La rougeole entraîne une « amnésie immunitaire » chez les personnes non vaccinées
Publié le - par Anaïs Poncet
La rougeole a des conséquences désastreuses sur notre système immunitaire. Nous savions déjà que cette maladie affaiblit notre immunité durablement et nous rend vulnérables à d’autres pathogènes, viraux ou bactériens. Deux équipes, américaines et anglaises, viennent de révéler les causes de cette vulnérabilité : l’infection entrainerait une sorte d’amnésie du système immunitaire !
Pour cette étude, 77 enfants âgés de 4 à 17 ans, jamais atteints de rougeole et non vaccinés, ont été suivis. Les chercheurs se sont intéressés aux répertoires d’anticorps de ces enfants avant et après l’infection par la rougeole. Pour rappel, les anticorps sont les molécules capables de détecter et neutraliser les agents pathogènes de manière spécifique. Ils sont présents à la surface des lymphocytes B ou sécrétés par ces derniers.
À Cambridge, au Royaume-Uni, Velislava Petrova et son équipe ont mis en évidence deux phénomènes à l’origine de cette immunosuppression post-rougeole. Le premier correspond à la diminution des réserves de lymphocytes B naïfs, ces cellules qui se spécialisent en lymphocytes B émetteurs d’anticorps dès qu’elles rencontrent un antigène et sont activées. Le second phénomène est la diminution des réserves de lymphocytes B mémoires. Ces derniers, en mémorisant les propriétés des antigènes déjà rencontrés, sont capables de fournir une réponse immunitaire plus rapide et plus intense à la seconde rencontre avec le même pathogène. En détruisant ces deux réserves, la rougeole empêche donc le corps de réagir rapidement face à un pathogène. Pire, elle détruit la mémoire immunitaire créée précédemment, empêchant ainsi une réaction rapide et ciblée !
De leur côté, à Boston, aux États-Unis, Michael Mina et ses collègues ont mis en évidence que la rougeole détruisait 11 à 73 % du répertoire d’anticorps, dans les deux mois suivant l’infection. Si les chercheurs ont ensuite observé que la réserve d’anticorps se reconstruisait naturellement lorsque les enfants étaient à nouveau exposés à des pathogènes, cette destruction massive affecte sévèrement la mémoire immunitaire et donc la vitesse de réaction.
Depuis une vingtaine d’années, les campagnes de vaccination ont permis de réduire drastiquement les infections par la rougeole, sauvant plus de 20 millions de vies. Mais les diverses campagnes anti-vaccination et les accès restreints à cette méthode de prévention causent, aujourd’hui encore, 7 millions d’infections par an à travers le monde. Avec ces nouvelles découvertes, les chercheurs espèrent souligner l’importance de la vaccination. Pas seulement pour lutter contre la rougeole elle-même, mais aussi pour éviter d’affaiblir le système immunitaire face aux autres pathogènes.