Coup de pompe dans le football Une blessure au pied et voilà Neymar, l’attaquant du PSG, loin des terrains durant plusieurs mois. Mais son cas est loin d’être isolé, car le football, comme le rugby, sont des sports à haut risque, même sans contact avec l’adversaire. En Ligue 1, 70 à 80 joueurs sont blessés chaque semaine, surtout aux jambes. Sur une saison complète, cela fait en moyenne 50 blessures par équipe. Alors, pourquoi le foot fait-il autant de victimes ? Les raisons sont multiples : préparation physique, hygiène de vie, faux mouvements… Mais aussi le type de terrain et le type de chaussure. Deux sujets qui retiennent de plus en plus l’attention des chercheurs. À l’Institut de biomécanique humaine Georges Charpak, à Paris, le chercheur Philippe Rouch s’intéresse à la traumatologie du rugby et du football. Il étudie ainsi les nouveaux terrains synthétiques qui apparaissent dans les années 2010 pour permettre aux joueurs de s’entraîner ou de disputer un match quelle que soit la météo. Ces terrains sont-ils dangereux pour les joueurs ? Sur ce point, les études scientifiques donnent des résultats contradictoires. ROUCH : « Le gros problème… On n’arrive pas à lier la blessure et la cause réelle de la blessure quand on fait des analyses statistiques sur des grandes périodes de temps. » Le type de terrain est-il responsable des blessures ? Pour en avoir le cœur net, l’équipe de Philippe Rouch imagine tout un dispositif d’observation. Des joueurs équipés de la même paire de chaussures réalisent les mêmes gestes sur trois surfaces différentes : pelouse naturelle, pelouse synthétique et pelouse hybride. Ces terrains sont équipés de capteurs qui mesurent l’effort au sol des joueurs. Le dispositif permet aussi la reconstitution en 3D des gestes des joueurs et donc une analyse fine des efforts fournis par chaque joueur. ROUCH : « Et donc les flèches rouges que vous voyez apparaître… Pour vous donner un ordre d’idées, les meilleurs joueurs sont capables de générer jusqu’à sept fois… Quand vous marchez… jusqu’à des efforts qui sont considérables ». L’étude montre que le type de terrain n’affecte ni la vitesse de déplacement des joueurs ni leur temps de contact au sol. ROUCH : « Ce sont des datas qui intéressent beaucoup les entraîneurs… un avantage stratégique pour eux ». La vraie différence entre ces trois terrains est leur impact sur les articulations des joueurs, beaucoup plus sollicitées par la pelouse synthétique que par la pelouse naturelle. ROUCH : « Les conclusions de cette étude montrent que le type de terrain a une influence significative sur les chargements subis par les joueurs. Après, cette étude a aussi des limites, elle ne permet de comparer qu’une chaussure, peut-être pas adaptée à l’ensemble des terrains, mais qui permet de dresser un ordre préférentiel des terrains ». Suite logique de cette étude sur le rôle du terrain, donc : l’étude des chaussures. En février 2018, c’est juste après avoir changé de modèle que le numéro 10 du PSG se blesse face à Marseille. Afin de pouvoir comparer des modèles différents, les chercheurs commencent, là encore, par enregistrer un joueur de foot en 3D – en l’occurrence, une joueuse en pleine action footballistique, Elise Legrout. Le geste est ensuite modélisé pour être fidèlement reproduit par un bras robotisé, avec le même niveau d’effort que la joueuse. ROUCH : « Bras qui fait à peu près une tonne, qui va à deux mètres par seconde, qui est capable d’encaisser les niveaux d’effort qu’on va retrouver sur un cadrage débordement ou sur un dribble. Il est équipé de deux capteurs, un capteur au niveau du poignet du robot, qui va mesurer les efforts dans les trois directions de l’espace et un capteur qui est caché sous la pelouse, ce qui va permettre de combiner le point de vue du joueur et le point de vue de la pelouse dans nos analyses ». Autre paramètre observé par l’équipe : la déformation de la chaussure, grâce à des marqueurs destinés à traquer le mouvement en 3D et à des caméras à lumière infrarouge, comme ceux utilisés en cinéma d’animation. ROUCH : « Que ce soit la capacité de flexion de la chaussure, ici j’ai une chaussure souple, là une chaussure raide, il existe des différences de 1 à 2. Que ce soit sur l’amorti, la flexibilité ou le grip latéral, il existe des facteurs de 1 à 2. Toute l’idée, c’est de combiner ces données avec le joueur, son médecin, son préparateur physique, pour lui permettre de choisir au mieux son équipement ». Mais la santé des joueurs n’est pas la seule préoccupation des marques. Car si elles signent de juteux contrats d’exclusivité avec les joueurs, c’est aussi pour les contraindre à porter leurs derniers modèles. Or, des modèles, elles en lancent de plus en plus souvent… On en revient à Neymar, et à son changement de chaussures peut-être pas tout à fait opportun.