LA TUBERCULOSE
1. L’histoire
La tuberculose est aussi vieille que l’homme…
Dans l’Antiquité, on l’appelle « phtisie » qui signifie dépérissement. Hippocrate en fait la première description : une infection pulmonaire se manifestant par un amaigrissement, une toux et du sang dans les crachats, infection qui conduit progressivement à la mort.
Au XVIème siècle, un médecin italien, Girolamo Fracastoro, pose les bases de la contagion par un micro-organisme vivant invisible à l’œil nu.
En 1818, le médecin français René Laennec invente le stéthoscope.
Cet instrument révolutionne le diagnostic de la maladie par auscultation. Mais on ne sait toujours pas comment la tuberculose se propage ni comment la soigner. C’est la mode des cures dans des sanatoriums : bon air, repos et alimentation équilibrée servent à la fois à isoler les patients et à les soigner.
En 1882, l’Allemand Robert Koch met en évidence le bacille tuberculeux qui portera son nom. On sait désormais que le bacille de Koch se transmet par voie aérienne.
Surnommée la fièvre de l’âme au XIXème siècle, la tuberculose est une maladie « romantique », qui emporte Tchekhov, Chopin, Kafka ou encore Schiller. Durant ce siècle, ce ne sont pas les progrès de la médecine mais l’amélioration des conditions de vie et d’hygiène qui font reculer la maladie.
Ce n’est qu’au XXème siècle qu’est mis au point un vaccin, le BCG et surtout qu’apparaissent les premiers antibiotiques capables de traiter efficacement la maladie.
La maladie finit alors par se faire oublier dans les pays riches …
Jusque aux années 1980 où elle resurgit à la faveur de l’épidémie de Sida : les personnes séropositives dont le système immunitaire est affaibli, développent facilement la maladie.
Dans le même temps, les résistances aux antibiotiques sont de plus en plus fréquentes.
Aujourd’hui et chaque année, la tuberculose tue 1,3 millions de personnes, 9 millions de malades en sont atteints dont 500.000 multi résistants, malades pour lesquels les antibiotiques sont inopérents. Et ces chiffres sont probablement sous-estimés…
2. La géographie
La tuberculose est un membre émérite du club des grandes tueuses... Qui comme beaucoup d’entre elles, ne choisit pas ses victimes uniformément : les 22 pays les plus touchés par la maladie sont essentiellement en Asie et en Afrique.
A elles deux, l'Inde et la Chine concentrent plus de 45% des cas de tuberculose dans le monde.
Si l’on observe la prévalence de la maladie, c’est-à-dire le nombre de malades par rapport à la population totale du pays, C'est au Cambodge et en Afrique du Sud qu'on trouve les taux les plus élevés. Sur un échantillon de 100 000 personnes, au Cambodge, on dénombre 764 malades, alors qu’en Chine, 99 malades.
Dans certaines régions du monde, la maladie se propage plus rapidement qu’ailleurs. L'Afrique australe arrive largement en tête: Swaziland, Afrique du Sud, Mozambique et Zimbabwe sont les pays où le nombre de nouveaux cas était le plus élevé en 2013.
Pourquoi plus vite ici qu’ailleurs? La réponse tient en 4 lettres : SIDA... Car la tuberculose est une maladie opportuniste. Elle profite de l’affaiblissement des personnes séropositives pour les attaquer.
En Afrique du Sud, au début des années 2000, alors que l’épidémie de VIH frappe le pays de plein fouet, le nombre de cas de tuberculose explose.
Un dernier paramètre est à prendre en compte: les résistances, c'est-à-dire les cas de tuberculose difficiles à soigner, car le bacille s'est adapté aux antibiotiques. L'Europe de l'Est et l'Asie centrale concentrent le plus grands nombres de malades dits « résistants »... Si on arrive à guérir aujourd’hui 80% des cas de tuberculose non-résistante, plus de la moitié des cas de tuberculose résistante sont incurables.
La tuberculose est certes une vieille maladie mais la menace est bien actuelle. La co-infection avec le virus du Sida et la multiplication des résistances rendent encore plus urgent le besoin de nouvelles armes contre la maladie.
3. Le corps
Aujourd'hui, on estime qu'un tiers de la population mondiale est infecté par la tuberculose. Le responsable de cette pandémie est une minuscule bactérie, le mycobacterium tuberculosis. Mais fort heureusement, il n’y a pas deux milliards de malades tuberculeux sur terre. Dans la grande majorité des cas, la bactérie est neutralisée par notre organisme.
Quand une personne atteinte de la tuberculose tousse, elle projette dans l’air de minuscules gouttelettes de salives chargées de bactéries qui peuvent contaminer l’entourage.
Les bactéries descendent le long des voix respiratoires jusque dans les poumons. La personne est alors infectée. L'organisme repère cette intrusion et envoie au combat les cellules immunitaires dont les macrophageschargés de neutraliser les bactéries.
Quand la neutralisation a fonctionné, la personne souffre d’une tuberculose latente. Elle est infectée sans être malade.
Dans 5% des cas cependant, chez les jeunes enfants en particulier, le système immunitaire est battu... Les bactéries se multiplient. La personne tombe malade.
Parfois hélas, la tuberculose latente se réveille. Cela peut arriver après plusieurs mois, voire plusieurs années chez des adultes dont le système immunitaire est défaillant, comme chez certains malades séropositifs ou en cours de chimiothérapie.
