Le télescope spatial Euclid dévoile une nouvelle moisson d’images du cosmos
Publié le - par LeBlob.fr, avec l’AFP
L’Agence spatiale européenne (ESA) a dévoilé jeudi la première moisson d’images scientifiques du cosmos prises par le télescope spatial Euclid, qui va observer deux milliards de galaxies sur six ans pour essayer de percer le mystère de l’insaisissable matière noire.
Après son arrivée dans l’espace en juillet dernier, Euclid avait livré en novembre un premier jeu d’images « stupéfiantes », selon les mots du directeur de l’ESA, Josef Aschbacher. Cette fois, elles sont « scientifiquement exploitables », a expliqué le producteur des images et données scientifiques du télescope Jean-Charles Cuillandre, astronome au Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
Car derrière la poignée de photos, produites avec la participation de l’astronome italien Giovanni Anselmi, se trouvent les données des onze millions de sources célestes qui les peuplent. Elles permettront « aux astrophysiciens du monde entier d’en exploiter l’information », à commencer par les signataires des dix articles scientifiques liés aux images et parus ce jeudi. En vedette, l’amas galactique Abell 2390, situé à environ 2,7 milliards d’années-lumière de la Terre. L’image d’Euclid, fruit de seulement trois heures d’observation, y a saisi plus de 50000 galaxies.
Au centre, des arcs lumineux signent la présence de matière noire, d’une masse telle qu’elle dévie la lumière de lointaines galaxies. La matière noire, une catégorie hypothétique de matière censée constituer le quart de l’énergie de l’Univers, est l’objet ultime de la quête d’Euclid. Tout comme l’énergie sombre, qui expliquerait l’expansion de l’Univers.
Justement, Abell 2390 dévoile une pâle lumière dans l’amas galactique. Elle vient d’étoiles éjectées dans les mouvements animant les galaxies, qui finissent par « créer une espèce de nuée qui entoure l’ensemble de l’amas », raconte M. Cuillandre. Pour les astronomes, cette lumière agit comme « une trace » de la matière noire, qui tient ces étoiles solitaires dans ses filets gravitationnels.
Avec la nébuleuse Messier 78, Euclid plonge dans une pouponnière d’étoiles, où des nuages moléculaires, un mélange de gaz et de poussière, « s’écroulent sous leur propre poids ». Typiquement, environ 10% de cette matière se trouve condensée en jeunes étoiles. Une jeunesse qui les rend « très actives, avec une production de vents stellaires qui vont repousser les nuages de la nébuleuse », poursuit l’astronome.
Dans l’image d’Euclid, les zones centrale et supérieure montrent l’achèvement de ce processus avec des étoiles très brillantes au sein de cavités, et leurs vents stellaires qui « ont poli, et repoussé le nuage qui est en train de se retirer ». En bas de la nébuleuse en revanche, « on commence à voir des choses qui s’ouvrent (...) avec des choses brillantes qui essaient de sortir », des étoiles prêtes à surgir après une gestation se comptant en millions d’années.
Euclid peut embrasser la scène en une seule image grâce à son large champ de vue. Contrairement au télescope spatial James Webb, - son voisin à environ 1,5 million de km de la Terre -, qui voit moins large mais plus loin. Démonstration avec un zoom arrière, pour embrasser la vue d’une grande galaxie spirale, NGC 6744, une copie de la nôtre. Les données de l’image vont permettre aux astronomes de compter ses étoiles, mais aussi de cartographier leur distribution ainsi que les nuages de gaz où elles se forment.
Avec Abell 2764, l’observateur file à un milliard d’années-lumière de la Terre, vers une vaste étendue noire percée d’une étoile jaune. L’amas galactique et son halo de matière noire se niche dans le coin supérieur droit. Vu de près, il révèle que « tout le monde interagit avec tout le monde », avec des enveloppes stellaires étendues et des bras de galaxies tendus les uns vers les autres.
Enfin l’image du groupe de la Dorade (ERO), dans la constellation éponyme, illustre cette interaction avec deux galaxies elliptiques « pas très excitantes visuellement » certes, mais dont la relation passée s’expose dans les résidus de leurs bras spiraux qui se frôlent. La photo recèle une surprise. Une petite galaxie naine ronde, bien visible dans une vue de près, traversée par l’équivalent d’un collier de perles. « Je n’ai jamais vu ça », avoue l’astronome.