Le fracas du tonnerre… Le ciel déchiré par la foudre ... Vivre un orage, c’est souvent l’une des toutes premières terreurs que nous éprouvons, nous les humains, à peine venus au monde. Et sachez-le, notre atmosphère regorge d’activité électrique : les éclairs y fulgurent des centaines de fois par seconde. Pourtant, nous sommes encore loin d’avoir percé tous les mystères de la foudre ! Passionnés, scientifiques, ils sont nombreux à s’approcher au plus près du phénomène, pour tenter de mieux le comprendre ! Pour qu’un orage se produise, il faut un nuage. Et pas n’importe lequel : un cumulonimbus. Ce nuage très particulier, qui s’étire jusqu’aux limites de la troposphère, mobilise une immense quantité d’énergie. Cette énergie provient de la vapeur d’eau chauffée par le soleil, près du sol. Mais la plupart du temps, ce n’est pas suffisant. Pour que le nuage d’orage se forme, un « coup de pouce » est souvent nécessaire, qui permettra à l’air chaud de monter suffisamment haut dans l’atmosphère. Cela se produit lorsqu’un courant froid vient se glisser sous la couche d’air chaud, ou encore lorsque des reliefs, comme ces montagnes, provoquent naturellement le soulèvement des masses d’air. Lorsque tous ces éléments sont réunis, le ciel a de quoi libérer un sacré monstre ! A présent l’atmosphère est devenue plus qu’instable. Animé d’un mouvement de convection, l’air chaud monte de plus en plus vite, comme dans une tempête verticale, où les courants atteignent jusqu’à 140 km/heure. La vapeur se condense autour des impuretés de l’air… Et les gouttelettes d’eau sont charriées à plus de 10 km d’altitude ! Le cumulonimbus se déploie, coiffé de son enclume menaçante. De nombreux passionnés, appelés aussi chasseurs d’orages, s’appliquent à figer les formes éphémères que la foudre sculpte dans l’air. L’atmosphère foudroyée, accompagnée de son onde choc tonitruante nous offre l’un des plus beaux spectacles de la nature. Les plus gros orages transportent plusieurs millions de tonnes d’eau au-dessus de nos têtes. Quant aux éclairs, ce sont de véritables décharges électriques. Mais comment, simplement avec de l’air, de l’eau et des poussières, peut-on se retrouver face à de tels mastodontes, capables de lancer des éclairs de 300 000 volts ?! ITW Kamil Fadel « Il faut savoir que la matière de manière générale est formée de ce qu’on appelle des charges électriques, on peut les appeler « protons », « électrons », on peut les appeler « plus », « moins », et s’il y a autant de plus que de moins, et bien on dit que la matière est neutre électriquement parlant. Mais il suffit qu’un matériau A frotte contre un matériau B pour que l’un des deux arrache des moins à l’autre. A ce moment-là l’arracheur se charge négativement, et l’arraché se charge négativement. » Au sein des nuages orageux, il y a des donc des phénomènes de frottement, qui produisent de l’électricité statique. Et le nuage finit par se comporter exactement comme cette boule métallique ! Mais que se passe-t-il, concrètement, à l’intérieur ? Il faudrait pouvoir aller y faire un tour, pour découvrir ce qui s’y trame ! Ça tombe bien ! c’est justement l’idée qu’a eu une équipe de scientifiques français, et ils ont baptisé cette mission : EXAEDRE ! Direction la Corse, l’une des zones les plus orageuses de France !!! Des spécialistes de la physique de l’atmosphère se sont rendus sur l’île de beauté, pendant plusieurs semaines au mois d’octobre, lors du pic de la saison orageuse. Leur idée ? Aller observer la composition des cumulonimbus. Sonore Sylvain Coquillat : « L’éclair c’est le processus en bout de chaîne de tous les processus nuageux, donc c’est difficile de dire comment se forme un éclair, sans commencer par l’histoire du nuage. » Mais pour pouvoir pénétrer au cœur des nuages d’orage, il faut disposer d’un aéronef pour le moins… spécial ! Et de pilotes capables de voler dans des conditions extrêmes. En France un tel dispositif existe : il s’agit du Service des avions français instrumentés pour la recherche en environnement, le SAFIRE ! Depuis la base