Quand une personne tousse, respire difficilement et souffre de la poitrine depuis au moins trois semaines, qu’elle a de la fièvre, des sueurs nocturnes et qu’elle a perdu beaucoup de poids, le médecin suspecte alors une tuberculose pulmonaire.
Il existe d’autres formes plus rares de tuberculose. La bactérie peut profiter du sang ou du système lymphatique pour voyager à travers le corps. Elle se loge dans les ganglions lymphatiques, les articulations, l'appareil digestif, le système nerveux central, le foie ou le cœur… où elle provoque de nombreux dégâts.
4. Les soins
Aujourd’hui, les armes contre la tuberculose sont complètement dépassées.
Trois outils diagnostiques existent mais ils datent ... et fonctionnent mal : test cutané, radio des poumons, examen d’un crachat venant des bronches. Les trois ont leurs défauts : imprécision, lenteur, lourdeur.
Depuis 2011 un nouveau test diagnostique est disponible. Il donne un résultat en deux heures et détecte à la fois la tuberculose ET la résistance à l'antibiotique principal...
Mais on est encore loin de l’outil diagnostique idéal pour le médecin :
Un test rapide et fiable, à partir d’une goutte de sang ou d’urine par exemple pour soigner à temps, interrompre la transmission et sauver son patient.
De vieux médicaments (à l’écran)
Pour ce qui concerne le traitement, on utilise les mêmes médicaments depuis 50 ans.
Pour les cas de tuberculose simple, l’ordonnance est déjà longue et difficile à suivre: prendre chaque jour et pendant 6 à 9 mois quatre antibiotiques.
Pour les tuberculoses résistantes, l’ordonnance devient cauchemardesque: deux ans de traitement, un cocktail de pilules et d'injections, de nombreux effets secondaires extrêmement difficiles à supporter... pour une chance sur deux de guérir.
Pour le médecin, convaincre son patient de ne pas laisser tomber est un défi.
VARDAN
Je prends les médicaments depuis presque 7 ans maintenant. Je les connais par cœur. Et je connais les effets secondaires de chacun d’eux, ce qu’ils provoquent en moi. Bien sûr, encore maintenant, après avoir pris les médicaments, j’ai des nausées, des vertiges. Mais maintenant c’est supportable.
Et maintenant… Je suis joyeux et heureux avec ma famille, avec mes enfants, avec mes voisins. Tout le monde devrait vivre avec sa communauté. Et je suis jeune, j’ai 60 ans, et je suis toujours utile à ma communauté.
Dans ce sombre panorama, une bonne nouvelle toutefois. Deux nouveaux antituberculeux sont en cours d’essais cliniques : la Bédaquiline et le Délamanide. En 2015, 2600 malades multi-résistants, répartis dans 16 pays en bénéficient. Ces deux nouveaux médicaments portent l’espoir de traitements plus courts, moins toxiques et plus efficaces.
5. Le futur
Eric Ghigo, INSERM
On s'intéresse à ce ver là qui s'appelle la planaire, c'est un invertébré. On s'est intéressé à ce ver parce qu'il a de capacité de survie important - c'est un ver immortel. C'est à dire qu'on peut le découper en petits morceaux et il va se régénérer. Et nous on s'est posé la question puisqu’il a la capacité très importante de régénération, est-ce qu'il a aussi de capacité particulière en terme de réponse immunitaire c'est à dire de lutte contre les agents pathogènes.
On a donc pris ce ver, on l'a nourri, infecté avec des bactéries pathogènes - seize bactéries pathogènes pour l'homme dont mycobacterium tuberculosis et on a étudié ce qu'il faisait à ses bactéries et on s'est aperçu que contrairement à l'homme, ou à d'autres modes de l'organisme, il tuait toutes les bactéries que nous testions, et mycobacterium tuberculosis inclus. On a donc essayé de comprendre quel était le mécanisme utilisé par ce ver pour résister à ses bactéries pathogènes, essayé d'identifier ce mécanisme pour pouvoir à terme comprendre qu'est ce qui s'est passé chez l'homme, et comprendre pourquoi l'homme n'était pas capable de lutter contre ces bactérie comme mycobacterium tuberculosis.
Donc on a identifié une série de gènes qui sont impliqués dans la résistance de la planaire contre les bactéries pathogènes et parmi ces gènes on a identifié un gène qui s'appelle morn2 qui permet de tuer les mycobactéries. Donc on a regardé dans les cellules blanches humaines - dans les globules blancs humaines - si ce gène là était présent puisque le ver était capable de tuer et l'homme n'était pas capable de tuer, on s'est aperçu que le gène était présent mais ne fonctionnait pas à son plein régime lorsqu'il rencontrait la bactérie.
On a donc ajouté ce gène là in vitro dans les globules blancs humaines et on a pu observer que ces globules blancs devenaient capable d'éliminer mycrobacterium tuberculosis - ce qui permettait d'envisager de nouvelles voies thérapeutiques, nouvelles orientations pour pouvoir se débarrasser ou pour pouvoir lutter plus efficacement contre cette bactérie qui infecte l'homme.
Si on est optimiste, c'est dans le dix prochaines années il faut maintenant pouvoir passer de la planaire à la culture cellulaire - on a commencé, on sait le faire, et après il faut passer aux modèles beaucoup plus gros qui peut être la souris, voir, le lapin, peut-être le primate pour en arriver à l'homme