Deux météorites aux alliages supraconducteurs
Publié le - par Véronique Marsollier
Cela fait plus d’un siècle que l’on connaît le phénomène de la supraconductivité. Mais impossible jusqu’à présent d’identifier un matériau supraconducteur transportant de l’électricité sans perte à température ambiante.
Pourquoi ne pas explorer la piste des matériaux naturels de provenance extra-terrestre comme les météorites ? C’est le choix qu’a effectué une équipe de physiciens américains, spécialistes de la matière condensée, de l’université de Californie (San Diego), avec succès. Les résultats, présentés en mars 2018 devant la Société américaine de physique, ont été publiés le 23 mars dans les Actes de l’Académie nationale des sciences (PNAS).
Les météorites se forment sous des températures et des pressions extrêmes, des conditions que l’on ne peut pas reconstituer sur Terre en laboratoire. Ce sont donc des objets particulièrement intéressants à analyser pour rechercher la supraconductivité naturelle — c’est-à-dire non synthétisée artificiellement en laboratoire — même si l’on sait que les quantités de minéraux supraconducteurs dans les météorites sont infimes.
Des échantillons prélevés à la surface de quinze météorites de différentes classes au moyen de la spectroscopie hyperfréquence modulée par champ magnétique (MFMMS) ont ainsi été examinés. Mise au point par les physiciens James Wampler, Mark Thiemens et Ivan K. Schuller, cette nouvelle technique a permis de détecter des minéraux présentant des propriétés supraconductrices dans deux météorites : Mundrabilla, une météorite de fer, et GRA 95205, une météorite de la classe des uréilites (un type rare de météorite pierreuse).
Ces météorites sont bien connues des spécialistes. La météorite Mundrabilla trouvée en Australie en 1911 — la même année que la découverte de la supraconductivité — est essentiellement composée de fer, mais aussi de silicates. C’est une des plus grosses météorites jamais trouvées, composée de 22 tonnes de morceaux éparpillés. La seconde, découverte en Antarctique en 1995 dans une région baptiséeGraves Nunataks, est une chondrite carbonée issue d’astéroïdes.
Lors d’une seconde étape, la spectroscopie à rayons X a permis d’identifier les matériaux supraconducteurs dans les plus gros grains. Résultat : le supraconducteur de la météorite Grave Nunataks est un alliage d’indium et d’étain. Celui de la météorite de Mundrabilla semble être un alliage d’indium, d’étain et mais aussi peut-être de plomb.
Les deux possèdent donc des supraconducteurs conventionnels constitué de métaux simples bien connus, avec des « températures critiques » autour de 5 Kelvin (-268,15 °C), c’est-à-dire proches du zéro absolu. Autrement dit, ils deviennent supraconducteurs lorsqu’ils sont refroidis en-dessous d’une « température critique », cette phase au-delà de laquelle une substance ne peut plus devenir liquide.
Face à cette découverte étonnante d’alliages supraconducteurs dans des météorites, les chercheurs ont tout d’abord vérifié s’il n’y avait pas eu contamination terrestre, mais cette éventualité a été écartée.
Difficile d’expliquer exactement comment ces alliages se forment dans l’espace, mais des météorites similaires pourraient exister dans des régions de l’espace suffisamment froides pour permettre la supraconductivité naturelle.
C’est un nouveau champ d’étude, selon les auteurs, qui entrouvre la porte à la découverte de supraconducteurs à température ambiante. Avec, à la clé, peut-être, des percées technologiques dans le stockage et le transfert d’énergie, comme les trains à lévitation magnétique, les ordinateurs quantiques ou l’imagerie médicale…