Bonjour et bienvenue à la Cité des sciences et de l’industrie pour ce nouveau numéro du journal des sciences. Au sommaire cette semaine : Des plongeurs d'exception, des cellules comme on ne les a jamais vu, des paresseux géants, et des diamants venus de l'espace.
Les gitans de la mer
Au fil des millénaires, certaines populations se sont adaptées génétiquement à leur environnement. Les Tibétains sont prédisposés à la vie en altitude, les populations d'éleveurs d'Afrique et d'Europe du Nord ont acquis une mutation génétique pour mieux digérer le lait de leurs troupeaux. Qu'en est-il des peuples de la mer ? Pour le savoir, partons en direction de l'Asie et d'une population nomade, les Bajau.
Surnommés les gitans de la mer, les Bajau vivent traditionnellement sur des bateaux, bateaux qu'ils délaissent parfois pour des maisons sur pilotis. Éparpillés entre l'Indonésie, la Malaisie et les Philippines, ce peuple de plongeurs vit principalement de la pêche. De poissons, de pieuvres, de coquillages, qu'ils vont chercher parfois à 70 mètres de profondeur, au cours de plongée qui peuvent durer parait-il jusqu'à 13 minutes !
Une équipe de biologistes s'est intéressée à l'anatomie de ces plongeurs et plus particulièrement à un de leur organe : la rate. Car ce petit organe mou joue un rôle clé pendant la plongée en se contractant, pourrait-on dire, pour approvisionner le sang en globules rouges, riches en oxygène.
Les échographies, faites sur place, ont montré que la taille des rates de la communauté Bajau étudiée, était en moyenne 50% de fois plus grosse que celles de l'ethnie voisine habitant à 15 km. Une différence qui ne s'expliquait pas seulement par une pratique de la plongée dès l'enfance, car même les commerçants et les instituteurs Bajau qui ne pratiquent pas ou peu la plongée portent cette caractéristique.
En comparant l'ADN de ces Bajau à celui d'autres populations, les chercheurs ont mis le doigt sur la mutation d'un gène PDE10A, indirectement responsable de cette rate hypertrophiée.
La pratique risquée de la plongée en grande profondeur aurait ainsi favorisé la survie des porteurs de cette mutation génétique et ce serait ainsi, sous l'effet de la sélection naturelle, généralisée à l'ensemble de la population.
La vie cellulaire filmée in vivo
Observer des cellules isolées sous une plaque de verre, c’est un peu comme vouloir s’installer dans un zoo pour étudier le comportement du lion. L’analogie est du prix Nobel de chimie 2014 Eric Betzig, dont l’équipe vient de mettre au point une toute nouvelle méthode d’observation en 3 dimensions de cellules vivantes.
C’est un spectacle inédit auquel vous assistez : une cellule immunitaire en train de migrer dans l’oreille interne d’un poisson-zèbre, tout en ramassant des particules de sucre – ici en bleu – le long du chemin. Et tout cela, en temps réel.
Un spectacle inédit, car c’est la première fois que des cellules sont observées in vivo de façon aussi réaliste. Cet exploit est dû à une équipe américaine à laquelle appartient notamment Eric Betzig, prix Nobel de chimie 2014 pour ses travaux révolutionnaires en microscopie optique.
Les techniques conventionnelles d’imagerie ont deux gros défauts : elles sont trop lentes pour observer une action biologique à l’échelle cellulaire et elles utilisent de fortes quantités de lumière qui peuvent endommager les tissus. Pour obtenir une image précise et réaliste de la vie cellulaire, l’équipe d’Eric Betzig a combiné deux techniques.
La première, dite LTTM (lattice light-sheet microscopy en anglais), est une variante de la microscopie à nappe de lumière, très précise et peu émettrice de lumière. La seconde méthode, empruntée à l’astronomie, est l’optique adaptative, qui permet de corriger les distorsions provoquées par les tissus environnants de la cellule.
