Les espèces invasives apportées par l’Homme, l’autre menace pour l’Antarctique
Publié le - par le blob l’extra-média, avec l’AFP
Sur la minuscule partie du continent antarctique où la neige fond au printemps, des mousses, lichens et herbes, des mouches et des mites, et des colonies de micro-organismes mangent, vivent et se reproduisent depuis des millions d’années.
« La densité est égale à, ou dépasse, ce qu’on trouve dans des régions tempérées voire tropicales », dit Peter Convey, spécialiste de l’écologie terrestre de l’Antarctique. Par endroits vivent de microscopiques arthropodes, les collemboles. « Il peut y en avoir un million par mètre carré », dit le scientifique. Cette riche biodiversité est préservée dans un équilibre ancien par le froid extrême et l’isolement de l’Antarctique, continent plus grand que l’Europe et le plus isolé de la planète, entouré par un puissant courant marin. Mais les milliers de chercheurs et 50 000 touristes qui s’y rendent chaque année risquent de rompre cet équilibre en apportant avec eux plantes et insectes.
Une herbe, Poa annua, s’est ainsi déjà installée sur certaines îles. Deux mouches ont aussi été importées par les humains. Il peut arriver que des espèces parviennent à voler ou voguer naturellement depuis la pointe de l’Amérique du Sud à un millier de kilomètres, mais ces migrants naturels ne s’établissent pas. « 99 % des espèces invasives viennent avec les humains », précise Peter Convey, qui en dénombre une centaine depuis deux siècles.
Le chercheur argue, avec un collègue du British Antarctic Survey dans une étude publiée mercredi 27 novembre dans la revue Science Advances, que le réchauffement climatique faciliterait l’implantation des espèces invasives, quand bien même il resterait moins marqué qu’ailleurs sur la planète, comme c’est le cas aujourd’hui (l’Arctique, moins protégé, se réchauffe vite aujourd’hui).
« Le changement climatique réduit les barrières à l’entrée, cela facilite l’entrée et réduit les problèmes empêchant l’établissement », explique Peter Convey. Au rythme actuel de réchauffement, la superficie de terre sans glace permanente dans la péninsule antarctique (dans l’ouest) augmentera de 300 % dans le prochain siècle. Une espèce importée aura beaucoup plus de terrain à coloniser, dit-il. Avec plus de terres et plus d’eau liquide en raison de la fonte, la vie va exploser, et probablement intensifier la concurrence entre espèces.
Des herbes l’emporteront sur des mousses. Les mouches locales rivaliseront avec les étrangères. L’effet exact est difficile à prédire. Le Traité de l’Antarctique (1959) a inscrit le principe de la protection de l’environnement antarctique. Si le débat actuel est dominé par la crainte de la fonte des glaces, les auteurs insistent que les activités humaines dans l’océan austral et sur le continent « auront, en réalité, probablement un bien plus grand impact sur les écosystèmes antarctiques que le changement climatique lui-même ».