Intersexes : le Comité d’éthique recommande d’éviter les opérations précoces
Publié le - par le blob l’extra-média, avec l’AFP
Les opérations précoces sur des enfants dont le sexe à la naissance est difficile à déterminer sont à éviter « sauf nécessité médicale immédiate », a estimé mercredi le Comité d’éthique, recommandant d’attendre que la personne concernée puisse « être associée » au « choix thérapeutique ».
Au-delà de ces cas très rares (10 à 20 naissances par an), tous les actes médicaux sur des personnes « ayant des variations du développement sexuel » doivent « répondre à une nécessité médicale » et faire l’objet d’une « information claire, loyale et compréhensible », a souligné le Comité consultatif national d’éthique (CCNE).
Les trois rapporteurs de l’avis – un pédopsychiatre, un gynécologue-obstétricien et une conseillère d’État – ont souligné la difficulté à trancher sur cette question mêlant « l’intime » et « le collectif », car posant la question « du regard de la société sur la différence ».
L’instance consultative s’est emparée fin 2018 de ce sujet sensible, qui oppose professionnels de santé et associations de personnes intersexes. Le terme « intersexes », qui recouvre des situations très différentes, désigne les personnes qui présentent des caractéristiques anatomiques, chromosomiques ou hormonales ne relevant pas strictement du sexe masculin ou féminin.
Le phénomène concerne 0,05 % à 1,7 % des naissances, selon les estimations et les critères retenus.
Depuis quelques années, des associations alertent sur les séquelles liées aux interventions chirurgicales précoces, insistent sur la nécessité du consentement des premiers concernés et refusent la « médicalisation » de ces situations. En 2015, plusieurs organisations des Nations Unies ont condamné les « interventions chirurgicales ou traitements non justifiés sur des enfants intersexes sans leur consentement ».
Ces opérations sont interdites depuis peu à Malte, au Portugal et dans un État de l’Inde. Les professionnels de santé mettent souvent l’accent sur la nécessité pour la construction de l’enfant d’être rattaché le plus tôt possible au sexe masculin ou féminin et l’intérêt d’opérer le plus précocement possible du fait de la plus grande plasticité des tissus.
« Pari sur l’avenir »
Mais le CCNE constate l’absence d’unanimité au sein du corps médical sur les protocoles de soins à appliquer, ainsi que le manque de données pour évaluer ces interventions irréversibles sur de jeunes enfants. Aussi, il demande « la constitution d’une base de données » pour recenser les cas et documenter les conséquences tant des traitements que de l’absence de traitement.
Pour les situations « qui ne posent pas la nécessité d’une assignation sexuelle », le comité estime que « la réalisation précoce d’un acte médical et/ou chirurgical peut se discuter » en cas de « nécessité médicale » et « après étude de la balance-bénéfices/risques ».
Il recommande aussi que tous les cas, rares et complexes, soient traités dans l’un des quatre centres de référence existants en France, avec un accompagnement de la naissance à l’âge adulte. Le Dr Nicolas Morel-Journel, spécialiste en reconstruction génitale, se dit « globalement très favorable » à l’évolution suggérée, car « cela semble une évidence que l’enfant puisse être associé aux décisions », mais il attire l’attention sur sa difficile mise en pratique.
« Comment décider à partir de quel âge il est apte à choisir ? Et, dans certains cas, le fait de ne pas avoir reconstruit peut gêner la croissance des organes génitaux », avance l’urologue lyonnais.
De plus, « il faudra être honnête dans l’information délivrée aux parents : on fait le pari sur l’avenir que ce sera probablement mieux d’attendre », mais on n’a pas de certitudes, car il y a actuellement très peu de personnes ayant atteint l’âge adulte sans être opérées.
De son côté, Gabrielle (prénom d’emprunt), membre du Collectif Intersexes et Allié(e)s, « se réjouit qu’il y ait une condamnation » des interventions précoces non consenties, mais estime que « des nouvelles pratiques ne peuvent pas émerger » en laissant les médecins apprécier seuls la « nécessité médicale » et en renforçant le rôle des centres de référence qui, selon le collectif, pratiquent toujours des actes « mutilants ».
Lors de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi bioéthique, un article stipulant que « le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté » a été ajouté. Pas assez explicite pour l’association, qui milite pour une interdiction pure et simple de ces actes sans consentement, hors « urgence vitale ».