Elles frappent les zones arides et semi-arides de la planète et sont à l'origine d'un phénomène quasi invisible qui influence le climat. Les tempêtes qui balaient les déserts projettent dans l'atmosphère des particules capables de parcourir discrètement des milliers de kilomètres. Dans l'atmosphère terrestre, les poussières désertiques sont les particules les plus présentes après le sel marin. Comment ces poussières interagissent-elles avec le rayonnement solaire ? Quel impact ont-elles sur la circulation atmosphérique mondiale ? Voici l'aventure scientifique qui a permis de reproduire une tempête du désert dans un laboratoire d'Île-de-France. Étudier les particules de poussière dans l'atmosphère n'est pas simple. Des équipes françaises s'y sont essayées lors de campagnes de terrain pour caractériser leurs propriétés physiques, chimiques et optiques. Sur des zones sources comme l'Afrique sahélienne, mais aussi le long de leurs trajets à travers les continents et au-dessus de la Méditerranée, ces chercheurs ont effectué des mesures au sol et dans les airs grâce à des avions et des ballons. Les prélèvements issus de ces missions sont au laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques de Créteil, sous la surveillance de C. Di Biagio. Le fait d'aller étudier les poussières à travers des campagnes de terrain nous a permis de collecter beaucoup de données assez précieuses sur les propriétés physico-chimiques et optiques de ces poussières. Mais ces campagnes ont surtout permis de mettre en évidence une variabilité dans les propriétés optiques caractérisant la capacité des particules à absorber et diffuser le rayonnement atmosphérique, solaire et infrarouge. Cette problématique est assez claire quand on observe les sols. Ici, on a divers échantillons prélevés dans diverses régions du monde, en Patagonie, Namibie, Tunisie et Chine. Et ils illustrent bien le problème quand on voit les différences de couleur entre les sols. Ces différences de couleur sont dues aux diverses compositions des sols. La question est donc de savoir comment ces différents types de sources vont interagir avec le rayonnement. Pour caractériser ces échantillons, Claudia et le physicien Juan Cuesta misent sur un puissant allié nommé CESAM. Cette enceinte en acier inoxydable de 4 mètres cubes est une chambre de simulation atmosphérique. Elle peut reproduire à petite échelle une tempête de sable en laboratoire. Ce plateau vibrant simule le souffle du vent et permet de créer un aérosol à partir d'un échantillon, à savoir des poussières en suspension. Au sein de la chambre de simulation, ce nuage est traversé par la lumière d'un soleil artificiel. L'interaction de la poussière avec ces rayons, surtout avec le rayonnement infrarouge impossibles à mesurer en conditions contrôlées sans l'aide d’une telle installation, va produire un spectre, sorte de signature de cet échantillon de poussières. Ici, on a par exemple une expérience faite avec un aérosol généré depuis un sol de Chine, comparée à une expérience qu'on a menée sur un sol du Niger. On peut voir clairement la différence dans la forme spectrale et dans l'intensité des spectres. Ce pic-là correspond à l'absorption de poussières désertiques qui agissent et donc empêchent une partie du rayonnement infrarouge de bien s'échapper vers l'espace. C'est donc sur ce type d'effet que les poussières jouent un rôle en influençant bilan radiatif et climat. Les expériences menées avec CESAM nous ont permis, grâce à un nombre limité d'échantillons, mais choisis de façon à représenter la variabilité globale, de créer la première base de données des indices de réfraction représentant la variabilité des propriétés optiques des poussières à l'échelle globale. Ces propriétés vont ensuite nourrir les modèles climatiques, ainsi que les algorithmes des restitutions satellitaires. Ces spectres produits en laboratoire intéressent particulièrement Juan Cuesta qui étudie la composition de notre atmosphère. Grâce à ces signatures spectrales, il parvient à détecter l'empreinte laissée par les poussières sur les relevés satellitaires. En agrégeant les données, il a pu cartographier en 3 dimensions l'évolution journalière de la distribution des poussières à l’échelle mondiale. Ce que nous voyons ici en marron, c'est la distribution tridimensionnelle de cette poussière. On voit comment elle est émise près des sources sahariennes, comment ensuite la chaleur du Sahara va la ramener vers le haut et la mélanger par turbulences jusqu'à 6 ou 7 kilomètres d'altitude. Puis elle est transportée vers l'ouest, au-dessus de l'Atlantique, avant d'arriver en Amérique centrale. Une fois projetées dans l'air, ces particules de poussière absorbent et diffusent le rayonnement solaire qui entre dans l'atmosphère ainsi que le rayonnement infrarouge réémis par la surface terrestre. Elles filtrent une partie de ces rayons à la manière d'un bouclier ou d'un gaz à effet de serre. Elles transportent aussi des minéraux et des nutriments à travers le globe, fertilisant des zones comme l'Amazonie. Autant d'impacts sur la machine climatique que les chercheurs tentent de caractériser précisément pour les inclure dans les modèles de climat. Les travaux que nous faisons visent d'une part à étudier en détail les processus près des sources où la poussière a été soulevée d'une manière ou une autre. Et à savoir pourquoi une tempête au cœur du Sahara a soulevé autant de poussière. Et comment ces poussières soulevées ont été transportées par le vent sur de longues distances et combien il en reste le long du transport. Elles agissent sur le rayonnement en provenance du Soleil, la plus grande source d'énergie pour notre planète. Elles peuvent aggraver les conditions de vie des populations et atteindre les glaciers des pôles. Elles modifient la circulation atmosphérique et le bilan énergétique terrestre, et influencent les régimes de pluie et leur répartition. Et ce, dans des proportions inconnues. Autant de raisons pour la science de poursuivre ses investigations autour de ces tempêtes de poussière aussi puissantes qu'imprévisibles.
Réalisation :
Barbara Vignaux , Pierre De Parscau
Production :
Universcience, CNRS, IRD, Inrae
Année de production :
2022
Durée :
7min39
Accessibilité :
sous-titres anglais, sous-titres français