Don de moelle osseuse : controverse autour de la stratégie française
Publié le - par Le Blob, avec l'AFP
Faut-il recruter plus de donneurs de moelle osseuse en France ? Oui, selon des associations et la Cour des comptes. Mais les autorités sanitaires démentent un manque d'ambition et assurent qu'il n'y aurait aucun intérêt à faire du chiffre en la matière. « Le registre français compte moins de 400.000 donneurs », ont pointé la semaine dernière, dans un communiqué, plusieurs associations de lutte contre les leucémies et d'autres maladies du sang. Cet état de fait entrave « l'accès aux soins de plus de 2.000 malades en attente de greffe », accusent ces associations, regroupées sous le nom France Moelle Espoir.
La moelle osseuse, présente au cœur de nos os, est la substance où sont produites les cellules sanguines, comme les globules rouges. Pour nombre de patients atteints de maladies graves du sang, souvent des enfants, seule une greffe de cette moelle permet d'espérer la survie, voire la guérison.
En France, c'est un organisme public, l'Agence de biomédecine, qui pilote le sujet, comme les autres types de greffes : coeur, rein, cornée... Or, bien plus que ces dernières, les greffes de moelle osseuse sont très complexes à appréhender. Il est en effet extrêmement rare de trouver un donneur compatible avec un patient donné, car leur profil génétique doit très précisément coïncider.
Quand un patient nécessite une greffe, on se tourne donc vers un registre où sont inscrits des personnes qui, un jour, ont accepté le principe de donner leur moelle osseuse. Pour la plupart des inscrits, le téléphone ne sonnera jamais.
Autre grande spécificité, les donneurs sont très largement étrangers. En effet, environ 70 pays mettent en commun leurs registres. Dans ce contexte, une question est au cœur des désaccords entre associations et autorités sanitaires : est-ce problématique de ne disposer que de quelques centaines de milliers de donneurs français, quand d'autres pays comme l'Allemagne en proposent des millions ?
Oui, d'après les premières, qui disent avoir saisi la Défenseure des droits. Appelant en outre à la démission de la directrice générale de l'Agence, Marine Jeantet, elles s'appuient sur un récent rapport de la Cour des comptes, très critique quant aux résultats obtenus par l'Agence en la matière.
Mais pour l'Agence, c'est mal poser le problème. Elle revendique de ne pas faire du nombre, mais plutôt de chercher à diversifier les profils des donneurs pour augmenter les chances de compatibilité.
Chercher à faire bondir à l'aveugle le nombre de donneurs serait donc coûteux et contre-productif, comme l'a affirmé Mme Jeantet lors d'une audition au Sénat. « Doubler la taille de notre registre, pour le porter de 400.000 à 800.000 donneurs, coûterait a minima 100 millions d'euros (et) ne garantit pas que l'on pourra répondre aux besoins de tous les patients français », a-t-elle détaillé. Mais ce chiffrage étant toutefois contesté par les associations.
Reste que la controverse ne touche pas que le nombre de donneurs. La Cour des comptes et les associations reprochent aussi à l'Agence de biomédecine de ne pas avoir assez diversifié le registre français, malgré les efforts qu'elle revendique sur ce plan.
L'Agence estime que les patients français ne seront pas impactés. Car, ils ont accès à plus de quarante millions de donneurs via les registres internationaux.
Mais ce point de vue est contesté par les associations, qui estiment que c'est bien en France que certains patients ont le plus de chance de trouver un donneur qui leur corresponde.
« Les patients d’origine antillaise, ultramarine, nord-africaine, africaine ou asiatique ne peuvent espérer trouver des donneurs dans les grands registres internationaux où ces populations sont peu représentées », estiment-elles dans leur communiqué.