Face à l'épidémie de Covid 19, après un moment d'optimisme, la situation sanitaire en Afrique reste problématique. Lors de la fin de la deuxième vague, il y a eu beaucoup de décès et beaucoup de cas de covid. Et pour ce qui est de la troisième vague également, avec l'arrivée du variant Delta, et il y a même des jours où on avait plus de 1 000 cas par jour. Et le nombre de blessés également a augmenté, surtout du côté des jeunes. Le Sénégal est un petit peu surpris par cette arrivée du variant delta, qui touche les jeunes aussi, et de façon assez grave. Donc, c'est un peu plus compliqué en ce moment. Au Sénégal et au Burkina Faso, une initiative originale a été engagée pour limiter les effets de l'épidémie. Le Centre de recherche de Fann a été historiquement construit à partir d'une mobilisation conjointe de scientifiques et de communautaires pour la recherche et pour la prise en charge autour du sida. Dans un service hospitalier s'occupant de maladies infectieuses, on a été aux premières lignes quand il y a eu l'épidémie d'Ebola. Et donc notre centre a mené plusieurs projets de recherche sur les meilleures manières de répondre aux épidémies et sur l'implication des acteurs communautaires. Il y avait tout une expérience acquise dans le cadre du VIH ou d'autres épidémies qui faisaient que la mobilisation communautaire était importante. Donc, le but du projet, c'est de chercher à voir comment cet héritage-là peut être mobilisé, ou pas, d'ailleurs, dans la lutte contre le coronavirus. L'étude s'intéresse à l'implication des associations locales. Nous avons eu à faire des enquêtes de terrain, auprès de certaines associations. Ça peut être les associations des personnes vivant avec le VIH, les associations des femmes médecin . Il y a également des entretiens qui ont été faits auprès du REVOCAP. C'est un réseau de volontaires qui est né depuis l'année dernière, depuis le début du Covid. On a eu également à faire des entretiens avec les personnels de santé, avec les patients guéris du Covid... Moi, je suis chargée de faire les monographies des associations des Badiénou Gokh, ou maraines de quartier, en français. C'est un programme ministériel communautaire pour la santé de la mère, du nouveau né et de l'enfant. J'ai rencontré pas mal de marraines de quartier, soit chez elles ou bien dans leur lieu de travail. J'ai coordonné des études sur le terrain, donc des études qualitatives sur le vécu et l'expérience des personnes qui ont été admises dans les centres de traitement des épidémies. Après la deuxième vague et la troisième vague, où les centres étaient fermés, il y avait beaucoup plus de prise en charge à domicile. "Qu'est ce qu'ils ont fait en terme de démarches pour aller rencontrer les structures sanitaires ? Quelles ont été les difficultés qu'ils ont pu rencontrer"... Et essayer de retracer l'itinéraire de prise en charge. Et l'autre volet, c'est de voir aussi quelle peut être l'implication des acteurs communautaires dans la sensibilisation et dans la prévention du Covid de manière générale. On a constitué tout un répertoire de contacts, d'acteurs associatifs. Et effectivement, chaque personne qui allait sur le terrain avait plusieurs interlocuteurs avec lesquels elle discutait à titre individuel pour savoir comment ça se passait. Comment est ce qu'ils se sont organisés durant la pandémie ? Quelles sont les activités qui ont été menées ? Est ce qu'il y a eu des réorganisations au sein de la structure ? C'est ce genre d'information qu'on cherchait. Mais enquêter en pleine crise épidémique présente des difficultés. Ce qui est difficile, en fait, avec la communauté, c'est que, déjà, même le terme de communauté renvoie à plein de débats. Nous avons vu que parmi ces difficultés, il y a une implication tardive des acteurs communautaires concernant la riposte et aussi des difficultés financières et matérielles, mais aussi d'autres difficultés. Par exemple, les Badiénou Gokh, elles effectuaient une sorte de surveillance communautaire, c'est-à-dire que dès qu'elles identifiaient un cas de Covid dans une maison, elles appelaient les services dédiés à la prise en charge, ce qui n'est pas bien vu par les communautés. Malgré les cas de Covid qui sont enregistrés dans leur communauté, ils continuent à mener leurs activités. Je me suis dit : comment une personne peut prendre de tels risques ? Ils faisaient ce genre de choses uniquement pour aider la population. Le terrain, ce n'est pas juste aller dehors. La recherche de fausses informations, et tout ça, ça fait partie du terrain parce que ces fausses informations impactent aussi notre travail, parce que ça impacte directement les communautés et la perception qu'elles ont de la pandémie, mais aussi de la vaccination. Les associations de patients qui avaient l'expérience de collaborer avec le système de soins ont très vite réagi pour mettre en place, Par exemple, assurer que les personnes vivant avec le VIH aient leur traitement sans rupture. Mais leurs connaissances et leur savoir-faire n'ont pas été utilisés de manière plus large face au Covid. Dans un premier temps, la mobilisation communautaire était une mobilisation sous tutelle des autorités sanitaires -le respect des mesures barrières... Sur ces éléments en amont de la prise en charge. Et après, il y a eu des contestations. Ce n'est pas vraiment les acteurs de base, mais c'était plutôt des experts qui ont décidé de mettre en place un mouvement de société civile. C'est à partir de ce moment-là qu'on a entendu parler partout de l'émergence de cette dynamique communautaire. Au bout de quelques semaines, on a vu d'autres acteurs de la société civile s'engager. Alors, par exemple, les artistes se sont beaucoup engagés au Sénégal pour faire de la sensibilisation dans les rues, et puis des musiciens, qui rendent ainsi les messages de prévention accessibles. Il y a une évolution qui s'est faite... dans les activités et une cohésion communautaire qui s'est vraiment renforcée. On ne peut pas dire que c'est grâce à eux si on est arrivé à un certain niveau de la lutte contre la pandémie. Mais ils ont quand même assisté et ils ont apporté à la lutte contre la pandémie. Les acteurs associatifs ont vraiment un élan très fort vis-à-vis de la lutte contre le coronavirus et il y a vraiment une implication personnelle, individuelle et professionnelle qui est... remarquable. Et en fait, au final, quand le vaccin est arrivé, la population sénégalaise a plutôt bien réagi par rapport à ce à quoi on aurait pu s'attendre, dans le sens où il y a eu une acceptabilité un peu accrue au moment de l'arrivée du vaccin. Donc après, je pense que si on étudie cela et que, par la suite, on passe des recommandations, parce qu'on n'est pas là pour donner des solutions, mais plutôt des recommandations, ça peut aider. Une coordination entre décideurs en santé publique et acteurs communautaires pendant la planification de la stratégie, pendant la lutte contre l'épidémie et après dans le suivi psychosocial des populations, c'est quelque chose qui serait absolument primordial. Donc si jamais, je ne le souhaite pas, il y a une quatrième vague, il faudra aussi aller revoir ces acteurs communautaires là, pour essayer encore de travailler avec eux pour sensibiliser la population. Il y a des pistes déjà intéressantes qui sont là et qui peuvent être utilisées en cas d'autres vagues. Sur : à quoi ça peut servir une mobilisation ? Comment ? Qu'est ce qu'il faut faire ? Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire ? Qui sont les acteurs qui peuvent être exploités ? Et comment intervenir sur ces acteurs-là ? Et à travers quels mécanismes ?