Puissant gaz à effet de serre, le méthane est surveillé de très près par les scientifiques. Alors que des satellites sont capables de mesurer sa concentration dans la haute atmosphère, il n’existe pas encore d’outil permettant d’avoir une vue d’ensemble du méthane produit dans les mers et les océans… Pour le moment, les océanographes n’ont pas d’autre choix que de sonder les fonds marins, mètre carré par mètre carré… ou de tomber sur une source complètement par hasard ! Et c’est justement ce qui est arrivé récemment à une équipe de chercheurs, dans la mer de Ross en Antarctique. Les plongeurs sont tombés sur de petits tapis de matière organique blanche, trahissant la présence de sources actives de méthane… C’est d’ailleurs la toute première fois qu’on en détecte au pôle Sud ! Et comme souvent, lorsqu’il s’agit de méthane, celui-ci a pour origine… des microbes ! Stéphanie Dupré, spécialise des écosystèmes profonds associés à des échappements de fluides, nous explique. - C'est une première étude donc tout n'est pas encore élucidé. La source du méthane n'est pas encore identifiée précisément en terme de profondeur, mais on sait que c'est du méthane qu'on appelle microbien, c'est à dire qu'il est généré, fabriqué à partir de la dégradation de matière organique, Et ça, c’est fait par un assemblage de communautés microbiennes. Stéphanie Dupré mène actuellement ses travaux de recherche sur le territoire français, et avec son équipe de l’Ifremer, elle a découvert en 2013 le plus important site marin européen émetteur de méthane. - Entre Bordeaux et Biarritz, au large, donc on est à peu près entre 140 et 220 mètres de profondeur d’eau, on a découvert, sur quasiment 400 kilomètres carrés, des sorties de méthane microbien, c'est le même méthane émis en Antarctique. Donc c’est sur de vastes surfaces, ça représente des flux importants de 144 tonnes de méthane qui seraient émises en fond de mer par an. Et ces flux naturels de méthane, associés aux micro-organismes, subissent des réactions chimiques très favorables à la vie marine. - Sur notre site, au large de l’aquitaine, l’oxydation du méthane est là depuis tellement longtemps que ça permet aussi de précipiter des roches dures, que l’on appelle des roches carbonatées, dérivées du méthane en fond de mer. Donc on a sur tout le rebord du plateau, sur cette même zone, des dalles de carbonate, sur lesquelles se fixent toutes sortes d’animaux, notamment des éponges, ça constitue un habitat benthique important. En revanche, s’il y a trop de méthane dans les océans, il contribue à acidifier l’eau de mer, et dans certaines conditions, des bulles peuvent parvenir jusqu’à la surface … - On n’a pas une vision encore globale, à l’échelle de la Terre sur la totalité de ces sites d’émission. On travaille beaucoup localement une fois qu’on a trouvé ces sites-là, et on sait que ces émissions peuvent être quasiment continues dans le temps, c’est-à-dire on vient régulièrement, année après année, et ça dégaze toujours. Certaines sont plus ou moins intermittentes, mais on n’a pas d’outil, par exemple satellitaire ou autre, qui nous permettrait d’imager toute la Terre et nous dire voilà on peut estimer que, le méthane qui est émis en fond de mer, de manière naturelle, est de tant. Mais le méthane gazeux n’est que la partie émergée de l’iceberg… Dans les grands fonds, le méthane est principalement stocké sous forme solide et glacée, et l’on peut craindre que le réchauffement climatique vienne perturber l’équilibre de ces gisements … - Ce méthane, là on a parlé de sa forme gazeuse, mais il peut être piégé aussi dans les sédiments sous forme solide, ce qu’on appelle des hydrates de gaz, qui, une fois libérés, pourraient contribuer, très fortement, s’ils sont relargués massivement dans l’atmosphère, à modifier brutalement la chimie de l’atmosphère. Une estimation américaine récente évalue à 20 millions de km3, la quantité de méthane présente sous forme d’hydrate dans les fonds marins et le permafrost … Reste maintenant à confronter ces ordres de grandeur aux observations de terrain.