Fusion nucléaire : la Chine bat un nouveau record
Publié le - par le blob avec l'AFP
Un géant d’acier dominé par le drapeau rouge aux cinq étoiles. Dans ce décor de science-fiction, la Chine a créé une première mondiale : maintenir pendant plus de 100 secondes les conditions nécessaires à la fusion nucléaire, Graal des énergies renouvelables. Le réacteur installé à Hefei (est) réalise des expériences dans le cadre du projet Iter, l’immense chantier international en cours dans le sud-est de la France pour maîtriser la fusion de l’atome.
En 2017, l’engin chinois a battu le record mondial de durée pour le maintien des conditions nécessaires à la fusion des noyaux d’atomes. Puis en novembre dernier, il a pulvérisé son propre record en atteignant la température de 100 millions de degrés, soit six fois la chaleur produite au cœur même du soleil. Ce superconducteur tokamak expérimental avancé est mieux connu sous son acronyme anglais EAST. Le tokamak, une chambre de confinement magnétique conçue initialement en URSS, génère une chaleur phénoménale dans le but de fondre des noyaux atomiques. Cette fusion nucléaire (dont le principe est déjà utilisé pour l’explosion des bombes H) ne doit pas être confondue avec la fission (division d’atomes) qui s’opère dans les centrales nucléaires classiques. La fusion est considérée comme l’énergie de demain car elle est infinie, tout comme celle du Soleil, et ne produit ni déchets ni gaz à effet de serre.
La difficulté est de maintenir ces températures extrêmes de façon durable et de les contenir dans des matériaux résistants. Tout cela a un coût : plus de 12 ans après le lancement du projet, le budget d’Iter est par exemple évalué à près de 20 milliards d’euros. À Hefei, le réacteur trône à l’intérieur d’une structure en béton. Il est relié par des câbles et des tuyaux à un enchevêtrement d’appareils de mesure et d’autres équipements, un décor qui évoque les rayons d’une roue de bicyclette. La recherche sur la fusion nucléaire ne date pas d’hier. Le projet Jet, au Royaume-Uni, est jusqu’à présent le plus vaste et le plus puissant tokamak jamais construit. D’autres chambres de confinement magnétique, dont certaines désormais hors service, ont été édifiées en Europe, aux États-Unis, au Japon et en Corée du Sud, avec parfois des résultats supérieurs à ceux d’EAST, reconnaît Wu Songtao, un ingénieur d’Iter. « EAST a atteint les 100 millions de degrés uniquement au cœur de la machine et la température était beaucoup plus faible en dehors du noyau central », remarque-t-il.
Ces paramètres sont encore très loin de ceux attendus pour Iter. Le réacteur en construction à Saint-Paul-lès-Durance, qui sera dix fois plus grand que ses prédécesseurs, devrait atteindre les 150 millions de degrés. Les premiers tests ne sont pas attendus avant 2025. La Chine ambitionne de son côté de construire un autre réacteur à fusion nucléaire qui, à la différence d’EAST, serait relié au réseau électrique, qu’il pourrait commencer à alimenter vers 2040-2050. Budget prévu pour cette phase post-Iter : 6 milliards de yuans (800 millions d’euros). Ces différents projets « sont assis sur les épaules d’Iter », mais ils n’en démontrent pas moins les progrès scientifiques de la Chine, souligne M. Wu. Si le pays conserve « 20 à 30 ans de retard » sur les grandes nations industrialisées en matière d’énergie nucléaire, « ses capacités se sont rapidement développées au cours des 20 dernières années, particulièrement depuis qu’il est monté dans le train d’Iter », note l’ingénieur. Interrogé en 2017 par l’agence officielle Chine nouvelle, le patron d’Iter, Bernard Bigot, estimait le gouvernement chinois « très motivé » par le projet de fusion nucléaire. En raison de ses coûts astronomiques, « la fusion n’est pas quelque chose que les États peuvent accomplir seuls », commente Song Yuntao, un des responsables du projet de réacteur expérimental.