AU TABLEAU !
Ségolène Aymé
Tout le monde a entendu parler des mutations comme moteur de l’évolution des espèces, mais aussi comme causes des maladies génétiques. Mais en fait, qui sait réellement pourquoi il y a des mutations et quels en sont les mécanismes ?
Les mutations, c’est le prix à payer à l’évolution car c’est grâce à elles qu’il y a eu une diversification du vivant. Et, de ce fait-là, il y a bien des mécanismes qui viennent de notre configuration dans le cosmos et la première source de mutations, ce sont les rayonnements qui sont capables de casser le code de l’ADN, la molécule d’ADN. Et ces rayons cosmiques sont la source numéro 1. Plus on va en altitude, plus on est exposé aux rayons cosmiques.
La deuxième source de cassure de l’ADN, ce sont les rayons telluriques qui viennent des roches, et en particulier des roches qui contiennent des éléments radioactifs, comme le granit qui sont plus mineurs par rapport aux rayons cosmiques, mais qui jouent également un rôle.
Et puis, il y a une troisième catégorie qui est liée à notre destin commun avec beaucoup de virus qui sont incorporés à notre génome. Ce sont les virus qui sont donc partis de notre génome, mais qui ont encore la capacité de changer de place, de sauter - quelque part - et qui peuvent faire des ruptures dans des gènes importants.
Il y a également, malheureusement, les sources artificielles de produits qui sont mutagènes, donc qui changent le code génétique. Les sources artificielles sont liées à notre civilisation dite développée ou industrielle. Donc, vous avez des produits chimiques qui sont des mutagènes et puis, vous avez la radioactivité artificielle dont la radiologie médicale qui a été une très grande source de mutations, certainement dans les générations qui ont été très exposées à cette radio. Maintenant, on fait beaucoup plus attention à ces choses-là. Donc, en fait, il y a toute une diversité de raisons pour penser qu’il y a toujours eu des mutations et qu’il y en aura toujours.
Comment se font-elles et qu’est-ce que la nature a trouvé pour parer à ses mutations ? Eh bien, elles sont toujours liées à des cassures et donc, comme je l’ai dit, il y a des enzymes de réparation et ces enzymes de réparation doivent opérer dans un environnement qui n’est pas toujours facile pour eux, donc ils font des erreurs.
Ces cassures peuvent survenir au niveau du chromosome qui est la structure la plus visible au microscope, qui se voit au moment où les cellules se divisent. Nous avons 23 paires de chromosomes dans l’espèce humaine et il y a 23 chromosomes qui viennent de notre père et 23 chromosomes qui viennent de notre mère. Donc, dans chacune de ces paires de chromosomes, il y a de l’ADN et il y a des chromosomes de toutes tailles, des plus petits, des plus grands. Je vais en dessiner deux différents. Voilà, il y en a qui ressemblent à ça. Disons que ça, c’est un chromosome numéro 1 et ça, ce serait un chromosome numéro 21. Celui-là est trop grand pour un 21. Ce serait un 13, voilà.
Et imaginons qu’un rayon cosmique arrive ici et casse l’ADN de ces chromosomes, comme ça. Et bien, l’enzyme de réparation va tout de suite se mettre en route. Il peut bien réparer, mais il peut aussi faire, et ce n’est pas du tout rare, une erreur en recollant, en fait, le morceau rouge sur le chromosome noir, et donc il y aura un échange de matériels. Et donc, il y aura une zone de rupture qui pourra se trouver en plein milieu d’un gène important ou d’une région qui est une région de contrôle ou de... modificatrice de gènes. Et donc, on aura un chromosome qui aura une structure tout à fait anormale et de la même façon, le pauvre chromosome rouge, lui, aura un petit bout de noir accroché, ce qui posera d’énormes problèmes au moment de la transmission de ces chromosomes à la génération suivante puisque les chromosomes doivent normalement s’appareiller pour se transmettre. Et donc là, ils vont mal se reconnaître et ils vont faire des figures bizarres et s’entrelacer et ça va provoquer d’autres catastrophes. Donc, ça, c’est un mécanisme qui s’appelle la translocation.
