Serpentant à travers 6 millions de km² de forêt tropicale, l'Amazone est un colosse de la nature. Son débit fait 600 fois celui de la Seine. Prenant sa source dans la Cordillère des Andes, l'Amazone traverse le Pérou, le Colombie, le Brésil, l'Équateur et la Bolivie. Il est au cœur d'un système hydrologique jouant un rôle majeur dans l'équilibre du climat sud-américain et bien au-delà. Le fleuve représente 20 % des eaux continentales déversées dans les océans. Il charrie des sédiments indispensables à la biodiversité marine. Dans une région affectée par le changement climatique, le fleuve est un objet d'étude scientifique aux dimensions hors normes. Comment mesurer son état de santé ? Quel impact a-t-il sur le climat mondial ? Embarquement immédiat à la rencontre d'un géant en plein bouleversement. Pour retracer l'évolution de l'Amazone au fil du temps, la science a besoin de données de terrain. Impossible d'instrumenter durablement 6 500 km de fleuve alors que par endroit, le niveau d'eau peut monter de 15 mètres. Les populations locales ont été impliquées dans un projet de science participative. Depuis 20 ans, les chercheurs de l'observatoire Hybam ont créé un réseau d'acteurs locaux collectant des données sur l'environnement amazonien. L'hydrologue Jean-Michel Martinez de l'IRD va régulièrement en Amérique du Sud pour effectuer des prélèvements sur l'une des 13 stations du réseau. Certaines d'entre elles sont espacées de plus de 1 000 km. La qualité des eaux est un paramètre important car il recouvre des variables nous renseignant sur des paramètres environnementaux liés à la végétation, à l'érosion, et au climat de manière indirecte. Regarder la qualité, c'est regarder des problématiques liées à l'écologie qui nous permettent de comprendre comment l'Amazone impacte l'environnement au-delà du bassin versant. Le laboratoire Géosciences Environnement de Toulouse reçoit certains des échantillons d'eau pour analyses. Les scientifiques disposent d'outils pour créer une carte d'identité du fleuve et reconstituer son histoire grâce aux traces de certains sédiments. Le couvert végétal, les débits, la nature des minéraux charriés. Des informations livrées par la chimie que les chercheurs complètent avec des données satellitaires. Ils conçoivent ainsi des cartes illustrant les processus à l'œuvre dans l'ensemble du bassin amazonien. On mesure la modification des processus hydrologiques, le débit des fleuves qui s'altère. Première phase du changement climatique qui est enclenchée. La deuxième phase, la dégradation des processus liés au cycle de l'eau, l'érosion des sols, le transport des éléments chimiques, elle se passe maintenant et doit être suivie attentivement. Les impacts y seront les plus forts, pour l'Amazone et ses habitants, mais aussi pour le reste du monde. Ces bouleversements en Amazonie sont au cœur des recherches de Jhan Carlo Espinoza, hydro-climatologue à l'Institut des géosciences de Grenoble. À l'aide des données du réseau Hybam, il a mis en évidence une fréquence accrue des épisodes climatiques extrêmes. On observe la variation des niveaux d'eau de l'Amazone à Manaus au Brésil disponible depuis 1903. C'est la série la plus longue dont on dispose. On observe ces dernières années une intensification des inondations représentée par les points bleus. Pendant la première moitié du 20e siècle, on observait une inondation extrême tous les 20 ans. Depuis les années 2000, on les observe tous les 4 ans. Les sécheresses extrêmes aussi se sont intensifiées. En 2005-2010, on constate des sécheresses intenses en Amazonie. Si le Nord de l'Amazonie fait face à des crues record, le Sud affronte des sécheresses plus intenses et longues qu'avant. Une modification du climat régional pouvant transformer la forêt tropicale en un paysage de savane. Ce phénomène de savanisation a déjà impacté le régime des pluies localement et pourrait demain modifier la circulation atmosphérique mondiale. En 2005 et 2010, en raison d'une sécheresse extrême, l'Amazonie a émis plus de CO2 qu'elle n'en a capté. Une évolution accélérée par les incendies et la déforestation massive. La déforestation amazonienne atteint aujourd'hui 20 %. On sait qu'en arrivant à 40 % de la surface amazonienne déforestée, le système climatique peut s'effondrer. Les saisons sèches s'allongeraient, impliqueraient la perte de la forêt et une augmentation de CO² dans l'atmosphère. Le bassin amazonien stocke aujourd'hui 450 milliards de tonnes de CO2 dans ses arbres et ses sols. Longtemps qualifié de poumon vert de la planète, il constitue désormais une possible future source de carbone. De quoi inciter les 9 pays partageant ce trésor à adopter des politiques de préservation coordonnées et mobiliser le monde entier en faveur de cet arbitre du futur climat mondial.
Réalisation :
Barbara Vignaux , Pierre De Parscau
Production :
Universcience, CNRS, IRD, Inrae
Année de production :
2021
Durée :
6min36
Accessibilité :
sous-titres anglais, sous-titres français