Pourquoi chez-vous ? Stefano Panebianco – Stefano Panebianco
Ah, c’est une question qui est compliquée. C’est essayer de questionner la nature, lui tordre le cou et l’obliger à nous répondre. Moi, je dirais à ma petite échelle, c’est aussi un certain besoin d’ordre. J’aime pouvoir définir les choses que j’ai autour de moi, peut-être pour qu’elles me fassent moins peur. Un vrai cercle parfait, en réalité, ça n’existe pas. Le développement du milieu scientifique, c’est aussi cet aller-retour entre une image idéalisée, conceptuelle et la réalisation pratique et réelle d’un objet physique qu’après, on peut appréhender, qu’on peut mesurer avec toutes les limites que le processus de mesure même a. Dans beaucoup de domaines, pas tous, le physicien fabrique lui-même ses propres instruments. Et c’est un côté artisanal et ça, c’est quelque chose qui m’a toujours passionné, le côté même bricoleur parce qu’on imagine toujours les expériences de physique comme quelque chose de toujours très compliqué et c’est le cas. Mais en réalité, quand on se trouve devant l’instrument, parfois on est obligé de ruser sur des petites choses, alors il y a toujours un petit bout de ficelle, le bout de ficelle qui permet de tenir un détecteur qu’on avait prévu avec un système très compliqué. Lorsque ma mère me demande : « À quoi sert ce que tu fais ? » Au premier abord, je réponds : « À rien, sauf à comprendre le monde, ce qui est déjà un pari assez conséquent. On se rend compte que puisque pour faire de la recherche fondamentale, on est obligé de développer des instruments, des technologies, qui sont très pointus, ces technologies-là se retrouvent forcément et en tout cas très souvent appliquées dans la vie de tous les jours. En physique subatomique, on regarde des objets physiques qui ont des tailles qui sont plus petites que la taille d’un atome. C’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup et qui est le fait de regarder un objet par l’intermédiaire des traces qu’il laisse. On peut voir la trace de son passage dans de la matière. C’est une enquête de police où l’on regarde à la loupe les traces, comme des traces dans du sable, comme un voleur qui s’échappe, et qui laisse des traces. Eh bien, moi je suis là aussi avec ma loupe pour essayer de regarder et à partir de ces traces, déterminer qui était ce voleur. Pendant très longtemps, on peut penser avoir identifié l’assassin, mais en réalité, l’assassin était un autre. Une particule qui avait presque les mêmes propriétés, mais pas tout à fait les mêmes. Les grandes révolutions qu’ont pu être la mécanique quantique ou la relativité sont d’un autre temps, je dirais. Aujourd’hui, on est plutôt sur des modifications successives, petites, mais qui constituent, mises bout à bout, des modifications essentielles, qui nécessitent de sortir du cadre.