Michel Serres Philosophe
-J'aime ne pas conjuguer le verbe être.
Je crois que le corps humain n'est pas.
Mais il peut.
Au lieu de dire "il est", je dirais "il peut".
Il peut beaucoup de choses dont l'esprit s'étonne.
Il peut beaucoup de choses qu'il invente.
Par exemple, quand vous êtes devant votre professeur de gymnastique, il puise dans ces possibilités pour dire : "Tu peux faire ça, tu peux faire ceci, tu peux faire ce geste ou ce mouvement." Par conséquent, je crois que le corps humain n'est pas, il peut.
Il est dans l'ordre du possible.
Lorsque le corps prend un nombre incalculable de positions, de gestes, qu'il est capable de faire mille mouvements, on peut lui donner comme emblème ou comme image, le manteau d'Arlequin.
Le manteau d'Arlequin est composé de mille petits morceaux qui ont des formes différentes, des couleurs différentes, etc.
C'est le corps Arlequin.
Il peut faire mille choses différentes.
Maintenant, je vais dire quelle en est la limite.
Il est tellement capable d'adopter toutes les couleurs qu'il devient blanc, qui est la somme de toutes les couleurs.
Ce n'est plus Arlequin mais Pierrot lunaire, tout habillé de blanc.
Le corps est à la fois tout et il peut tellement qu'il devient blanc.
Je dirais que le corps du danseur est un corps blanc, qui peut prendre n'importe quelle position, faire n'importe quel geste.
Le corps humain, c'est cela, c'est la possibilité, la capacité, c'est le génie du virtuel.
Le corps humain, c'est curieux de dire ça, est moins réel que virtuel.
Il a la vertu et la capacité de faire n'importe quoi.