Tour de France : que sont les cétones, ce « carburant » qui fait parler le peloton ?
Publié le - par le blob avec l'AFP
L’équipe Jumbo reconnaît les utiliser, leurs effets sur la performance et les risques pour la santé font débat : que sont les cétones, qui font parler sur le Tour de France ?
Comment ça marche ?
Les corps cétoniques sont « un substrat naturel produit par le foie à partir de lipides (graisses) quand notre organisme manque de glucides (sucres) », explique Jean-Jacques Menuet, le médecin de l’équipe Arkéa-Samsic. Ce mécanisme peut être provoqué naturellement par une « diète » efficace pour entraîner une perte de poids rapide, mais aussi par l’ingestion de cétones produites hors du corps, poursuit le spécialiste. Ce que des chercheurs d’Oxford en Angleterre sont parvenus à créer il y a plusieurs années, aboutissant à un complément alimentaire, sous forme de flacons contenant un liquide translucide, le plus souvent de couleur jaune, pur ou dilué.
Quel intérêt pour le cycliste pro ?
En plus de permettre une perte de poids si elles sont utilisées pendant l’entraînement, les cétones sont très intéressantes sur le court terme, assurent des médecins d’équipes. « Quand vous faites des efforts à basse intensité, vous utilisez des lipides (graisses), et quand vous faites un gros effort, en roulant à bloc, votre corps utilise plutôt des glucides », développe pour l’AFP Simon Verdonck, le médecin de l’équipe Cofidis. « L’apport de cétones permet de retarder l’utilisation des glucides, de les épargner pour le final de l’étape ». Pour accélérer dans une ultime ascension, par exemple. « C’est un carburant supplémentaire pour le muscle », simplifie Jean-Jacques Menuet.
Qui les utilise ?
Si l’on en parle tant, c’est parce que le manager de l’équipe Jumbo-Visma, victorieuse de quatre des onze premières étapes du Tour, a reconnu leur utilisation dans un article du quotidien néerlandais De Telegraaf. « Les cétones sont un complément alimentaire. Vous pouvez l’utiliser comme des vitamines », a expliqué Richard Plugge. « C’est de la nutrition, c’est un supplément », a évacué mercredi le directeur sportif de l’équipe Frans Maassen, indiquant « ne pas savoir » depuis quand ses coureurs en utilisaient.
« Cela fait environ cinq ans qu’on en entend parler », glisse Simon Verdonck le médecin de Cofidis. « Depuis, beaucoup d’autres équipes se sont mises à en utiliser. Mais nous n’en utilisons pas encore ». « Cela s’est démocratisé », confirme Jean-Jacques Menuet. « Au début, cela coûtait plusieurs milliers d’euros le litre, aujourd’hui on en trouve sur internet pour 30 à 90 euros le flacon ».
Est-ce dangereux ?
Les effets de l’apport de cétones restent mystérieux sur le long terme. « Les études ne sont pas univoques », constate Simon Verdonck. « Cela peut être amené dans le futur à faire partie du cyclisme » mais « pendant que les autres équipes testent, nous, nous préférons regarder les études. Et on verra ». Même son de cloche pour le médecin d’Arkéa-Samsic, qui se refuse à en prescrire. « Je n’ai pas envie de recevoir dans dix ans un courrier d’un coureur me disant qu’il a le foie en vrac », assène Jean-Jacques Menuet. « Si on me prouve que la prise de cétones est totalement inoffensive, peut-être que j’aurai une attitude un peu plus bienveillante et permissive. »
Autre danger selon le spécialiste : étant pour le moment considérées comme des compléments alimentaires, les cétones et leur utilisation échappent parfois aux radars médicaux. « Ce n’est pas parce que le médecin n’en prescrit pas que le coureur ne va pas en prendre », constate-t-il, alertant sur « l’absence de méthodologie » qui peut exister.
Quelle est la position de l’AMA ?
Plusieurs managers d’équipe ont exhorté l’Agence mondiale antidopage (AMA) à s’emparer de la question. « Le garant de l’équité du sport doit réagir très vite, c’est dommageable », a lancé mercredi Vincent Lavenu, patron de l’équipe AG2R-La Mondiale. Pour le moment pourtant, les cétones ne sont pas un produit interdit par l’AMA, qui exige, pour bannir une substance, que deux des trois critères suivants soient remplis : elle doit améliorer les performances, présenter un risque pour la santé et/ou être contraire à l’éthique. Ce qui n’est pas le cas, a précisé l’AMA à l’AFP mercredi.
« Plusieurs études ont montré que les cétones n’avaient pas d’effet sur la performance », s’est-elle justifiée. L’AMA a toutefois indiqué son « inquiétude » par rapport à la « production et labellisation des compléments alimentaires » pouvant mener à la présence, volontaire ou non, de « substances interdites » en leur sein.