Ils s'appellent Bernard, Jean-Michel, Tancrède, Amandine, Nathalie ou Jérôme, tous pratiquent le tir à l'arc préhistorique. Venus de France et de Belgique, ils se sont donnés rendez vous dans le parc de la Haute Ile, en banlieue parisienne, pour disputer une manche du championnat d'Europe de tir aux armes de jet préhistorique. Ouais... Super ! Pas mal... "C'est un championnat européen de tir aux armes préhistoriques, qui a maintenant 27 ans d'existence. Et en fait, tous les ans il y a à peu près une trentaine de manches qui ont lieu dans toute l'Europe, principalement en France, mais aussi donc en Espagne, en Italie, en Belgique, en Suisse, en Allemagne, et l'idée est de pouvoir essayer du matériel qui soit archéologiquement compatible avec les armes de chasse de l'époque préhistorique et donc l'idée est de pouvoir tester ses armes de chasse en faisant donc des reconstitutions qui soient le plus fidèles possible, donc il ne faut pas qu'il y ait de plastique, pas de métal pour que les compétiteurs tirent sur des cibles où il y a des animaux qui correspondent au gibier qui était chassé à l'époque. On ne fait qu'un tir à chaque fois, donc on est un peu dans les conditions de chasse. Si on a touché, on a touché. Si on a raté le gibier, on n'a pas une 2e chance derrière". Par petits groupes, ils sont environ une trentaine à déambuler dans le parc de la Haute Ile pour boucler trois tours de piste de dix cibles. "Le point important, ça va être la cible qui est à 20 m. Le pas de tir est dans une pirogue. Et la cible est de l'autre côté de la rivière en fait, sauf qu'il n'y a pas de marque pour le pas de tir, donc en fait à l'extrémité de la pirogue on est à la bonne distance, et pour les enfants il y a une pierre au milieu de la pirogue, c'est le pas de tir enfant. Après, la récupération des sagaies ou des flèches se fait de l'autre côté. Et s'il y a des flèches dans l'eau, il y a des kayaks qui seront là pour récupérer les flèches et les sagaies. Ahhh ! Il y a une coopération avec la Fédération de kayak du département". Si les tenues vestimentaires flirte parfois avec un exotisme préhistorique un peu kitsch, les armes obéissent, elles, à des règles strictes dans leur composition. Du bois, des plumes, des tendons, des silex, des os ou des cornes. Bernard Nomblot, chasseur cueilleur des temps modernes nous en fait la démonstration. En fait, c'est le plus vieux modèle d'arc qu'on ait trouvé. L'équivalent a été trouvé dans une tourbière au Danemark, et il a dix mille ans à peu près. Il est juste un peu différent parce que les chasseurs du Mésolithique, donc de l'époque où datent ces arcs, étaient plus petits que nous. Ils faisaient 1 m 60 en moyenne. Moi, je fais 1 m 75, donc l'arc est à peu près à ma taille, grosso modo. Voilà, à quoi ça ressemble. Pour fabriquer ces flèches, Bernard est un puriste. Il n'utilise aucun outil moderne. Il commence par poncer le bois avec un silex pour rectifier le calibre de sa future flèche. Là où le bois est plus dur, il change d'outil et prend un galet de grès, plus costaud. Puis il chauffe la flèche pour corriger sa courbure. Si le combustible est fait maison, Bernard s'autorise, pour gagner du temps, l'usage d'un briquet. Prochaine étape, ça va être de commencer à faire une encoche, à l'arrière de la flèche donc dans la plus fine, pour y mettre la corde de l'arc et puis, à l'avant, si je veux y mettre une pointe en pierre, il faut faire une encoche également. Si je veux y mettre une pointe en os, il faut plutôt faire un biseau dans lequel j'enfilerai un bout d'os de bois de cerf qui ensuite deviendra une pointe. Donc, là, maintenant, ça va être... d'abord faire une scie. C'est comme ça que ça se passe, donc un bout de cuir pour protéger la main, Un bout de silex qui va me permettre de faire une scie et avec le bois de cerf, on fait des dents. Voilà, j'essaye de faire des encoches à un endroit où il y a un départ de branches parce que le bois est un peu plus dure à cet endroit-là, et qu'il ne risquera pas de casser. alors là, maintenant, je vais essayer de coller une pointe sur cette flèche où il y a une encoche, à l'avant. Elle ne tient évidemment pas dans l'encoche, sauf comme ça, donc il faut la coller. Et on utilise une colle faite avec un mélange de cire d'abeille, de résine de pin et un peu d'ocre pour faire de la masse. Ma colle commence à fondre. Voilà, c'est fait, il n'y a plus qu'à laisser sécher, refroidir donc en fait, et puis ensuite, si je veux correctement ligaturer tout ça Je peux faire une ligature avec des tendons animaux, tendon de cerf ou de cheval, ça dépend de ce que j'ai sous la main, trempés dans la colle de peau et ça permet de solidifier tout le bout de la flèche, là où il y a l'amorce de la pointe. Voilà, donc en pas très longtemps, on a fini par donner à cette flèche l'aspect classique, celui que tout le monde reconnait, la pointe en triangle, celle qui rapporte la viande". Des peintures de scènes de chasse au tir à l'arc ont été trouvées en Espagne, en Afrique et sur presque tous les continents. Elles sont plus récentes que les peintures des grottes ornées du sud de la France Les plus vieux arcs connus datent, eux, d'environ 10 000 ans. Mais des pointes de flèches découvertes dans la vallée du Rhône laissent penser que la chasse à l'arc serait une pratique bien plus ancienne. "Récemment, il y a un site qui s'appelle la grotte Mandrin, qui a été fouillé et qui continue d'être fouillé, c'est dans la vallée du Rhône. C'est un site qui date de 50 000 avant JC, qui a été occupé par Néandertal notamment, et les chercheurs là-bas ont trouvé des pointes, de toutes petites pointes. IIs les ont testées et ils ont remarqué en fait que les impacts qu'ils voyaient sur les pointes qu'ils retrouvaient en fouilles, ressemblaient aux impacts des pointes de flèches, pas des pointes de sagaie. Néandertal a pu utiliser des flèches et des arcs. De toute façon, je n'irai jamais tirer un ours à 26 m. Tu aurais trop la trouille ? Oui !" Si la chasse à l'arc préhistorique est autorisé en France, à condition d'avoir un permis, Bernard et ses amis qui pratiquent la discipline depuis de nombreuses années, n'ont jamais tiré que sur des cibles de papier. Quant à la récompense, du papier toujours et seulement du papier, avec pour seul gratification un diplôme et la satisfaction d'une journée bien remplie. "A la 7e place, Bernard Nomblot ! 95 points avec 29 flèches. Bravo ! Merci. Si la discipline est encore confidentielle, ses adeptes nourrissent l'espoir que le tir à l'arc préhistorique soit présenté en démonstration à l'occasion des jeux olympiques 2024. Affaire à suivre...