Un dispositif non invasif pour réduire les acouphènes
Publié le - par Barbara Vignaux
Les acouphènes, c’est-à-dire la perception de bruits fantômes, affectent des millions de personnes dans le monde. Celles-ci peuvent également éprouver des difficultés de concentration, de la fatigue, de l’anxiété et une réduction générale de la qualité de vie. En France, elles seraient 2 à 4 millions.
À ce jour, aucun médicament ni dispositif médical ne permettent de prendre en charge cette pathologie. Mais une étude parue le 7 octobre dans Science Translational Medicinepourrait leur redonner espoir: elle montre l’efficacité d’un dispositif non invasif recourant à la technique de « neuromodulation bimodale » qui combine des sons avec des stimulations sur la langue par électrode.
Selon un des auteurs de l’étude, Hubert Lim, professeur associé de génie biomédical et d’otolaryngologie à l’université du Minnesota, ce traitement cible un sous-ensemble de cellules du cerveau qui fonctionnent de manière anormale. Grâce à des études menées à la fois sur des humains et des animaux, son équipe avait déjà signalé que la stimulation électrique des neurones sensibles au toucher dans la langue ou sur le visage pouvait activer les neurones du système auditif. L’appariement de ces stimulations avec des sons semble « restructurer » les circuits cérébraux associés aux acouphènes.
La technique développée par Lim et ses collègues vise donc à favoriser l’activation des circuits cérébraux en réponse à des sons différents, afin de « noyer » les bruits fantômes. « D’une certaine manière, vous supprimez les neurones des acouphènes, explique H. Lim, en accroissant l’activité les autres neurones (…). Notre approche consiste à rendre le système auditif beaucoup plus hyperactif à tout… sauf aux acouphènes ».
Pour s’assurer de l’efficacité et de la sécurité de son dispositif, l’équipe a mené une étude exploratoire randomisée en double aveugle auprès de 326 adultes souffrant d’acouphènes chroniques sur deux sites : St. James’s Hospital, en Irlande, et le centre des acouphènes de l’université de Ratisbonne, en Allemagne.
Les participants avaient reçu pour consigne d’utiliser l’appareil soixante minutes par jour durant 12 semaines. L’étude a été financée par Neuromod Devices, une société basée à Dublin, dont H. Lim est le directeur scientifique et qui développe et vend le dispositif.
Résultat : 84 % des participants ont suivi ces prescriptions durant 12 semaines. Ensuite, quelque 80 % d’entre eux ont montré une amélioration des variables psychosociales telles que la capacité à se concentrer ou à dormir, ainsi qu’une diminution des niveaux d’anxiété et de frustration et une meilleure qualité de vie. Chez 77 % du groupe, cette amélioration restait effective un an plus tard.
L’étude, cependant, ne comporte pas de groupe contrôle dans lequel les participants ne recevraient pas de stimulation thérapeutique, ce qui permettrait d’exclure un effet purement placebo. En outre, ce qui est mesuré ici, c’est l’amélioration de la qualité de la vie – et pas le recul des acouphènes. Encourageant, ce premier travail devra donc être complété par d’autres études… financées, si possible, par une autre partie prenante que le vendeur du dispositif !