Covid-19 : une enquête mondiale pour décrire précisément les pertes de goût et d’odorat
Publié le - par Barbara Vignaux
L’agueusie et l’anosmie, c’est-à-dire les pertes du goût et de l’odorat, sont fréquemment mentionnées parmi les symptômes les plus courants du Covid-19. Mais quelles en sont leurs caractéristiques ? Quelle en est la prévalence ? Qu’est-ce qui distingue ces manifestations cliniques dans le Covid-19 et dans d’autres pathologies respiratoires ?
C’est pour répondre à ces questions que plus de 500 chercheurs originaires de 38 pays, regroupés au sein du Consortium mondial pour la recherche chémosensorielle (ou GCCR pour Global Consortium for Chemosensory Research), lancent une grande enquête internationale sous forme de questionnaire en ligne, déjà disponible en dix langues (et bientôt dans plus de 20 langues).
Ce questionnaire est à destination des malades ou anciens malades du Covid-19, mais aussi de personnes ayant souffert d’agueusie ou d’anosmie à l’occasion d’autres affections respiratoires telles que la grippe saisonnière, un rhume, ou encore les virus du SARS ou du MERS.
Nature et prévalence
« Le premier volet de l’enquête relève d’une étude épidémiologique standard : déterminer la prévalence des pertes de goût et d’odorat dans le Covid-19, explique Jérôme Golebiowski, professeur à l’Institut de chimie de Nice (CNRS/université Côte d’Azur) et directeur du groupement de recherche CNRS Odorant, Odeur, Olfaction, qui est en charge de la coordination du volet français de l’enquête. Dans cette maladie, en effet, elles semblent revêtir des proportions sans précédent. On demande donc aux répondants s’ils ont été testés positifs ou non au Covid-19 et s’ils ont souffert de ces symptômes. »
L’enquête va plus loin. Dans la majorité des cas, en effet, les pertes d’odorat et/ou de goût s’expliquent par un simple effet mécanique : l’occlusion du système olfactif par le phénomène du nez bouché (ou rhinorrhée). « Or dans le cas du Covid-19, certains individus ne présentent aucune rhinorrhée, mais ont de la difficulté à percevoir les odeurs, poursuit le chercheur. Des études préliminaires ont révélé des signes d’infection virale par le SARS-CoV-2 dans le système olfactif, mais pas dans les neurones olfactifs eux-mêmes : le virus attaque donc peut-être l’environnement de ces neurones. » L’enquête doit déjà permettre de déterminer la proportion des patients présentant ce tableau clinique particulier : anosmie sans rhinorrhée.
Olfactif, gustatif et somesthésique
L’enquête cherche aussi à préciser le mécanisme physiologique touché par le SARS-CoV-2. S’agit-il seulement du système olfactif, ou bien aussi des systèmes gustatif et somesthésique ? Au quotidien, notre goût provient aux trois quarts de notre odorat : sans lui, on ne perçoit qu’une partie très faible des aliments. Mais si l’on est incapable de distinguer le sucré du salé, c’est que la langue aussi est affectée. Un troisième sens, dit somesthésique, pourrait lui aussi être atteint : « Porté par le nerf trijumeau, il correspond en quelque sorte au sens du toucher de la bouche, explique Jérôme Golebiowski. C’est lui quipermet de ressentir le pétillant d’une eau gazeuse, le croustillant d’un biscuit, le piquant de la moutarde ».
Enfin, la connaissance précise des tableaux cliniques liés au Covid-19 permettra de déterminer si les pertes de goût et d’odorat précèdent ou non l’apparition d’autres symptômes comme les maux de tête, la fièvre ou les douleurs articulaires, auquel cas elles pourraient servir de signal d’alerte de la maladie. Elle permettra également de faciliter les comparaisons entre pays, classes d’âge et sexes. Les premiers résultats pourraient être connus d’ici quatre semaines.
Lancé hier, le site est opérationnel. Le questionnaire est disponible en ligne sous ce lien et la participation prend 10 à 15 minutes. Les données, anonymes, sont stockées sur des sites sécurisés.