Il peut y avoir de la même façon d’autres choses qui sont les inversions et où là, ce n’est plus une cassure, mais deux cassures qui interviennent par exemple ici, voilà. Et ce morceau-là, au lieu de se recoller dans le bon sens, se recolle à l’envers, ça s’appelle donc une inversion. Et les deux points de cassure peuvent être à des endroits qui portaient l’information génétique importante et donc provoquer des dégâts. Les inversions, les translocations touchent, dans l’espèce humaine, à peu près 1 personne sur 500 dans la population et les gens, la plupart du temps, s’en rendent pas compte parce que ça ne provoque pas toujours des dégâts, mais chez certaines personnes évidemment, c’est à l’origine de mutations vraiment délétères.
Ce mécanisme qu’on a vu dans les chromosomes, on peut également le voir au niveau de l’ADN ; l’ADN étant une molécule qui est en double hélice chez les chromosomes, mais si on la déroule, on voit une succession de lettres qui... – G, G, C -, qui est un long ruban qui, à la fin, fait à peu près 1 mètre et il y a en tout 3 milliards de ces lettres.
Si un rayon cosmique casse ce long ruban, eh bien, l’enzyme de réparation va tout de suite faire son travail comme pour les chromosomes, sauf qu’il va faire les mêmes types d’erreurs, donc il peut y avoir, si on fait une cassure à cet endroit-là et à cet endroit-là, eh bien, il peut y avoir une perte d’une lettre du code. Et ceci peut avoir, par exemple, un effet catastrophique parce que les lettres du code, il faut savoir qu’elles sont lues 3 par 3 et chaque triplet code pour un acide aminé qui est un des composants des protéines. Et donc, GAT, ça code pour un deuxième acide aminé, ce serait le numéro 1, ce serait le numéro 2, et celui-là serait le numéro 3.
Mais si j’ai une perte d’une lettre, eh bien, mon code va être lu complètement différemment puisque je vais avoir un nouveau code, qui va être ATC, puis le G est parti, puis j’ai ATGGC. Donc, il va être lu bien pour cet acide aminé-là, et là, j’en ai un, complètement nouveau, qui n’est pas le 2, qui est un autre, qui va être, je sais pas, le 5. Et puis, là, les suivants vont être également faux puisqu’on a décalé la lecture, donc la moindre perte de lettre dans le code peut avoir des effets catastrophiques.
Il y a un autre type de mutations catastrophiques, c’est quand cette transformation d’une lettre du code entraîne la formation d’un codon-stop car à la fin d’un gène, il y a toujours trois lettres qui signifient « arrêt de la fabrication de la protéine » et si c’est ce qui se passe au milieu d’une protéine, eh bien, cette protéine a une forme tout à fait anormale ou même n’est pas fabriquée du tout.
Donc ces mutations au niveau du code de l’ADN viennent des mêmes mécanismes au niveau des chromosomes et elles induisent des variations de notre code. Les variations ne sont pas toujours... toutes les mutations ne sont pas délétères. Il ne faut pas confondre. Il y a des mutations qui peuvent être neutres, n’avoir aucun effet, ou des mutations qui induisent de la variabilité et sont bienvenues parce que c’est comme ça qu’il y a une diversité du vivant et que nous sommes tous différents. Mais il y a également des variations très, très délétères, qui sont à l’origine de maladies qui sont, donc, euh... Voilà, des changements dans le code de l’ADN qui n’ont aucun intérêt du point de vue de l’évolution, sauf à amener vraiment des souffrances chez les gens qui en sont porteurs. Donc les mutations ont des causes multiples, des mécanismes multiples et leurs effets sont très contrastés, parfois favorables, parfois défavorables.