UNIVERSCIENCE
PASCAL BERNARD AU TABLEAU ! EP02
« AU SECOURS, JE COMPRENDS RIEN ! »
PASCAL BERNARD
Alors, quand on voit les effets d’un gros séisme, ses vibrations, ses films dans les immeubles qui bougent, on peut se demander ce qu’il se passe sur la faille et pourquoi on a toutes ces vibrations, comment ça se passe concrètement, pour essayer de prévoir ce qui peut se passer.
Donc, si on prend une zone de faille dans la croûte terrestre, vous avez ici la surface, la profondeur ici, eh bien, la zone de faille qui va casser en premier suite aux tensions continues dans les roches, c’est souvent une zone profonde, soit un peu plus fragile, soit un peu plus tendue, qui va tout d’un coup se mettre à glisser de quelques centimètres à quelques mètres, très rapidement. Évidemment, en glissant, elle va contraindre le petit morceau de faille voisin et elle va induire un glissement qui va rapidement se propager sur une partie de la faille, pour finalement s’arrêter avec une certaine dimension de zone brisée, avec un glissement, ici, qui s’est propagé à une vitesse très grande. La vitesse de propagation de ces ruptures sur la faille, c’est environ 3 km/s, donc extrêmement rapide. Si la faille fait 5 km de long, une petite faille qui peut être cachée en profondeur, on va dire que « L », c’est la longueur de la faille qui casse, si elle fait 5 km, la durée de la rupture à 3 km/s, ça va être typiquement 1 à 2 secondes, disons ici, 1, 5 s. Maintenant, si la faille que l’on regarde fait 50 km de long, ça va mettre 15 s pour casser et si la faille fait 500 km de long, on va mettre 150 s de rupture. Donc déjà, suivant la taille de la faille, la durée de l’origine des vibrations va changer énormément.
Donc un point aussi important, c’est de comprendre que ça, c’est une coupe. Ici, la zone qui démarre, ça s’appelle l’hypocentre et la projection en surface de cette zone où a démarré la rupture s’appelle l’épicentre, quelque chose qui est bien connu dans les manuels scolaires. Et il faut voir ça aussi, il y a trois dimensions. La faille, en fait, est une surface, ce n’est pas une ligne. Et la faille étant une surface, la voici, la rupture va démarré à l’hypocentre, elle va se propager à 3 km/s dans toutes les directions, et donc finalement, la zone de la rupture va croître au cours du temps sur la surface de la faille. Et donc, comme on a dit, une faille de 50 km, c’est typiquement 50 km dans les deux directions, avec une surface ici énorme de 50×50 km2.
Maintenant, une chose très importante, c’est que le glissement qui est ici, donc le déplacement entre ce point-là et ce point-là, qu’on va appeler ΔU, de part et d’autre de la faille, ce glissement est proportionnel à la longueur de la faille qui casse. On a ΔU/L qui est de l’ordre de grandeur d’un millième, voire dix millièmes de la longueur de la faille. Du coup, ça nous conduit à des valeurs de ΔU qu’on peut prédire en moyenne. Ce ΔU qui est ici, pour une faille qui fait 5 km, on va avoir à peu près 25 cm de glissement. Lorsqu’on a une faille qui fait 50 km, dix fois plus longue, le glissement va être dix fois plus grand, donc 2,5 m. Et quand on multiplie la longueur pour arriver à 500 km, on arrive à un glissement de 25 m de part et d’autre de la faille, ce qui est évidemment considérable.
Maintenant, on peut voir ça d’un point de vue énergétique. L’énergie associée à ce relâchement de tension élastique ou de compression élastique, cette énergie, on peut facilement montrer que c’est égal, c’est proportionnel au cube de la longueur, donc au cube de ces quantités-là. Et en gros, si j’appelle M5 l’énergie pour une faille qui fait 5 km... Pardon, E5 l’énergie pour une faille qui fait 5 km de long, eh bien, pour une faille qui fait 50 km de long, dix fois plus, comme c’est le cube qui intervient, j’ai une énergie qui est mille fois plus grande que l’énergie pour la faille de 5 km. Et quand je passe à 500 km, je remultiplie par 1 000 et cette fois-ci, j’ai donc un million de fois plus d’énergie que pour la faille qui fait 5 km.
