Qu’elle est verte MA POSIDONIE Voix off En Corse, des chercheurs de la station océanographique Stareso s'intéressent beaucoup à une plante apparemment très ordinaire, la Posidonie. Pierre Lejeune En méditerranée, il y a un écosystème extraordinaire, cet écosystème c’est l’herbier à posidonie. C’est une plante marine mais qui est en fait originaire du milieu terrestre et qui il y a très longtemps, plusieurs dizaines voire centaines de millions d’années est retournée au milieu marin et a pris d’immenses prairies qui sont pratiquement des forêts qui finalement fonctionnent dans le milieu marin un peu comme une forêt tropicale. On entend beaucoup parler de la forêt tropicale qui produit de l’oxygène, qui protège des espèces très diverses, très variées, beaucoup de biodiversités ; c’est pareil mais c’est chez nous, c’est à 3m de fond devant Stareso mais devant la plupart des côtes méditerranéennes. Voix off Les feuilles sont enchâssées les unes dans les autres. Les vieilles à l'extérieur et les jeunes à l'intérieur. Comme pour les arbres, régulièrement, de nouvelles feuilles poussent et les vieilles tombent, laissant des écailles qui vont s'accumuler et s'agglomérer avec les rhizomes, les racines et le sédiment, pour former la matte. La matte est un véritable piège à CO2 Jonathan Richir Au même titre qu’une nappe de pétrole est un stockage, que du charbon est un stockage de carbone sur le long terme, la matte de l’herbier avec son entrelacs de racines et de rhizomes forme un stockage de carbone pour le long terme… d’où son rôle important… et cette matte peut faire plusieurs mètres d’épaisseur. Donc en termes de quantité de carbone à l’échelle de la méditerranée, ça représente une quantité énorme. Voix off D'où l'importance de la préservation de la Posidonie. Pour vérifier sa santé, dont dépend la nôtre, le laboratoire a mis au point tout un ensemble de moyens de contrôle. Jonathan Richir Vous voyez ici, la fibre optique grise nous donne une mesure de la fluorescence de la feuille de posidonie en direct et pour pouvoir déterminer la capacité photosynthétique de la feuille, on lui envoie un flash de lumière qui va saturer tous ces récepteurs photosynthétiques et la réponse de fluorescence qui va nous revenir, nous donnera une idée de la capacité photosynthétique de la plante à un moment donné, à une profondeur donnée, à une heure donnée, à une saison donnée. Voix off La capacité photosynthétique, c'est la capacité à transformer le CO2 en oxygène et en sucres, sous l'effet de la lumière. La baie de Calvi, où se trouve la station, est un observatoire très intéressant de l'herbier de Posidonie, qui tapisse le fonds sous-marin. C'est aussi un bon observatoire de ses relations avec l'homme... Pierre Lejeune Quand on construit un port, on détruit des posidonies. Quand on jette une ancre, on détruit des posidonies comme on peut bruler de la forêt tropicale sauf que comme c’est sous l’eau, la plupart des gens ne le voit pas. Arnaud Abadie En baie de Calvi qui est une zone très touristique, il y a énormément de plaisance, de navires de plaisance donc là vous allez voir typiquement un trou qui a été généré par l’ancrage de très gros navires. Ce sont des yachts de plaisance qui font entre 30 et 80m de long, donc ça créé ce que l’on appelle des zones de matte morte. Ça va aussi creuser des sillons, typiquement là, c’est un sillon d’ancrage et en fait après, l’herbier ne va pas pouvoir repousser, déjà parce qu’il pousse très lentement et aussi parce qu’en arrachant ainsi les feuilles. ca va modifier toute la chimie du sédiment qui ne sera plus du tout propice au développement de nouveaux herbiers. Jonathan Richir Tout est lié, l’activité humaine, l’ancrage des bateaux, l’arrachage des pousses, la propagation des espèces invasives, les changements climatiques, tout ça finalement fait un tout. Voix off Tout est lié... Mais comment s'y retrouver dans ce tout ? Sylvie Gobert Nous prélevons de l’eau pour mesurer les nutriments, nous prélevons les plantes et nous dosons à l’intérieur de ces plantes, les quantités de polluants qu’elles contiennent. En fait, les échantillons sont prélevés ici. Voix off Pour effectuer ces prélèvements, les chercheurs de Stareso ont créé un outil sur-mesure : le « quadrident » de la mer. Sylvie Gobert Ce que nous avons construit ici, c’est un système pour prélever l’eau qui est contenue à l’intérieur du sédiment, donc qui est dans le sable. On pique les aiguilles dans le sédiment et on aspire doucement grâce à une seringue ; on aspire doucement l’eau qui est contenue dans le sédiment, dans nos seringues et ensuite on peut passer à l’endroit suivant. Hop ! et on effectue le second prélèvement avec la 2eme seringue. Et comme ça, en une plongée, on peut remonter une dizaine d’échantillons d’eau contenue dans le sédiment. Il nous a fallu 10 ans pour mettre cela au point. Un système pour prélever l’eau interstitiel. Non je vous dis, ça c’est élaboré après 5 ou 6 ans de recherche mais tout ce que l’on utilise, on est obligés de le fabriquer nous-même parce qu’évidemment il n’y a pas une grande surface où on vend du matériel d’océanographie ( !)