Les chercheurs ont travaillé sur divers tissus : des embryons de poisson-zèbre, un organoïde dérivé de cellule-souche humaine, un petit nématode et des feuilles de l’arabette des dames. Ils ont ainsi filmé des processus de développement de la moelle épinière, de division cellulaire dans le cerveau et l’œil en formation ou le déplacement de cellules de cancer du sein métastasique.
Retour plateau
Ce microscope d’un nouveau genre est encore peu maniable, puisqu’il occupe une table de trois mètres de long dans un laboratoire de l’institut Howard Hughes. Mais cela devrait être amélioré rapidement tant la technologie est prometteuse.
Dans les pas des paresseux géants
Vous connaissez certainement le paresseux, ce mammifère arboricole d’une extrême lenteur. Mais vous n’avez peut-être jamais entendu parler de son cousin, le paresseux géant ! Et pour cause, il a totalement disparu il y a au moins 10 000 ans. Au nouveau Mexique, une équipe internationale a fait une étonnante découverte qui en dit long sur l’extinction de ces animaux grand format.
Dans le désert des White Sands au Nouveau-Mexique, des chercheurs ont mis au jour des empreintes fossilisées d’animaux géant datant d’au moins 10 000 ans. Mais plus surprenant encore, à l’intérieur de certaines d’entre-elles, ils y ont trouvé des empreintes de pieds humains !
Le site comporte plus d’une centaine d’empreintes de paresseux géant, mesurant entre 30 et 56 centimètres de long. L’animal imposant pouvait en effet atteindre trois mètres de hauteur ! Quant aux multiples traces de pieds d’origine humaine, elles trahissent la présence d’hommes, de femmes et d’enfants. Mais le plus intriguant, ce sont ces empreintes superposées des deux espèces humaines et animales.
Avant toute chose, les scientifiques ont démontré que les empreintes étaient bien contemporaines l’une de l’autre. Il aurait pu s’agir alors d’un comportement de jeu de la part des humains, qui se seraient amusés à poser leurs pieds dans les empreintes géantes. Mais l’équipe suggère qu’il s’agit plutôt d’un comportement de traque. En observant les empreintes de paresseux, les chercheurs ont distingué ce qui leur semble être des indices de fuite et d’affrontement. Si tel est le cas, ce gisement pourrait être alors la toute première preuve fossile d’une chasse humaine, datant de la fin du pléistocène.
Quoiqu’il en soit, une telle scène correspond plutôt bien au scenario communément admis, qui veut que l’homme soit responsable de l’extinction rapide de la mégafaune de cette époque, à laquelle appartenait aussi le mammouth, ou encore le tigres à dents de sabre.
Les diamants de la météorite
Des micro diamants ont été trouvés dans les fragments d’une météorite tombée sur Terre en 2008. Leur présence nous indique que cette météorite provient d'une planète de belle taille !
Il y a presque 10 ans, le 7 octobre 2008, au Soudan, l’aube a été illuminée par l’explosion en altitude d’un petit astéroïde. Celui-ci avait été repéré deux jours plus tôt par l’observatoire du Mont Lemmon, en Arizona, et suivi par un réseau de surveillance jusqu’à son entrée dans l’atmosphère.
L’explosion de l’objet puis sa chute dans le désert au nord du Soudan ont même été photographiée par des satellites météo, en orbite terrestre.
Près de 5 kilos de roches météoritiques ont été trouvés près du point d’impact, et ces fragments ont été analysés sous toutes les coutures. Une partie de ces analyses ont été faites à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne et publiées dans la revue Naturecommunications du 17 avril 2018.
Les fragments analysés se sont révélés contenir de minuscules diamants d’un dixième de millimètre contenant des inclusions de phosphate, de chromite et de sulfure fer-nickel.
La composition et la morphologie de ces inclusions impliquent que ces diamants ont été formés sous une énorme pression, celle qui règne à l’intérieur d’une planète de belle taille.
Ces inclusions révèlent donc que le petit astéroïde était un fragment d’une planète détruite dont la taille devait être comparable à celle de Mars ou Mercure.
Ce journal est maintenant terminé. Nous nous retrouvons la semaine prochaine pour un nouveau tour d’horizon de l’actualité scientifique. D'ici là, bonne semaine à tous.