Pierre-Henri Gouyon Biologiste Muséum national d'histoire naturelle
-On transmet à ses descendants quelque chose de soi.
Les descendants ont tendance à ressembler plus à leurs parents qu'à des individus pris au hasard.
En même temps, ce ne sont pas des copies conformes.
Ce qu'on sait, c'est qu'on transmet à nos descendants des gènes mais on n'en est pas arrivé là tout de suite.
On a commencé par penser qu'on produisait des descendants en leur donnant un peu de tout ce qu'on était, par des fluides qui se transmettraient et se mélangeraient chez l'enfant de la part des deux parents, à moins que ce ne soit qu'un des parents qui fasse le descendant.
C'est quelque chose qui a été pensé.
On avait tendance à penser que c'était le père qui faisait le descendant.
On le raconte encore.
Il faut arrêter de raconter ce genre d'histoires.
On raconte encore à beaucoup d'enfants aujourd'hui que, pour faire un enfant, le papa met une graine dans le ventre de la maman.
Or la graine, c'est déjà tout ce qu'il faut pour faire l'enfant.
C'est faux, le père ne met pas une graine dans le ventre de la mère.
Ce serait la mère qui fabrique la graine, s'il y avait une graine, après fécondation par le spermatozoïde du père.
Ce n'est pas un seul parent qui produit le descendant.
Ce n'est pas un mélange de fluides.
Il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour qu'on réalise que ce qu'on était, on ne le transmettait pas à ses descendants.
Même si jamais je me coupe un bras, ça ne changera absolument pas le nombre de bras de mes descendants.
Parce que j'ai reçu génétiquement ce qu'il faut pour avoir deux bras.
Même si je perds un bras, je transmettrai cet équipement génétique.
Les individus ne produisent pas d'hérédité, ils transmettent l'hérédité qu'ils ont reçue de leurs parents.
Alors ça a quelque chose de vexant et beaucoup de cultures ont rejeté ça, en particulier dans les pays latins et en France.
Les Français croyaient qu'il y avait hérédité des caractères acquis, donc si je perds un bras, mon enfant n'en aura qu'un.
On a cru ça longtemps, jusqu'au milieu du XXe siècle.
Et donc, ça, c'est faux, globalement.
Enfin, c'est faux absolument s'il s'agit de perdre un bas.
Un étudiant à qui j'ai raconté ça m'a dit : "Ils n'ont pas vu que les enfants de gens à un bras en avaient deux ?" Ils l'ont vu mais il y a une réponse qu'on connaît parce que c'est une autre idiotie de la culture classique.
On dit : "Oui mais ça saute des générations." Il faut aussi proscrire cette phrase, comme la petite graine.
Ça ne saute pas des générations.
On disait : "Ça ressortira quand ton enfant aura lui-même des descendants." Ce n'était pas vérifiable donc on pouvait le raconter.
Nous ne produisons pas d'hérédité, nous ne faisons que transmettre, c'est vexant parce que l'individu n'est plus producteur de ses descendants mais transmetteur de quelque chose.
Les individus sont des espèces de tuyaux amorphes qui transmettent l'information génétique d'une génération à la suivante.
Les gènes auront une influence sur la constitution du descendant et expliqueront la ressemblance avec les parents.
Mais les gènes n'agiront pas tous seuls.
Ils ne sont pas transmis tous seuls mais dans une cellule qui peut contenir une certaine information.
L'environnement jouera aussi.
Donc tout individu est le produit de trois composantes : les gènes qu'il a reçus, la cellule et la mère dans laquelle il a grandi et l'environnement.
Ces trois composantes sont intimement liées pour produire un individu.
On ne peut pas dire qu'un individu est plus ses gènes, plus sa mère ou plus son environnement.