Jean-Paul Moatti
Économiste de la santé Université Aix-Marseille
-Nos concitoyens pensent souvent, et ils n'ont pas tort, qu'il y a des problèmes croissants d'accès aux soins liés à la crise.
Il y a malheureusement, du fait notamment de la crise économique des dernières années, des difficultés croissantes d'accès aux soins que nous n'avions pas connues dans le passé de notre système de santé.
La proportion de Français qui répondent dans les enquêtes qu'ils ont renoncé à des soins pour des raisons financières augmente d'année en année.
Cela concerne essentiellement les parties des soins les moins bien remboursées, les frais dentaires, les lunettes, ce genre de choses.
De même, un certain nombre d'évolutions du système, la généralisation dans certaines spécialités et zones géographiques des dépassements d'honoraires posent des problèmes d'accès aux soins croissants pour une partie des gens.
Mais ce n'est pas, je dirais Dieu merci, la cause principale.
Notre système de sécurité sociale, pour l'instant, reste solidaire des biens portants vers les malades et, dans une certaine mesure, redistribue du revenu des catégories les plus favorisées vers les plus défavorisées.
Ce qui est la source principale des inégalités de santé se passe avant le système de soins, dans un déficit de prévention.
Ça vient, par exemple, du fait que pour le cancer, qui est la pathologie la plus inégalitaire, les personnes de couches populaires, de milieux pauvres, vont arriver avec un diagnostic beaucoup plus tardif, à un stade plus avancé de la maladie.
Donc, même s'ils ont accès à des soins de qualité, comme les autres, ces soins auront moins d'efficacité, parce que le cancer a été pris trop tard ou pas assez tôt.
De la même façon, le système de santé, s'il n'est pas responsable de l'essentiel des inégalités, ne peut pas être dédouané, parce que ce déficit de dépistage, ce déficit de prévention, le système de santé pourrait contribuer plus à le combler.
Nous avons des exemples dans les comparaisons internationales de pays comme la Grande-Bretagne ou les pays scandinaves qui sont plus capables que nous d'orienter leur système de santé, pas seulement pour le soin, mais pour plus de prévention et de dépistage.