et on va déplacer cette grande tige à vitesse constante. C'est le mouvement de la plaque. Les ressorts c'est l'élasticité des roches dans cette région-là, et puis on doit prendre en compte l'élasticité des roches entre les segments, dans la zone de faille et autour, et donc on met des ressorts ici. Donc pour représenter ce qui va se passer au niveau sismique, on tire dessus et on essaye de voir ce qui se passe. Si les failles ici résistent assez, elles sont assez rugueuses, eh bien il va rien se passer, les ressorts vont s'allonger et rien ne bouge. À un moment donné, eh bien à un moment donné, il y a un des blocs ici qui va glisser tout d'un coup et ça va être un séisme qui va être limité à ce petit segment. Et puis, peut-être 10 secondes plus tard, à l'échelle de la faille peut-être 100 ans plus tard, eh bien ça sera ce segment-là qui va casser. Et puis ensuite ça peut être ce segment-là. Et donc on va avoir une série de petits séismes qui à chaque fois casse un segment. Mais on voit bien que si ce segment-là casse, eh bien dans la foulée, comme il va mettre en compression ce ressort et en dilatation celui-là, finalement, ce sont ces trois patins qui peuvent glisser d'un coup en quelques secondes. Même à l'échelle de la rupture sismique ça peut se produire en quelques secondes et donc ça sera un séisme qui va faire trois patins d'un coup, trois segments d'un coup, et donc une magnitude plus élevée. Mais heureusement, ce qu'on constate avec les patins et ce qu'on voit avec les failles, c'est que les mouvements à deux patins sont rares, les mouvements à trois patins sont encore plus rares. Les mouvements avec quatre patins sont encore plus rares. Et on suit la même loi que pour les séismes, c'est-à-dire cette décroissance en proportionnalité de la magnitude. Et cette loi-là, une loi universelle qui s'appelle la loi Gutenberg Richter, elle est donc valable aussi bien pour les failles que pour les – que pour les patins qui sont ici qui vous expliquent cette bousculade d'une zone à l'autre. Maintenant, si vous avez, dans cette zone-là, une rupture qui fait glisser les trois patins, le patin qui est ici et ici va résister. Par contre dans une zone de faille si vous cassez ces trois segments de faille, eh bien le segment ici peut résister, mais il peut casser peu de temps après. Pourquoi ? Parce qu'elle a été fragilisé par la faille et il va avancer son temps de rupture. Et donc ici on va avoir une rupture tardive qui peut arriver une heure, un mois après. C'est ce qu'on appelle une réplique. Les répliques elles peuvent être là, il peut y avoir ici, ici, sur les petites failles voisines on peut avoir donc des répliques qui vont avoir lieu à cause de cette bousculade, de ce transfert de contraintes qui vont avoir lieu dans les heures voire les mois qui suivent un grand séisme. Alors ces répliques, cette réactivation des failles voisines, d'abord elles sont concentrées dans l'espace, elles sont à une distance qui est de l'ordre de grandeur de la dimension de la faille qui casse (on va pas aller à 10 fois la longueur). Ça reste localisé, heureusement. D'autre part on a une décroissance du nombre de ces répliques au cours du temps. Cette décroissance elle suit ce qu'on appelle la loi d'Omori. C'est-à-dire que le nombre journalier de séismes de forme réplique qui se produisent après un grand séisme, décroît en inverse du temps. Autrement dit, une semaine après le séisme vous avez deux fois plus de séismes que, typiquement, deux semaines après le séisme. Et donc vous avez cette décroissance du nombre de répliques.
Le troisième point important c'est que lorsque vous avez un séisme déclencheur de magnitude M, eh bien que va-t-il générer comme réplique en terme de magnitude ? Eh bien typiquement, il génère un séisme qui aura en gros la magnitude M-1 ou plus. Et puis du coup, il va suivre la loi de Gutenberg Richter donc il va avoir une dizaine de séismes qui vont passer à la magnitude M-2. Et puis une centaine de séismes qui va dépasser la magnitude M-3, etc. Alors par exemple, un magnitude 8, ben typiquement on attend en gros, en moyenne, un séisme de magnitude 7, 10 séismes qui dépassent 6, 100 séismes qui dépassent 5. Donc ça c'est les répliques à laquelle – auxquelles on doit s'attendre dans l'intervalle de temps assez court de quelques jours à quelques mois suivant la taille du séisme, avec cette décroissance en temps. Et puis localisé dans l'espace, pas n'importe où, pas à 1000 km de distance. Si on regarde ceci, en fait et si on considère que la loi de Gutenberg Richter s'applique aussi aux répliques, eh bien on est un petit peu forcé de voir que de temps en temps, eh bien on peut générer un séisme de magnitude M qui sont dix fois plus rares que les séismes de magnitude M-1. Vous divisez par 10, vous avez donc en gros 0,1 séisme statistiquement de magnitude M. Autrement dit, de temps en temps la rupture de ces trois segments va engendrer la rupture des trois segments ou des deux segments voisins, à l'échelle de quelques mois, quelques années. C'est observé dans de nombreux cas, par exemple sur la faille nord-anatolienne ou à San Andreas. Maintenant on a un cas assez particulier, si on remonte encore la loi de Gutenberg Richter, eh bien cette fois-ci on va regarder la possibilité de générer des magnitudes M+1 en réplique. Eh bien effectivement si vous divisez par 10 vous avez encore quelque chose. Alors ces chiffres-là sont évidemment très grossiers mais ça vous donne une idée que 1 séisme de magnitude M peut être le précurseur d'un séisme de magnitude M+1 avec une probabilité qui n'est pas nulle. Ici on est à 1 %, ça peut être à 1 pour mille suivant les cas.
Voilà, donc cette loi Gutenberg Richter qui s'applique à toute la sismicité mondiale s'applique aussi au cas des répliques et permet de prévoir donc ce qu'on peut attendre comme répliques en magnitude, ici avec la loi d'Omori en temps et avec la décroissance des réactions en espace. Tout ça dans des modèles mécaniques finalement assez simples mais évidemment statistiques.