Corinne Fortier
Anthropologue
-La question de la domination masculine est universelle.
Cela a été montré par les anthropologues.
La question du matriarcat n'existe pas.
Toutes les sociétés sont patriarcales : il existe une domination masculine, une domination des hommes sur les femmes et aussi sur les enfants.
Pourquoi il existe cette domination ?
Et à quel niveau social se situe cette domination ?
Elle se situe d'abord au niveau du pouvoir politique, au niveau du pouvoir économique et au niveau du pouvoir religieux, c'est-à-dire toutes ces positions sociales qui sont absolument cruciales dans la société.
Les femmes, par contre, ont été cantonnées au domaine du domestique, de l'"oikos", en grec, au domaine de la maison et des enfants.
Comment s'explique cette domination masculine ?
On pense qu'elle est justement liée à la différence des sexes et, en même temps, au fait que le corps des femmes est le lieu de la reproduction et le lieu où se font les enfants, par la gestation, par l'accouchement, et aussi par la lactation, le fait que l'enfant, pour subsister, a besoin de lait les premières années.
Il est attaché au corps de sa mère.
Le corps des femmes est essentiel pour la reproduction sociale, donc c'est un bien précieux, et les hommes se sont appropriés le contrôle de la sexualité des femmes et de leur reproduction, en les cantonnant à ce domaine, pour pouvoir aussi reproduire la société, tout en contrôlant les sphères qui étaient les plus valorisées socialement.
Claude Lévi-Strauss, anthropologue renommé, qui a créé l'anthropologie en France, a montré que chaque société repose sur l'échange des femmes : il existe comme une sorte de possession de droit des hommes sur les femmes, et les femmes sont des objets qui circulent entre les hommes.
D'une part, à travers le pouvoir que le père a sur sa fille, puisqu'il va décider de la marier à une famille en particulier, la fille, souvent, n'a pas son mot à dire.
Et une fois mariée, la femme est aussi sous l'autorité de son mari.
Donc cette domination masculine s'exerce à une échelle sociale par le fait que dans les sphères politique, religieuse et économique, ce sont les hommes qui ont le pouvoir, et aussi à une échelle intime et conjugale, dans la vie privée, où souvent la femme est soumise et dépend souvent économiquement de la décision de son père, puis de son mari.