aérienne, le chef de mission vient de donner l’ordre de décoller, le dernier bulletin météo annonce une belle cellule orageuse qui fonce droit sur la Corse ! Les 7 membres d’équipages : trois pilotes, 2 scientifiques et 2 ingénieurs, sont installés à bord du petit Jet d’affaire totalement transformé en laboratoire volant. Et c’est parti pour 2h de vol extrêmement intenses. Pour commencer, l’avion file vers l’enclume, au sommet du cumulonimbus. Une fois à l’intérieur, des sondes fixées sous les ailes prennent des images des microparticules en suspension. Le cumulonimbus est le nuage qui possède la plus grande variété d’hydrométéores ! En fonction des conditions, le nuage se charge plus ou moins en gouttelettes, en flocons, en grêlons et en cristaux de toutes sortes. Et avant de tomber au sol sous forme d’averses de pluie ou de grêle, chaque molécule d’eau fait plusieurs fois l’aller-retour entre la base et le sommet du nuage. Tant que la cellule orageuse reste active, les courants ascendants aspirent de la vapeur et de l’énergie. Et plus on monte, plus il fait froid ! Pourtant, l’eau peut rester liquide jusqu’à -20 degrés. On parle alors « d’eau surfondue ». Mais il suffit qu’elle rencontre un petit cristal de glace déjà formé pour geler immédiatement. Dans les étages les plus froids du nuage, la glace s’agglomère jusqu’à devenir trop lourde, et retombe. Les particules s’entrechoquent alors tous azimut, et échangent des électrons La dynamique des flux d’air et la répartition des particules dans le nuage concentrent les charges par endroit, et lorsque la tension électrique e devient trop importante, la décharge survient : c’est l’éclair ! La plupart éclatent à l’intérieur même du nuage, tandis que la foudre, désignent les éclairs qui frappent terre ferme. ITW SYLVAIN Coquillat « Un nuage d’orage ça commence par des poussières, ça finit par des éclairs. Puisqu’ en fonction des poussières qui sont présentes et qui sont absorbées par le nuage, on aura une population microphysique qui sera soit nombreuse avec des petites particules, soit peu nombreuse avec des grosses particules, donc des comportements différents, une électrisation différente, et on a des signatures sur les éclairs également. Autrement dit, la composition du nuage agit sur la quantité d’éclairs, mais aussi sur leurs caractéristiques, comme leur durée et leur amplitude dans l’espace. Et les premiers résultats de la mission européenne Exaedre tendent à montrer un fort lien entre la quantité de grosses particules glacées dans le nuage et l’intensité du champ électrique. Mais une controverse scientifique perdure quant à l’origine de l’électrisation des nuages. Pour certains, la microphysique n’explique pas tout, il faudrait aussi prendre en compte l’influence du cosmos sur l’atmosphère terrestre … ITW SYLVAIN Coquillat « Donc l’éclair c’est un processus très complexe, ça commence à petite échelle, il y a encore des questionnements sur le comment ça démarre : à partir de la microphysique ou que ce sont des électrons relativistes émis, qui viennent de l’espace qui sont accélérés dans le champ et qui créent des avalanches électroniques, ça il y a encore des questionnements là-dessus. Le rôle de l’éclair c’est qu’initialement vous avez, hop, de la charge qui s’est séparée, et bien l’éclair qu’est-ce qu’il va faire il va relier ces deux pôles, pour diminuer le stress qui lui a donné naissance. » Il y a donc encore une part de mystère sur l’alchimie nécessaire au déclenchement des éclairs. Et depuis l’ISS notamment, des expériences sont menées pour mesurer l’influence des particules cosmiques sur l’activité électrique de l’atmosphère. Depuis l’espace, les satellites météo savent reconnaitre la présence d’eau, donc de nuage, mais ils ne sont pas encore capables de détecter les cristaux de glace typiques des orages. Les prochaines générations de satellites seront dotées de nouveau détecteurs issues des recherches que mènent les physiciens de l’atmosphère, et d’ici quelques années, le suivi météo des orages sera bien plus performant.