On a une énergie très, très grande, et pour simplifier un petit peu les mesures de cette énergie ou de ces grandeurs physiques des failles, on prend le logarithme et on définit des magnitudes liées au logarithme de ces quantités-là. On définit comme ça la magnitude qui est proche de celle de Richter. Ici, on aurait un équivalent de magnitude 5, c'est-à-dire un séisme ressenti fortement mais qui ne fait que quelques fissures dans les maisons les plus proches qui sont ici. Magnitude 7 potentiellement très destructeur dans un rayon de 100 km - voyez la taille de la faille - et magnitude 9 parmi les plus gros connus de l’histoire de la sismicité dans le monde. Donc, dans une échelle de 5 à 9, vous avez un million de fois plus d’énergie et des mouvement qui passent de 25 cm sur la faille à 25 m sur la faille.
Donc, maintenant qu’on a un peu établi ce qui se passait globalement, on peut regarder dans le détail. Une fois que ça a cassé, on arrive à finalement, un glissement qui se met en place très rapidement et en se mettant en place, le glissement va générer des vibrations sismiques. Dans les roches, parce que les roches sont élastiques, les vibrations sismiques vont se propager à grande vitesse dans toutes les directions, vers la surface, bien sûr, qui va être atteinte dans quelques secondes, et puis de l’autre côté de la planète. Et donc on peut détecter à l’autre bout du monde les séismes lointains. Les vitesses sismiques, les vitesses de ces ondes typiquement, les ondes les plus rapides, ce sont les ondes « P ». Elles vont environ à 6 km/s. Et donc les ondes « S », deux fois plus lentes, vont à 3 km/s.
Les ondes P, ce sont des ondes de compression donc la roche se comprime et se dilate. Les ondes S, ce sont des ondes de cisaillement, la roche est cisaillée. Ce qui est intéressant, c’est que si vous êtes simplement à 6 km de la faille, lorsque vous êtes à distance de 6 km de la faille, les ondes P vont arriver au bout d’une seconde, les ondes S vont arriver au bout de deux secondes. Donc, ce que vous allez ressentir des vibrations, c’est un mouvement très fort, plutôt vertical pour les ondes P, et puis un mouvement encore plus fort, plutôt horizontal pour les ondes S, mais avec un décalage dans le temps d’une seconde. Maintenant, si vous êtes à 60 km de la faille, vous allez avoir 10 s d’attente avant d’arriver... de voir arriver les ondes P et puis 20 s pour voir arriver les ondes S. Autrement dit, vous êtes d’abord secoué par les ondes P et puis ensuite, 10 s plus tard, vous êtes secoué fortement par les ondes S. Ça, c’est important, parce que ce sont les ondes S qui sont les plus destructrices. Elles ont un mouvement horizontal avec cinq fois plus d’énergie, en gros, que les ondes P. Alors heureusement, à grande distance, les ondes s’atténuent et on a en gros une atténuation de la distance, ce qui permet, disons, d’échapper aux destructions sismiques, dès qu’on est relativement loin de ces failles.
Le seul problème c’est qu’en certains endroits, les ondes qui ont voyagé vont arriver dans les bassins sédimentaires ici, l’onde arrive, et au lieu d’arriver sur un rocher dur, elle va plonger dans un bassin sédimentaire qui est ici et l’onde, en arrivant dans le bassin sédimentaire, va être piégée et va être amplifiée par les résonnances de cette espèce de gélatine constituée par les roches. Et si on compare le mouvement en ce point-là et le mouvement en ce point-là, on peut avoir une différence considérable avec un mouvement assez faible et de courte durée au rocher et au voisinage de ce rocher-là, dans le sédiment, on va avoir un mouvement de beaucoup plus forte amplitude avec des fréquences particulièrement amplifiées et de plus grande durée et on a souvent un facteur 10 d’amplification entre le mouvement dans le bassin et le mouvement au niveau des rochers.
Donc, ce qu’on peut conclure de tout ça, c’est qu’on arrive à avoir des lois d’échelle assez simples, décrivant la physique du phénomène. Connaissant la faille, on peut prédire non seulement ce qui peut se passer, la magnitude que cette faille peut donner, mais aussi le type de vibration et les moments où les ondes vont arriver et secouer les différents bâtiments, et tout ça, ça sert évidemment à construire au mieux.