Thomas Ebbesen, médaille d’or 2019 du CNRS
Publié le - par le blob, avec l’AFP
Le chercheur franco-norvégien en physico-chimie Thomas Ebbesen, auteur de découvertes pionnières dans le domaine des nanosciences, s’est vu attribuer mercredi la médaille d’or 2019 du CNRS. Cette récompense, l’une des plus hautes distinctions scientifiques françaises, lui sera remise le 24 octobre à Paris.
« Je suis très ému de recevoir cette médaille. Je ne m’y attendais pas du tout », déclare à l’AFP ce professeur, à la tête de l’Institut d’études avancées de l’université de Strasbourg (USIAS), après avoir dirigé l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (ISIS) de Strasbourg de 2005 à 2012. « Cette reconnaissance de la communauté scientifique française me touche beaucoup », poursuit Thomas Ebbesen, né en Norvège il y a 65 ans et qui vient de demander la nationalité française.
Interdisciplinaires, ses travaux en nanosciences couvrent des domaines comme les sciences des matériaux carbonés, l’optique, la nanophotonique (étude de la lumière et de ses interactions avec la matière à des échelles nanométriques) et la chimie moléculaire. Ses découvertes ont notamment permis « des ruptures technologiques en optoélectronique » (conjuguant l’optique et l’électronique) pour les communications optiques et les biocapteurs, souligne le CNRS.
« La lumière est une constante dans ma vie », relève-t-il. Né le 30 janvier 1954 à Oslo, Thomas Ebbesen n’était pas prédestiné à être scientifique. Une mère artiste peintre, un père militaire. En 1960, ce dernier est muté à la délégation norvégienne de l’Otan ; la famille s’installe à Paris. Le petit Thomas aime déjà comprendre comment fonctionnent les choses. À six ans, alors qu’on vient de lui offrir une montre, il s’empresse de la démonter pour voir les mécanismes.
Des petits trous
Après le bac, il s’engage dans la marine marchande norvégienne pour découvrir le monde. Il revient avec l’envie d’étudier et s’inscrit à l’Oberlin College (Ohio), où il peut conjuguer l’étude des arts et des sciences. « J’envisageais d’être photographe ». En fin de compte, c’est la physique conjuguée à la chimie qui séduit l’étudiant. Ainsi qu’une jeune Japonaise, Masako Hayashi, devenue son épouse et la mère de ses deux filles. Diplômé de ce collège américain et de l’université française Pierre et Marie Curie, Thomas Ebbesen obtient un doctorat en photochimie physique en 1980. Après sa thèse, il repart aux États-Unis avant de s’installer au Japon en 1988. Il travaille dans un laboratoire de NEC, le géant de l’électronique, où il dispose de « beaucoup de moyens et de liberté ».
En 1996, Jean-Marie Lehn, prix Nobel de Chimie, le persuade de le rejoindre pour monter un nouvel institut, l’ISIS à Strasbourg. Thomas Ebbesen explique aimer « travailler à la frontière de la connaissance, comme un explorateur découvrirait un nouveau pays ». « Il y a une beauté dans ce qu’on apprend alors ». « J’ai eu la chance de découvrir une nouvelle propriété optique à l’échelle nanométrique » (un nanomètre correspond à un milliardième de mètre).
Tout commence à la fin des années 1980, lorsqu’il s’aperçoit que la lumière parvient à passer à travers de petits trous de taille nanométrique (percés sur une plaque de métal) alors que ceux-ci sont plus petits que la longueur d’onde de la lumière visible. Un peu comme si un homme « essayait de passer par un trou de serrure ». Il lui faudra huit ans de travail pour trouver l’explication de ce phénomène optique, joliment intitulé « la transmission extraordinaire ». « Je suis curieux et persévérant », souligne-t-il. « Mais le plus excitant, c’est ce que je fais actuellement ». Il s’intéresse aux « états hybrides lumière-matière ».
Avec son équipe, il a démontré qu’on peut accélérer et décélérer des réactions chimiques en se servant des fluctuations électromagnétiques d’un résonateur optique. Et qu’on peut sélectionner un produit donné. Le chercheur pense que cette découverte « va avoir un impact très grand ». Par exemple « pour aider à la production de molécules médicamenteuses » et « réduire leur coût de fabrication ». Membre de plusieurs académies, dont l’Académie des sciences française, il a reçu de nombreuses récompenses, notamment le prix Kavli pour les nanosciences en 2014.