Pourquoi chez-vous ? Valérie L’hostis – Physico-chimiste du béton armé au CEA
C’est plus un esprit curieux qui a fait que je suis devenue chercheuse. Plus que rêver de travailler dans le béton depuis ma toute jeune enfance. Ce n’est pas ça, non, en ce qui me concerne, ce n’est pas ça. Le béton, c’est effectivement un matériau vivant et je me suis rendu compte que contre toute apparence, parce que c’est un matériau qui n’est pas très beau, c’est gris, c’est uni… voilà. En fait, c’est un matériau très complexe. Et la corrosion des armatures c’est vraiment le phénomène qui est le plus visuel. On voit des fissures, comme des rides de ce bâtiment. Des rouilles rouges, des rouilles marron, on peut avoir de la rouille qui s’est transportée dans des fissures, des taches de rouille sur des bétons donc on a une première analyse visuelle qui nous donne des indices sur le type de corrosion. Ce que l’on observe, c’est à une échelle métrique voire pluri-métrique. À l’échelle d’un pont, à l’échelle d’un immeuble, à l’échelle d’un ouvrage, mais on sait que l’origine de ce que l’on observe, c’est microscopique. On va aller voir un ouvrage, prélever du béton sur cet ouvrage, l’analyser au laboratoire pour aller investiguer la nature des minéraux, la nature de la rouille, son épaisseur, son ampleur. Et à partir de là, on peut bâtir des scénarios. Je me souviens d’une mission au Palais des Papes en Avignon, des échantillons de l’église Saint-Sulpice et on raisonne en enquête policière, on va chercher des indices sur l’ouvrage, aussi dans les livres et ensuite on essaie de résoudre l’énigme. Ce que j’aime dans ce sujet-là, c’est que les matériaux, les ouvrages existent, ils rencontrent des pathologies ou ils sont plus ou moins vieux, en bon état, et en fait, c’est pas de notre faute. Mais on a une responsabilité de s’en occuper. C’est un facteur qui est vraiment important pour moi de me sentir utile, donc d’être utile pour les chercheurs. Mais aussi là, au niveau du sujet de recherche, d’être utile pour le maître d’ouvrage, pour le constructeur de l’ouvrage, et lui apporter des solutions à ses questions. Ça, c’est vraiment quelque chose qui me tient à cœur et qui fait que je suis épanouie dans ce type de recherches. Souvent, je dis aux gens : « Attends, je vais peut-être dire des bêtises parce que je réfléchis en parlant. » Mais en fait c’est souvent en échangeant, en parlant avec un autre chercheur et en disant : « Mais tu ne penses pas que peut-être ce serait cette idée, ah non, en fait tu as raison, ce n’est pas ça, mais par contre, ça peut peut-être être ça. Ah oui, OK, ça c’est une bonne piste à suivre. » J’ai un tempérament très optimiste. J’ai l’impression que ça m’aide parce que quand on vient me poser une question, je vais partir du principe que je vais réussir à y répondre et donc je vais du coup être motivée pour mettre en œuvre les outils pour y arriver. Voilà, c’est pas quelque chose qui va s’arrêter, il y aura toujours des questions à résoudre et donc ma curiosité sera toujours présente et mon envie toujours présente.