L’antique tombe de la « Dame de Vix », princesse celtique, ressurgit de la terre
Publié le - par le blob l'extra-média, avec l'AFP
La « Dame de Vix » n’a pas tout dit : 66 ans après la découverte en Bourgogne de la tombe de cette princesse celtique et son célèbre trésor, les archéologues rouvrent les anciennes fouilles, bâclées à l’époque, pour éclairer l’histoire d’une société antique encore méconnue.
Durant l’hiver 1953, au beau milieu d’un champ près des sources de la Seine, un professeur et un ouvrier agricole font surgir de la boue une vaste sépulture où gît une femme, inhumée vers 500 avant notre ère, sur un char, richement parée, au côté d’un gigantesque cratère grec haut de 1,64 mètre – le plus grand vase de bronze de l’Antiquité.
C’est alors considéré comme la plus grande découverte celtique du XXe siècle en France. La « Dame de Vix » fait la une de Paris Match, des timbres à son effigie sont imprimés... Mais les fouilles sont vite et mal faites : pièces et ossements arrachés de la sépulture, transportés hâtivement vers le musée, et au bout de trois semaines, tout est ré-enfoui sous la terre. « Ces fouilles furent dramatiques, même pour l’époque », regrette Bruno Chaume, archéologue au CNRS. De nombreux éléments sont aujourd’hui impossibles à étudier car mal conservés, comme l’intérieur du fameux vase, littéralement décapé, ne laissant aucune trace de la boisson contenue. Et, surtout, le monument funéraire en lui-même a été oublié : pas de vue d’ensemble, de relevé stratigraphique...
« On ne sait pas à quoi ressemblait cette tombe : faute d’éléments réels, le tumulus qui recouvrait le monument, la chambre funéraire, ont été imaginés sans avoir été fouillés », explique Dominique Garcia, président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). D’où l’idée de rouvrir des fouilles. « Une première en France sur un site aussi exceptionnel », souligne Dominique Garcia. Classée monument historique, la tombe de Vix était « figée » mais son dossier « vide », et le musée abritant ses trésors ne pouvaient que raconter l’histoire des objets, sans doute idéalisée.
Le nouveau chantier vise à intégrer la tombe – située au pied de l’ancienne ville de Vix – dans son contexte socio-économique, pour pouvoir « raconter l’histoire de ces sociétés celtiques » de la fin du premier Âge de fer (800 à 460 avant notre ère), cette culture du centre-ouest de l’Europe appelée Hallstatt, du nom d’un site mis au jour en Autriche.
« Phénomène princier »
De premiers indices sont déjà apparus depuis la réouverture, mi-août, des fouilles. « On sait maintenant que 100 % des pierres ont été apportées sur place pour ériger le tumulus », aujourd’hui arasé, mais qui devait atteindre six à huit mètres de hauteur, se félicite Bastien Dubuis, qui dirige l’opération pour l’Inrap. Faire venir ces pierres supposait une organisation spécifique au sein d’une société aristocratique, « pyramidale et esclavagiste » – que les historiens appellent « phénomène princier » – ajoute Catherine Monnet, directrice du musée du Pays châtillonnais – Trésor de Vix.
Autre découverte sur cette vaste nécropole de 2 000 mètres carrés : près de la tombe, un deuxième monument, peut-être une tombe secondaire, un podium dédié à la cérémonie funéraire de la princesse, ou encore le tumulus d’un de ses ancêtres « pour prouver que son pouvoir venait d’une large lignée », suppose la responsable du musée.
Au vu des nouvelles recherches, dont les résultats devraient être connus courant 2020, les archéologues espèrent mieux comprendre les connexions entre l’ancienne ville de Vix, centre d’un important pouvoir contrôlant la vallée de la Seine, et la civilisation méditerranéenne. La présence du cratère grec, pur objet de prestige, de bijoux en ambre de la Baltique, d’un torque en or, témoignent d’une volonté de l’élite d’exprimer sa puissance en « se payant un artisanat premium, local ou exotique », raconte Dominique Garcia. Par sa situation, aux confins des grands fleuves d’Europe, Vix fonctionnait « comme un hub entre le Nord et la Méditerranée ».
« Pendant longtemps, on a scindé culturellement les peuples "colonisateurs", les Grecs et les Romains, et les Celtes », souligne-t-il. « Mais Vix nous apprend qu’il n’y avait pas de populations périphériques ou centrales, mais que des peuples connectés pour des raisons économiques. »