Cet œuf de dinosaure est vieux de 192 millions d’années
Et il n’est pas tout seul. Des chercheurs en ont trouvé plus d'une centaine, accompagné de 80 squelettes. Une découverte extrêmement rare, qui amène une nouvelle preuve que même les dinosaures primitifs avaient des comportements sociaux et vivaient en troupeaux organisés.
Et c'est peut-être la clé de la longévité de l’espèce.
Tout a commencé en Patagonie, en Argentine. C'est lors d’expéditions dans les années 70 que le paléontologue argentin José Bonaparte découvre sur place les premiers restes de dinosaures de la période du Jurassique.
Mais ce site reste inexploité pendant 30 ans.
- J’ai décidé d’y retourner en 2002 , il fallait voir s’il restait d'autres fossiles. Le premier jour, j’ai trouvé les restes de trois grands dinosaures. L’année suivante, on a organisé une expédition un peu plus grande et là on a trouvé le premier œuf, et encore d’autres squelettes. Alors, j’ai compris qu’il nous fallait une équipe encore plus grande et interdisciplinaire.
Chaque année depuis 2012 une équipe internationale reprend les recherches.
Avec succès. Ils découvrent des nids et n’étudient pas seulement les dinosaures, mais aussi l’environnement pour comprendre la densité du site.
Au total, 100 œufs et presque autant de fossiles de jeunes adultes sont collectés.
Une découverte particulièrement rare, surtout pour l’espèce identifiée. Un dinosaure primitif de 192 millions d’années, le Mussaurus patagonicus.
Cet herbivore de la période du Jurassique est un lointain cousin du célèbre et gigantesque brachiosaure au long cou.
Plus surprenant encore. L’analyse géologique montre que la plupart des spécimens font partie d’une même couche de fossiles. Ces animaux seraient donc décédés en même temps, et non à différentes époques.
Une question se pose alors : pourquoi sont-ils morts ? Pour le comprendre, il faut s’intéresser au climat.
Aujourd’hui, désertique, froid, avec des étés dépassant rarement les 25 degrés Celsius. Il était à l’époque bien différent.
- Dans cette région, on pouvait trouver des fougères, des conifères et il y faisait vraiment beaucoup plus chaud qu’aujourd’hui, comme partout sur la planète d’ailleurs.
Dans les rochers on a pu retrouver la trace d’étés extrêmement secs, sans aucune précipitation. Et on pense qu’un de ces épisodes caniculaires de sécheresse pourrait avoir causé la mort de tous ces animaux
Mais une autre question intrigue les chercheurs. Plusieurs groupes d’animaux du même âge semblent s’être rassemblé côte à côte avant de mourir.
-Certains sont morts très jeunes, ils sont recroquevillés, couchés les uns contre les autres. C’est très rare d’avoir des comportements fossilisés, qui racontent quelque chose de plus, et pas seulement la forme des os.
Pour les chercheurs, cette organisation des squelettes par tranche d’âge témoigne d’une structure sociale complexe de troupeau organisé par génération.
Un comportement social avancé qui aurait donc existé 40 millions d’années plus tôt que ce qu'on pensait jusqu'à présent
Cela éloigne un peu plus les dinosaures des reptiles dans l’imaginaire collectif. Les lézards et les tortues étant eux, des animaux plus solitaires.
Vincent Fernandez, ESRF : - On avait envie de croire que les œufs avait été pondus par un Mussaurus mais il fallait absolument qu'on trouve un embryon pour en être sûr. Il y a eu plusieurs cas dans le passé où on trouvait beaucoup d’œufs on trouvait beaucoup de squelettes de dinosaures et en fait on s’est rendu compte plus tard que les œufs appartenaient à une autre espèce complètement différente. Donc il fallait absolument les embryons pour pouvoir confirmer que les Mussaurus vivaient en troupeau avec les jeunes, qu’ils venait sur le site saison après saison, toujours sur le même site, pour pondre.
Et pour confirmer leur appartenance à l’espèce, il a fallu faire voyager ces œufs entre deux continents. Direction le Synchrotron européen de Grenoble. 30 œufs de dinosaures ont donc pris l’avion avec le chercheur Diego Pol, en bagage cabine.
-On avait quatre jours, c’est 4 jours 4 nuits.
On voulait utiliser chaque heure qu'on avait.
Je crois qu’on a passé les deux premiers jours à scanner les trente œufs un par un et regarder les résultats y avait plusieurs heures on n’a pas de résultat et d’un coup on a un œuf avec un embryon donc ça nous redonnait le moral... C’était comme ça pendant 4 jours.
On utilise une technique qui s'appelle la tomographie par rayons X, qui fonctionne comme un scanner d’hôpital. La différence, c’est que la source de rayon X et les détecteurs tournent autour du patient alors que dans un Synchrotron on va avoir la source et les détecteurs qui sont fixes et le spécimen qui est sur un plateau tournant.
C’est plusieurs dizaines de milliards de plus de rayons X qu’un scanner d'hôpital.
On a des propriétés qui permettent d’être beaucoup plus sensibles au variations de contraste.
La difficulté en paléontologie c'est que les fossiles sont techniquement de la roche et ils sont entourés par de la roche, donc la densité relativement la même. »
Alors que les nouveaux-nés tenaient dans la paume d’une main, les adultes pesaient une tonne et demie, de la taille d’une girafe. Difficile donc de s’occuper des petits - mais vivre dans un groupe organisé par âge auraient alors permis aux plus jeunes de se protéger et d'avoir plus de chance de survivre.
Les dinosaures ont eu une longévité incroyable! Ils ont vécu pendant des centaines de millions d’années!
C’est une situation unique dans l’histoire de la vie qu’un même groupe domine notre planète! Mais notre étude montre qu’il est très probable que ce comportement social soit apparu très tôt dans l’histoire des dinosaures. Et ça pourrait expliquer, en partie, le succès de ces derniers sur l'ensemble de la Terre.
Ils se déplacent en troupeau !